L’insécurité sociale : asservissement ou opportunité ?
« Avant
ils marchaient tous sur des oeufs, ils vivaient dans la peur : je les tenais
par les couilles. Depuis qu’ils savent l’année,
le jour et l’heure de leur mort je ne maitrise plus
rien, ils veulent profiter de leur vie. » Dieu (joué par Benoît
Poolvoerde)
Extrait
du film Le tout nouveau testament, 2015, Réa. Jaco Van Dormael
Ici le
personnage de Dieu dans le film se trouve désemparé. Depuis deux-mille ans il a une
emprise sur les humains, grâce un pouvoir : la peur. Et notamment
la peur de la mort. Les Hommes vivent dans l’incertitude et se soumettent ainsi au
tout puissant pour résoudre leurs problèmes
existentiels. On peut également choisir de ne pas suivre le
chemin de la dévotion, de s’affranchir
de toute force supérieure pour trouver les solutions en
soi-même .
Insécurité
sociale : source de peur d’asservissement
Dans nos sociétés modernes, Dieu pourrait se substituer au travail. Le travail, ce qui fait qu’on est « inclu » ou « exclu » de la société. Notre métier nous défini en tant qu’individu et à la question « que fais-tu dans la vie ? » on répond rarement « j’aime dormir et cuisiner des risottos ».
Dans nos sociétés modernes, Dieu pourrait se substituer au travail. Le travail, ce qui fait qu’on est « inclu » ou « exclu » de la société. Notre métier nous défini en tant qu’individu et à la question « que fais-tu dans la vie ? » on répond rarement « j’aime dormir et cuisiner des risottos ».
On FAIT
un travail, on EST un métier. Je suis dentiste - je suis prof
- rien, je suis au chômage. Et l’insécurité
gagne lorsque l’on dit « rien, je suis au chômage ».
On espère ne plus y être, en sortir ; et ceux qui n’y
sont on peur de se retrouver à Pôle Emploi.
Ce rapport travail / chômage est un des exemples forts qui nous tient debout par des ficelles, qui nous fait marcher sur des oeufs, qui permet à celui qui veut sortir de cette peur de réaliser n’importe quelle tâche, y compris les travaux précaires les plus répétitifs / dangereux / sans aucun intérêt pourvu qu’on gagne un peu d’argent et qu’on puisse cocher la fameuse case « je suis ouvrier à l’usine ».
Ce rapport travail / chômage est un des exemples forts qui nous tient debout par des ficelles, qui nous fait marcher sur des oeufs, qui permet à celui qui veut sortir de cette peur de réaliser n’importe quelle tâche, y compris les travaux précaires les plus répétitifs / dangereux / sans aucun intérêt pourvu qu’on gagne un peu d’argent et qu’on puisse cocher la fameuse case « je suis ouvrier à l’usine ».
Insécurité
sociale : une opportunité d’expérimentation
Mais l’absurdité
de cette pression sociale est peu à peu démasquée par certains individus qui préfèrent
prendre du recul et ne plus avoir peur. Ils expérimentent l’activité
de vie en dehors de la forme marchande/salariale, on peut imaginer l’existence
sociale sans le travail.
Ainsi
cette insécurité sociale si ravageuse peut faire
prendre conscience d’une nouvelle voie à
explorer : trouver qui l’on est sans passer par cette peur qui
nous oblige à travailler au sens « salarié ».
Un véritable moyen de réalisation de soi. L’insécurité
sociale financière fonctionne de la même
manière, on peut se résigner de jamais avoir assez d’argent,
mais on peut aussi penser le monde autrement qu’avec des transactions consuméristes.
Est-ce
que j’ai vraiment besoin d’une voiture aussi grosse ? d’une
alarme dans ma maison ? est ce que j’ai besoin de travailler 9h par jour
pour gagner de l’argent pour tenir ce système
? Est-ce que c’est parce que je participe à
cette terreur collective que j’ai l’impression de tenir aussi debout ?
La
contrainte te délivre et t'apporte la seule liberté
qui compte.
Antoine de Saint-Exupéry ; Carnets (1953)
Eduquer,
c’est former à la liberté,
c’est à dire à l’autonomie,
par la contrainte.
Kant ; Traité de pédagogie (1803)
Kant ; Traité de pédagogie (1803)
Réflexions
de Robert Castel sur l’insécurité
sociale :
L’association
de l’État de droit et de l’État social devait permettre de
construire une « société de semblables » où, à défaut d’une stricte égalité,
chacun serait reconnu comme personne indépendante et prémuni
contre les aléas de l’existence (chômage,
vieillesse, maladie, accident du travail...) ; « protégé », en somme. Ce double pacte - civil et
social - est aujourd’hui menacé :
- D’un côté, par une demande de protection sans limites, de nature à générer sa propre frustration. - De l’autre, par une série de transformations qui érodent progressivement les digues dressées par l’État social : individualisation, déclin des collectifs protecteurs, précarisation des relations de travail, prolifération des « nouveaux risques »...
Que
signifie être protégé dans des « sociétés
d’individus » ?
Il faut
en convenir : alors que les formes les plus massives de la violence et de la déchéance
sociale ont été largement jugulées,
le souci de la sécurité est bien une préoccupation
populaire, au sens fort du terme.
Comment
rendre compte de ce paradoxe ?
Il
conduit à faire l’hypothèse qu’il ne faudrait pas opposer insécurité
et protections comme si elles appartenaient à deux registres contraires de l’expérience
collective. L’insécurité moderne ne serait pas l’absence
de protections, mais plutôt leur envers, leur ombre portée
dans un univers social qui s’est organisé autour
d’une quête sans fin de protections ou d’une
recherche éperdue de sécurité.
Qu’est-ce
qu’être protégé dans ces conditions ?
Ce n’est
pas être installé
dans la certitude de pouvoir maîtriser parfaitement tous les risques
de l’existence, mais plutôt vivre entouré de
systèmes de sécurisation qui sont des constructions
complexes et fragiles, et portent en eux-mêmes le risque de faillir à
leur tâche et de décevoir les attentes qu’ils
font naître.
Ainsi
une réflexion sur les protections civiles et sur les protections
sociales doit-elle conduire aussi à s’interroger sur la prolifération
contemporaine d’une aversion au risque qui fait que l’individu
contemporain ne peut jamais se sentir totalement en sécurité. Car qu’est-ce
qui nous protégera - à part Dieu ou la mort - si pour être
pleinement en paix, il faut pouvoir maîtriser complètement
tous les aléas de la vie ? Cette prise de conscience de la dimension
proprement infinie de l’aspiration à la sécurité
dans nos sociétés ne doit cependant pas conduire à
remettre en question la légitimité de la recherche de protections. C’est
au contraire l’étape critique nécessaire
qu’il faut traverser afin de dégager la démarche
aujourd’hui requise pour faire face de la manière
la plus réaliste aux insécurités : combattre les facteurs de
dissociation sociale qui sont à l’origine de l’insécurité
civile aussi bien que de l’insécurité sociale. On n’y
trouvera pas l’assurance d’être
affranchi de tous les dangers, mais on pourrait y gagner la chance d’habiter
un monde moins injuste et plus humain.
Comment combattre cette nouvelle insécurité sociale ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
1 - Tout commentaire anonyme (sans mail valide) sera refusé.
2 - Avant éventuelle publication votre message devra être validé par un modérateur.