LA VÉRITÉ EST AILLEURS ?
"La vérité est ailleurs !" Dans X-Files, on n'a jamais le fin mot de l'histoire. Chaque fois que Mulder et Scully s'approchent de la vérité, elle leur glisse entre les doigts. Ce qui fait que X-Files -une série des années 90 - soit totalement en phase avec la paranoïa de notre époque. (...) Dire que "la vérité est ailleurs", ce n'est pas chercher la vérité. C'est la fuir. Celui qui croit dur comme fer que "la vérité est ailleurs" verra toujours, pour cette raison, dans la vérité qu'on lui propose le paravent de la vérité qu'on lui cache. Si la vérité est ailleurs, alors tout ce qu'on nous présente comme la vérité ne peut être qu'un mensonge. Dire que la vérité est ailleurs, ça ne veut pas dire qu'on cherche la vérité, ça veut dire qu'on s'arrange pour ne jamais l'atteindre. (...) Celui qui pense que la vérité est ailleurs se vit comme un courageux, croit qu'il a le courage de chercher la vérité derrière le rideau des apparences alors qu'en fait il a la trouille d'assumer qu'il a peut-être la vérité sous les yeux. ».
L’idéologie véhiculée par cette série télévisée s’intègre, on ne peut
mieux, au « relativisme » ambiant. Toutefois, et afin que les choses
soient claires, il importe de définir de quelle vérité nous allons parler ce
soir, ce qui nous permettra – à –l’occasion – de savoir si elle peut être
« ailleurs ».
- Eliminons immédiatement une piste,
vieille comme la scolastique, mais pourtant encore enseignée en France.
Voici ce que dit sur le sujet de la vérité un éminent théologien, doyen de
la faculté libre de théologie évangélique de Vaux s/Seine : « La voie nous est donc tracée : celle de
la confession qui montre à tous les hommes le fondement d’une notion
entière, et leur indique ce qu’en tâtonnant ils cherchent : Qu’est-ce
que la vérité ? Ta Parole, notre Dieu, notre Père, est la vérité ! »
H. Blocher – Dogmaticien ( !). Ce rapt de la vérité par la
métaphysique et l’idéalisme est une constante dans l’histoire de la
philosophie. Quelque soit le verbiage utilisé, au fond il n’y a que les
vérités « révélées » par …Dieu (et ses prêtres, bien entendu).
- Considérons
une autre approche : Par exemple; si nous disons que « la Terre est
ronde », par opposition à l’idée ou à l’affirmation « la Terre est un
disque plat », nous avons dans ce cas et aujourd’hui la certitude que la
première affirmation est bien « La » « Vérité » (« absolue »).
Peut-il y avoir plusieurs vérités
sur cette question ? Dans le
référentiel de l’attraction terrestre, et sur terre, lorsque nous lâchons un
objet plus lourd que l’air, il va vers le bas. Nous constatons le fait, la
réalité et grâce à Newton et d’autres nous pouvons établir des lois
universelles dans leur domaine de validité.
Lorsque nous parlerons de vérité
nous devrons donc avoir à l’esprit cette considération simple : il faut
rechercher la vérité dans les faits.
Cela requiert une grande exigence, une grande rigueur car :
1 – nos sens peuvent nous
tromper,
2- nos opinions, nos préjugés, le poids des conceptions passées ….. Peuvent infléchir notre analyse, notre démarche …. scientifique…
Essayons de répondre à une objection courante : l’idée
que la philosophie n'est pas une science est sans doute assez répandue de nos
jours. Il y a plusieurs raisons à cela. En premier lieu, le développement des
sciences à l'époque moderne a conduit à retirer à la philosophie sa prétention
à être la reine des sciences, prétention incarnée tout particulièrement par la
métaphysique (appelée également philosophie première).
La métaphysique
est en effet une discipline qui étudie les principes les plus généraux de la
réalité (ou de l'être) et elle se situerait pour cette raison au-dessus de
toutes les formes particulières de connaissance.
Or, face aux sciences, une
telle discipline peut apparaître ne formuler aucune vérité vérifiable (par
exemple, sur Dieu, sur l'âme) ou aucune vérité qui ne serait pas mieux formulée
dans le cadre de telle ou telle science (sur l'espace, le temps, la
causalité) ; c'est pourquoi, la métaphysique est apparue vide de tout
contenu.
Mais si toute vérité repose en dernier ressort sur les
données de nos sens (cf supra), il n'est pas possible de constituer un ensemble
de connaissances hors de cette limite. La métaphysique est donc obsolète, et la
philosophie est purement et simplement remplacée par les sciences. Faut-il
alors déclarer la fin de la philosophie ?
Mais le rejet de la métaphysique n'a pas entrainé avec elle le rejet de la philosophie toute entière. Plusieurs conceptions de la philosophie demeurent en effet possibles. La philosophie peut avoir pour tâche de délimiter le domaine légitime de nos connaissances.
Mais le rejet de la métaphysique n'a pas entrainé avec elle le rejet de la philosophie toute entière. Plusieurs conceptions de la philosophie demeurent en effet possibles. La philosophie peut avoir pour tâche de délimiter le domaine légitime de nos connaissances.
Elle est alors une théorie critique
de la connaissance qui s'occupe de montrer de quelle manière les propositions
que nous formulons sont ou non légitimes.
Dès lors, elle peut être une activité
réflexive sur des connaissances déjà constituées, ou qui se prétendent telles,
et, en clarifiant les conditions d'utilisation et de validation de ses
connaissances, elle en évalue la légitimité et peut y intégrer l’éthique.
« On
appelle idée vraie, celle qui montre une chose comme elle est en
elle-même ; fausse, celle qui montre une chose autrement qu'elle n'est en
réalité. » Pensées métaphysiques, I, 6, …… « et l'on dit vrai un récit quand le fait
était réellement arrivé; faux quand le fait raconté n'était arrivé nulle part"
Spinoza.
La vérité est donc un enjeu majeur de la pratique
philosophique. Certaines philosophies, fuyant le réel, l’efficient, la
pratique, en dernier ressort, les hommes; se contentent de nous livrer un
breuvage complexe, un peu comme les « docteurs de la foi » parlant de
dieu en latin aux foules médiévales illettrées. Cela s’appelle « noyer le
poisson ».
La « vérité est ailleurs » est l’avertissement adressé par tous les faussaires de la pensée à ceux qui sont avides de savoir, c'est-à-dire de comprendre ce qu’ils sont et dans quel monde ils agissent. Doux avertissement, car il n’agit pas comme un impératif mais comme une prudence, un conseil mielleux, et même une « ouverture » sur la tolérance de tout, de toutes les opinions, de tous les mensonges. Tout se vaut et nous ne pouvons pas accéder à la vérité ! : Mot d’ordre de ces charlatans qui font commerce de leurs sophismes.
« Lorsqu'on
dit de quelqu'un qu'il a dit la vérité, c'est que certains, ou beaucoup, ou un
seul, ont commencé par dire des généralités vagues, ou carrément un mensonge,
mais que lui a dit la vérité,
c'est-à-dire quelque chose de pratique, de concret, d'irréfutable, la chose
même dont il fallait parler.
Ce n'est pas du courage que de se lamenter en termes généraux sur la méchanceté du monde et le triomphe de la bassesse, quand on écrit dans une partie du monde où il est encore permis de le faire.
Beaucoup font les braves comme si des canons étaient braqués sur eux, alors que ce ne sont que des jumelles de théâtre.
Ils lancent leurs proclamations générales dans un monde où l'on aime les gens inoffensifs.
Ils réclament une justice universelle, pour laquelle ils n'ont jamais rien fait auparavant, et la liberté universelle de recevoir leur part d'un gâteau qu'on les a longtemps laissé partager.
Ils ne reconnaissent comme vérité que ce qui sonne bien. «
Si la vérité consiste en faits, en chiffres, en données sèches et nues, si elle exige pour être trouvée de la peine et de l'étude, alors ils n'y reconnaissent plus la vérité, parce que ça ne les exalte pas. » B. Brecht, Cinq difficultés pour écrire la vérité (extrait)
Ce n'est pas du courage que de se lamenter en termes généraux sur la méchanceté du monde et le triomphe de la bassesse, quand on écrit dans une partie du monde où il est encore permis de le faire.
Beaucoup font les braves comme si des canons étaient braqués sur eux, alors que ce ne sont que des jumelles de théâtre.
Ils lancent leurs proclamations générales dans un monde où l'on aime les gens inoffensifs.
Ils réclament une justice universelle, pour laquelle ils n'ont jamais rien fait auparavant, et la liberté universelle de recevoir leur part d'un gâteau qu'on les a longtemps laissé partager.
Ils ne reconnaissent comme vérité que ce qui sonne bien. «
Si la vérité consiste en faits, en chiffres, en données sèches et nues, si elle exige pour être trouvée de la peine et de l'étude, alors ils n'y reconnaissent plus la vérité, parce que ça ne les exalte pas. » B. Brecht, Cinq difficultés pour écrire la vérité (extrait)
« …qui ne connaît la vérité n’est
qu’un imbécile. Mais qui, la connaissant, la nomme mensonge, celui-là est un
criminel ! » B.
Brecht, in La vie de Galilée
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