APRES QUOI TU COURS ?
Si l’équipage du navire de nos vies, tant
particulières que collectives, dispose de toutes les informations annonçant
qu’il va à sa perte comme un poulet aveugle et sans tête court vers nulle part,
persistera-t-il à foncer droit devant ? L’argent-dette et la
financiarisation capitaliste mondiale sont-ils la cause majeure de cette
impasse ? Et comment pourrions-nous y remédier ?
Comme obsédés, drogués à une pseudo
abondance matérielle illimitée et donc suicidaire et, de surcroît, nous croyant
dotés d’un libre-arbitre absolu, allons-nous persévérer dans le déni de faits
avérés annonçant un cataclysme pour la vie sur terre ? Ou allons-nous
plutôt nous mobiliser en pleine conscience des causes d’une situation (Spinoza)
qui s’aggravera rapidement dans un avenir proche si nous n’agissons pas
ensemble dès maintenant de façon concertée, avec vigueur et raison ?
—
Nous courons vers bientôt 10 milliards de Sapiens sur terre
produisant, consommant et rejetant des déchets polluants à foison. Les
« progrès » techniques bénéfiques sont sidérants. Mais ils sont
néanmoins très peu partagés. Ce qui est éthiquement indéfendable. D’autant que
souvent ils ont aussi des conséquences délétères voire mortelles. Au vu de la
démographie, dans le quart de siècle qui vient la production alimentaire
devrait doubler grâce à une pisciculture et une agriculture industrielles. Ce
serait un désastre pour la vie dans les océans et les sols, déjà largement
épuisés. En outre, bientôt un homme sur deux aura du mal à accéder à l’eau.
—
Parallèlement les ordinateurs devraient multiplier deux millions de
fois leur puissance (Loi de Moore) et les robots occuper tous les
secteurs de la vie ; la fusion nucléaire produirait avec du deutérium plus de
10 millions de fois plus d’énergie qu’une même masse de charbon ou de
pétrole ; la disponibilité de ressources telles que le bois et le sable
sera la première à manquer, etc, etc. Ne prévoit-on pas que l’accumulation de déchets
plastiques s’emballera, attaquant massivement le phytoplancton ? Ce qui
tuerait toute vie dans les océans et, par voie de conséquence, aussi ailleurs.
—
L’histoire nous a appris que l’envol de la dette, mondiale
cette fois-ci, ne peut être stoppée que par la croissance (désormais presque
impossible au niveau nécessaire pour la purger), par l’inflation qui ruinerait
les classes « moyennes », et par la guerre (y sommes-nous ?) qui
détruirait tout. L’hyperconflit montre ses prémisses. Mais bien avant les
écueils existentiels juste mentionnés, on se battra pour l’eau, la nourriture,
des matières premières ; et pour un partage plus juste des richesses, pour
s’approprier ou envahir un territoire ou pour le quitter, pour s’isoler du
monde et faire régner des valeurs. Epicure et ses amis en firent autant,
loin de la cité, dans la sobriété et l’ascèse, tandis que la domination romaine
s’imposait par la guerre. Aujourd’hui le monde n’entre-t-il pas dans l’hyperconflit
des civilisations, religions, mafias ? Des armes nouvelles effroyables
sont issues des prouesses techniques de l’artificialisation :
épidémies (ban d’essai du Covid), cyberguerres, soldats augmentés accompagnés
d’essaims de drones tueurs, le canon laser tirant 50.000 fois plus vite que les
missiles, etc. La fureur froide du mécanisme capitaliste de super profits n’y
contribue-t-elle pas grandement ?
— Depuis la taille
de silex chaque phase de l’histoire a produit de nouveaux artefacts qui
fournissent davantage de moyens. On est arrivé au moment où c’est la nature,
les animaux, les plantes et les hommes qui sont en voie d’être artificialisés.
L’humanité deviendra-t-elle bientôt une collection d’artefacts fabricant des
artefacts ? Cela se fait actuellement de manière bénigne mais envahira
tout ensuite : 1) toute l’organisation de la santé est en passe
d’être bouleversée, sans qu’on s’y prépare, par nos équipements
d’autosurveillance, la génomique, l’artificialisation du cerveau. On fabriquera
des humains dociles, peut-être des chimères hybrides voire des clones humains
capables de recevoir et de transmettre des éléments de la conscience de soi. On
en fera des êtres sans désir de faire le moindre « mal ». Ou, au
contraire, d’être des tueurs invincibles et impitoyables ; 2) l’éducation
et l’information seront bouleversées jusqu’à la « version 007 » de
ChatGpt. Des prothèses de l’intelligence humaine seront capables de prendre des
décisions autonomes, sans aucun concours humain ; 3) les relations
humaines seront-elles sublimées par la communication virtuelle jusqu’à
l’oblitération de l’humain? Des êtres virtuels, des hologrammes joueront-ils un
jour un rôle dans le travail, les amitiés, les amours, la politique ? Des
robots ont déjà des hommes comme employés...
—
Des autosurveilleurs
sont en train de créer nos doubles virtuels. La transparence totale deviendra
inéluctable, capturée par un pouvoir artificialisé totalitaire.
—
Deux conséquences majeures émergeront : 1) la fusion du réel et
du virtuel fera que le premier sera considéré suspect face à la puissance et
à la crédibilité du virtuel et des artefacts, et 2) la fusion du vivant
(notre bien le plus précieux !) et des artefacts conduira à
l’artificialisation progressive du vivant lui-même. On fabriquera des humains
hors du corps des femmes. On pourra faire revivre tout être sous forme
d’hologramme, puis génétiquement à partir de toutes les données collectées sur
lui. Nous aurons des esclaves de toute nature.
Epicure, au secours : depuis ‘68
« Il est interdit d’interdire », tous les désirs et tous les plaisirs
sont encouragés qui doivent être satisfaits dans l’instant comme une drogue,
décervelant les hommes et les poussant à toutes les pulsions, démesures et
hubris. Spinoza, reviens : nous ignorons la réalité qui nous détermine et
croyons sottement disposer d’un libre-arbitre absolu. Pure illusion. La mesure
est comble, l’ignorance crasse. La paresse intellectuelle, le déni et le
laisser-faire laisser-aller sont criminels.
Face à l’urgence ne resterait-il plus
alors que la dystopie de l’imposition autoritaire d’une dictature ?
« Eclairée » ou pas. Y allons-nous tout droit ?
Dès lors, une ou plusieurs autres utopies
existent-elles ? Lesquelles ? Vite, vos propositions, svp...
Allez, à l’abordage ! L’utopie ou la
mort de tous.