Les organisations sociales changent. Les régimes politiques
changent, ainsi que les mœurs et les coutumes. Mais l'histoire nous montre
toujours les mêmes conflits entre les hommes.
Les régimes politiques changent, pas l'homme. Il y a toujours eu
des riches et des pauvres, des hommes que le pouvoir enivre et d'autres qui
subissent leur tyrannie. Il y a toujours eu des classes sociales, des favorisés
et des opprimés. Les révoltes, les révolutions n'y ont rien changé, même si
l'on ne peut guère comparer le régime des pharaons avec la République française
née en 1789.
Les mœurs et les coutumes ne changent qu'en apparence. L'esclavage
a depuis longtemps été aboli. Cependant au IX ième siècle, la situation de
l'ouvrier travaillant dans les manufactures n'était guère plus enviable que
celle de l'esclave. Quand aux mœurs elles se modifient au fil du temps. Cela
n'empêche guère les hommes de continuer à agir par vanité, égoïsme et intérêt.
" La vraie philosophie de l'histoire revient à voir que
sous tous ces changements infinis, et au milieu de tout ce chaos, on n'a jamais
devant soi que le même être, identique et immuable, occupé aujourd'hui des
mêmes intrigues qu'hier. De tout temps, elle doit reconnaître le fond
identique de tous ces faits anciens ou modernes survenus en Orient comme en
Occident; elle doit découvrir partout la même humanité, en dépit de la
diversité des circonstances des coutumes et des mœurs. Cet élément identique et
qui persiste à travers tous les changements, est fourni par les qualités
premières du cœur et de l'esprit humain: beaucoup de mauvaises et peu de
bonnes. La devise générale de l'histoire devrait être: les mêmes choses mais
d'une autre manière" Arthur Schopenhauer, le Mode comme volonté et comme
représentation
Peut-on trouver un fond commun à toute l'histoire humaine? Une
telle compréhension de l'histoire n'est elle pas trop générale, superficielle ?
Ne faut il pas trouver des principes de compréhension pour chaque époque ou
pour chaque grande aire géographique? (Orient/ Occident) Les passions humaines
peuvent elles fournir un principe d’intelligibilité de l'histoire?
La nature humaine n'a pas d'histoire. Les guerres ne se
ressemblent pas, parce que les techniques évoluent. L'arc est remplacé par le
fusil, le fusil par la bombe. Malgré tout, il s'agit d'une même guerre de
l'homme contre l'homme. Si elle n'est plus militaire, elle sera économique,
comme c'est le cas actuellement. Les hommes, au travers de l'histoire ont
toujours désiré conquérir, dominer, imposer aux autres leurs valeurs. C'est en
ce sens que l'histoire se répète, parce que la nature humaine reste identique à
elle même. Les conceptions antiques du temps font de l'histoire la répétition
d'événements identiques : le temps est cyclique comme le suggèrent les thèmes
de la grande année et de l'éternel retour chez les stoïciens voire même chez
Nietzsche.Tout est fatal et toute éternité est appelée à se reproduire.
"Que dirais tu un jour, si une nuit, un démon se glissant
jusque dans ta solitude la plus reculée te dise: " cette vie, telle que tu
la vis maintenant et que tu l'as vécue, tu devras la vivre encore une fois et
d'innombrables fois; et il n'y aura rien de nouveau en elle si ce n'est
que chaque douleur et chaque plaisir, chaque pensée et chaque
gémissement et tout ce qu'il y a d'indiciblement petit et grand dans ta
vie devront revenir pour toi et le tout dans le même ordre et la même
succession- cette araignée là également, et ce clair de lune entre les arbres,
et cet instant ci et moi même. L'éternel sablier de l'existence ne cesse d'être
renversé à nouveau et toi avec lui ô grain de poussière de la poussière!
Ne te jetterai tu pas sur le sol, grinçant des dents et maudissant
un démon qui te parle de la sorte? Ou bien te serait t'il arrivé de vivre un
instant formidable où tu aurais pu lui répondre" tu es un Dieu et jamais
je n'entendis choses plus divines" Si cette pensée exerçait sur toi son
empire, elle te transformerait faisant de toi un autre, te broyant peut être:
la question posée à propos de tout et de chaque chose " voudrait tu ceci
encore une fois et d'innombrables fois? " pèserait comme le poids de plus
lourd sur ton agir! Ou bien ne te faudrait t'il pas témoigner de
bienveillance envers toi même, et la vie pour ne désirer plus rien de cette
dernière, éternelle confirmation, éternelle sanction? "
L'homme contrairement à l'animal est un être en devenir. Parce
qu'il est libre, qu'il n'est plus soumis à l'instinct, ses choix constituent
son histoire. Ils sont différents à chaque époque et ne se répètent jamais.
L'homme décide de l'homme. il est vain de vouloir reconquérir le passé. La
religion des grecs, comme leur langue est définitivement morte. Dès lors que
l'on cesse de croire au père noel, il devient impossible de retrouver par la
suite cette croyance. Ainsi va la marche de l'histoire. A une période
définitivement aboli succède une autre entièrement nouvelle. L'homme est
entièrement responsable de son destin selon Sartre. Ce sont ces décisions qui
constituent la trame de son histoire. Si l'animal n'a pas d'histoire, c'est
qu'il est soumis à l'instinct. Il en va différemment pour l'homme. Face aux
circonstances il a la possibilité d'agir d'une telle manière plutôt que d'une
autre. Or, les circonstances historiques ne sont jamais les mêmes.
Hegel et Marx ont pensé que l'histoire tend à un but. Elle réalise
d'époque en époque le destin de l'esprit de l'homme. Ce destin doit conduire à
une sorte d'harmonie entre les hommes, la société et le monde qui les entoure.
En ce sens elle constitue un progrès. Si progrès il y a on peut donc ne pas penser
que l'histoire se répète.
Pour Hegel , l'histoire humaine est un processus rationnel dont il
est possible de donner une vision systématique. Ainsi chaque peuple exprime une
étape du déploiement de l'esprit du monde dans un vaste mouvement qui va de l'Est
(Babylone, la Grèce antique) à l'Ouest ( l'Europe moderne) Ce processus est
dialectique: de la rencontre et de la confrontation entre les cultures qui
dépassent les oppositions de l'époque précédente. C'est un processus
téléologique (c'est à dire orienté vers un but) qui mène selon Hegel , à la
prise de conscience de soi de l'esprit du monde. Le travail de l'historien
philosophe c'est donc, pour hegel la saisie des processus rationnels à l'oeuvre
dans l'histoire de l'humanité, en insérant tous les événements dans un
processus censé être nécessaire et ordonné par une fin prédéterminée.
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