lundi 11 juillet 2016

Sujet du Mercredi 13/07 : Vive l’anarchie ? Ou l’ordre du monde pour Anaximandre.



Vive l’anarchie ?
 Ou l’ordre du monde pour Anaximandre.

Ce sujet traitera du rapport d'Anaximandre avec la pensée religieuse, l'ordre du cosmos et celui de la cité.
 
 L’anarchie (du grec ἀναρχία / anarkhia, composé de an, préfixe privatif : absence de, et arkhê, hiérarchie, commandement) désigne l'état d'un milieu social sans gouvernement, la situation d’une société où il n’existe pas de chef, pas d’autorité unique, autrement dit où chaque sujet ne peut prétendre à un pouvoir sur l’autre. Il peut exister une organisation, un pouvoir politique ou même plusieurs, mais pas de domination unique ayant un caractère coercitif. L’anarchie peut, étymologiquement, également être expliquée comme le refus de tout principe premier, de toute cause première, et comme revendication de la multiplicité face à l’unicité.

Anaximandre ( vers -610, à – 546 de notre ère ) est né à Milet sur les rivages de la Turquie actuelle, c'est-à-dire à la confluence de l’Orient où les Babyloniens avaient fortement développés une astronomie très élaborée et de l’Occident encore tout imprégné de mythes fondateurs qui font intervenir une substance première, infinie, immortelle et divine enveloppant et gouvernant toute chose : l’Arché.


Anaximandre va reprendre ce terme d’arché, mais, première rupture, il va écrire en prose alors que toutes les explications du monde précédentes étaient en style poétique. De la théogonie on va passer à ce qui va devenir la conception grecque de l’univers pour des siècles.
Désormais on rentre dans la période de « l’histoire à travers la physique ». Au lieu de chercher une origine, une source, au cosmos ; un « primus motor » comme dira plus tard Aristote, Anaximandre va désormais utiliser le terme arché dans un tout autre sens. Pour lui point d’origine première ( de création dirions nous aujourd’hui ), l’origine est perpétuelle, et elle peut continuellement donner naissance à ce qui sera. La cause complète de la génération de tout sera nommée apeiron (infini ou illimité).  Il n’y a plus de point originel dans le temps. La matière s’organise selon l’apeiron , cette organisation est présentée par lui comme une séparation de contraires : » « Ce d’où il y a génération des entités, en cela aussi se produit leur destruction, selon la nécessité, car elles se rendent les unes aux autres justice et réparation de leur injustice, selon l’assignation du Temps.[] ».

Anaximandre rompt de manière radicale avec le mythe en ce sens qu’il démythifie la démarche généalogique de création de l’univers. Dès  lors la porte s’ouvre sur une nouvelle géométrisation du monde. A la question que se posait Thalès qui faisait reposer le monde (et la Terre) sur l’élément eau mais se demandait comment son océan tenait dans l’espace, Anaximandre répond que la terre flotte en équilibre au centre de l’univers et il ajoute que si elle demeure en repos à cette place, sans avoir besoin d’aucun support c’est parce qu’à égale distance de tous les points de circonférence céleste, elle n’a aucune raison d’aller en bas plutôt qu’en haut, ni d’un coté plutôt que de l’autre. Pour la première fois le cosmos est placé dans un espace mathématisé constitué par des relations purement géométriques.

Mais les intuitions et réflexions d’Anaximandre sont l’écho de la nouvelle organisation sociale de la polis grecque. Comme le remarque J.P Vernant :« Les éléments se définissent, en effet, par leur opposition réciproque ; il faut donc qu'ils se trouvent toujours les uns par rapport aux autres dans une relation d'égalité), ou comme Aristote le dira ailleurs, en égalité de puissance.
On notera que l'argumentation aristotélicienne implique un changement radical dans les rapports du pouvoir et de l'ordre. La basileia, la monarchia qui, dans le mythe, fondaient l'ordre et le soutenaient, apparaissent, dans la perspective nouvelle d'Anaximandre, destructrices de l’ordre. L'ordre n'est plus hiérarchique; il consiste dans le maintien d'un équilibre entre des puissances désormais égales, aucune d'entre elles ne devant obtenir sur les autres une domination définitive qui entraînerait la ruine du cosmos. Si l'apeiron possède l'arché et gouverne toute chose, c'est précisément parce que son règne exclut la possibilité pour un élément de s'emparer de la dunastéia. La primauté de l'apeiron garantit la permanence d'un ordre égalitaire fondé sur la réciprocité des relations, et qui, supérieur à tous les éléments, leur impose une loi commune. ».

Ainsi la nouvelle organisation spatiale des hommes en cités, elles mêmes géométriquement structurées donne t elle naissance tout à la fois à une vision du cosmos non mythique, mécanique ; et une conception de la vie en commun ou l’ordre n’est plus divin mais humain, plus imposé par le destin, mais réglé par la volonté des hommes : « Le lien, pour nous si paradoxal, qu'Anaximandre établit entre l'absence de " domination ", la centralité, la similarité, autorise la comparaison avec un texte politique d'Hérodote où nous retrouvons le même vocabulaire et la même solidarité conceptuelle. Hérodote raconte qu'à la mort du tyran Polycrate. Maiandrios, désigné par le défunt pour prendre après lui le pouvoir, convoque tous les citoyens à l'assemblée et leur annonce sa décision d'abolir la tyrannie: " Polycrate, leur dit·il en substance, n'avait pas mon approbation quand il régnait en despote sur des hommes qui étaient ses semblables ... Pour ma part je dépose l'arché es méson, (au centre), et  je proclame pour vous l'isonomia. ".

Le cas d’Anaximandre équivaut pour le monde antique à la rupture que produisirent Copernic et Galilée à l’aube de la Renaissance face à la féodalité déclinante.
Les idées des hommes ne naissent pas de nulle part, Anaximandre, comme Copernic et Galilée vécurent à des périodes d’intenses mutations sociales et économiques. Le problème pour nous, 2500 ans plus tard, n’est il pas temps de renouer avec cette philosophie là ?  Celle qui dénonçait l’ordre comme fatalité ; l’injustice comme destin, et la Cause de Tout comme ayant source les mythes (littéralement mensonges, fables). Nous faut-il encore prendre le marteau pour frapper sur les idoles afin de nous rappeler qu’elles sonnent creux ?

Les citations sont extraites de : Les origines de la pensée grecque, J.P. Vernant PUF

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Mercredi  27 Juillet 2016

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