lundi 19 octobre 2015

Sujet du MARDI 20 octobre 2o15 : L’ordre est-il nécessaire ?



L’ordre est-il nécessaire ?

D'une manière générale, le mot ordre désigne, en philosophie, la disposition régulière et uniforme des parties d'un tout, des éléments d'un ensemble. Mais il apparaît, si on l'examine de près, susceptible de nuances très diverses.

Dans là nature physique, ou il est le plus apparent, l'ordre n'est que la succession constante des phénomènes liés par la loi de causalité qui s'énonce: les mêmes causes produisent les mêmes effets. Cet ordre est d'autant plus frappant que les phénomènes, étudiés sont plus simples et plus généraux; tels les grands mouvements astronomiques et les lois fondamentales de l'optique, de l'acoustique, de la thermodynamique, etc., que le physicien parvient à réduire à la rigueur de formules mathématiques.
Aussi, sous la variété des apparences, y a-t-il, où réalité, passage du même au même, persistance de l'énergie actuelle, potentielle ou moléculaire. De là la théorie mécaniste de la nature, énoncée par Descartes, transformée par Leibniz et complétée par la physique moderne. Cet ordre, que la matière observe imperturbablement, à tel point. que le hasard et le miracle sont a priori éliminés par toute enquête scientifique, est-elle capable de se le donner à elle-même? Subit-elle passivement une loi imposée du dehors ou évolue-t-elle en vertu d'une nécessité interne ? C'est là un problème que la métaphysique pose sans le résoudre d'une façon décisive.
Au-dessus de l'ordre physique, la vie, soumise d'ailleurs dans la plupart de ses manifestations, aux lois de la matière, ne peut cependant se réduire au pur mécanisme. Elle ne semble pas une pure résultante géométrique, mais le développement d'une énergie interne, spontanée, à la fois régulière et capricieuse, harmonieuse et variée. Cependant là persistance des types et des espèces, admise jusqu'à preuve du contraire, tout au moins pour les vivants supérieurs, est, malgré l'individualité irréductible de chaque vivant, l'expression la plus saisissante de ce nouveau degré de l'ordre naturel.
Enfin, dans les humains mêmes, la loi de nature domine la plus grande part de l'activité intérieure. Par leur sensibilité, par leurs  habitudes, par leurs attaches physiologiques, enfin par leur raison même, les êtres humains sont soumis au double déterminisme physique et logique.
Aussi comprend-on que la plupart des théologiens chrétiens et beaucoup de philosophes, frappés de la résistance ou de l'indifférence de la nature ou même de la raison pure au bien et à la beauté, aient conçu, au-dessus de l'ordre de la nature, l'ordre ou le règne de la grâce, l'ordre de la liberté, l'ordre moral. Dès lors, l'ordre naturel, corrompu par le péché, sera, pour les premiers, un, véritable désordre que la grâce seule peut réparer. Pour les philosophes, les passions, les habitudes, tout ce qui, en l'homme, limite la liberté, seront la matière confuse que la moralité devra ordonner. Les anciens, Platon notamment, ont tous vu dans la loi morale, en principe d'harmonie intérieure faisant de l'âme un véritable kosmos. C'est à la raison, dégagée de la sensibilité, qu'ils remettent le soin de réaliser cette harmonie, et la plupart des modernes donneront à la raison le même rôle organisateur. Le Christianisme, au contraire, attend du seul amour inspiré par le modèle divin la réconciliation de l'humain avec le bien, c.-à-d. avec Dieu. Enfin Kant ne reconnut de valeur morale qu'à là bonne volonté.
Cette idée de l'ordre moral intérieur rejoint tout, naturellement celle de l'ordre « moral » de l'univers. La beauté et l'harmonie de ce monde, où le mal ne serait que l'exception, prouveraient, selon les uns, que l'univers, loin d'être le produit du hasard, serait organisé en vue d'une fin supérieure, par une intelligence souveraine. Suivant d'autres, au contraire, l'imperfection même du monde réel, l'impuissance où se trouve l'homme de réaliser dès cette vie, la « loi morale », seraient un gage d'une vie à venir meilleure, de l'avènement d' une cité ou se rejoindraient, heureuses et parfaites, les volontés bornées.
(Extraits d’Imago Mundi)

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