L’utopie :
une nécessité pour demain ?
En grec « utopia »
signifie « lieu qui est nulle part ». D’emblée l’utopie est sous le
sceau du rêve, de quelque chose d’irréel, d’irréalisable. Utopie semble dès ses
origines appartenir au domaine de l’impossible. C’est un lieu, donc un tangible
mais qui n’a pas de place. Cependant, Thomas More dans le cadre d’un récit, représente
l’utopie par une île où règne une stricte égalité, une propriété collective des
moyens de production, une absence de monnaie. Observons que ce récit a été
imaginé en 1516 par Thomas More qui dénonçait le mouvement en Angleterre
d’enclosure consistant à privatiser la terre, ce qui a supprimé l’accès à la
terre à de nombreux paysans et a été à l’origine d’une famine. L’Utopia de
Thomas More, auteur qui fût décapité pour s’être opposé au Roi Henri VIII,
résonne comme « un autre monde est possible ».
Dans un premier temps je propose
que nous réfléchissions à la notion « d’Utopie ». Thomas More conçoit
une Utopie dans ses moindres détails comme une organisation précise d’une
société humaine. Qu’en est-il ? L’utopie est-elle une représentation
détaillée d’une réalité souhaitée ou juste une esquisse dessinée à grands
traits. L’utopie est-ce un programme, un projet ou juste des valeurs
agrégées ?
Il nous faudra aussi différencier
ou pas l’utopie du rêve, de la croyance. Ainsi je crois en la bonté des hommes,
donc à quelque chose que je déclare comme réel, que je crois exister au moment
où je m’exprime. Or l’utopie semble renvoyer à un objet qui n’existe pas, qui
est souhaité. L’utopie appartient au domaine du possible souhaitable, la
croyance affirme l’existence de quelque chose. Mais alors la réalisation d’une
utopie condamne-t-elle celle-ci à sa mort ?
Par ailleurs, l’utopie est
associée à une idée, un projet qui repose sur des valeurs, des notions
d’égalité, de bonheur, parfois d’amour. Mais alors pourquoi un tel dédain
aujourd’hui vis-à-vis de l’utopie ? Nous entendons souvent dire
« l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Mais si nous supprimons
les bonnes intentions, que devient l’enfer ? Deviendrait-il pour autant
meilleur ?
Ensuite, le terme
« nécessaire » devrait apporter un éclairage supplémentaire. Ne
faut-il pas prendre le terme nécessité au sens fort, au sens philosophique ou
spinoziste ? Nécessité signifie alors la « condition pour », le
préalable à ce que cette chose puisse « exister ». Autrement l’utopie
serait la condition pour qu’un demain puisse être.
Sans utopie pas de demain,
pas d’existence à venir. Ceci nous invite à explorer les liens entre
« exister » et utopie. L’étymologie d’exister, « ex-
ister » qui signifie « se
tenir hors ». L’utopie, cet « hors » qui cherche sa place, serait-ce
une condition à « l’exister » ? L’utopie serait-elle une sorte
« d’appel de l’être », un appel à transcender notre « nature
humaine ».
Et si l’utopie était consubstantielle à la condition humaine,
le propre de l’homme, ce qui fait notre humanité ? Mais alors le mépris actuel
pour l’utopie, exercé au nom d’un pragmatisme sonnant et trébuchant, serait-ce un déni de notre condition humaine ?
Christophe
baudet
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