samedi 26 octobre 2024

Sujet du Mercredi 30/10/2024 : APRES QUOI TU COURS ?

 

                        APRES QUOI TU COURS ?

Si l’équipage du navire de nos vies, tant particulières que collectives, dispose de toutes les informations annonçant qu’il va à sa perte comme un poulet aveugle et sans tête court vers nulle part, persistera-t-il à foncer droit devant ? L’argent-dette et la financiarisation capitaliste mondiale sont-ils la cause majeure de cette impasse ? Et comment pourrions-nous y remédier ?

 Au lieu de cette course folle vers l’abysse, l’équipage ne réunirait-il pas plutôt toutes ces données pour en tirer l’explication de ce vers quoi il court de la sorte ? Faisant appel à cet effet au « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison » de Descartes. Se donnera-t-il ces degrés de liberté humaine authentique limités aux possibilités du réel (Spinoza)? Définira-t-il avec pertinence diverses options d’action correctrice, le meilleur projet à retenir et la stratégie de sa réalisation ; précisant les moyens à mettre en œuvre et concevant les outils nécessaires à cet effet ?

 N’en sommes-nous pas là, chacun et tous ensemble, courant sans cesse pour la première option ? Nous travaillons de plus en plus pour n’avancer que peu, tel un écureuil courant en vain et sans but dans sa cage en roue libre ? Alors que la richesse se concentre toujours plus en moins d’hyper fortunés. N’est-ce donc pas là la définition même du capitalisme ? Et qu’ultime conséquence de cette cause qui le détermine (Spinoza), l’écosystème de la vie sur terre se déglingue toujours plus vite, un hyperconflit mondial se prépare et l’artificialisation des hommes, de leur vie en société et de la nature elle-même s’accélère de façon exponentielle. Et cela bien que le vivant reste notre bien le plus précieux…

Comme obsédés, drogués à une pseudo abondance matérielle illimitée et donc suicidaire et, de surcroît, nous croyant dotés d’un libre-arbitre absolu, allons-nous persévérer dans le déni de faits avérés annonçant un cataclysme pour la vie sur terre ? Ou allons-nous plutôt nous mobiliser en pleine conscience des causes d’une situation (Spinoza) qui s’aggravera rapidement dans un avenir proche si nous n’agissons pas ensemble dès maintenant de façon concertée, avec vigueur et raison ?

 Doutons-nous encore de faits majeurs annoncés ? Voici quelques tendances déjà bien établies dans l’extrême démesure et l’hubris qui obligent à de nouveaux principes d’action.

 –-  A plus ou moins brève échéance nous courons à une extinction de masse de la biodiversité et à une artificialisation explosive de la vie dans la mer et sur les terres émergées. Dans nos enfances nous voyions les hippocampes et les « poissons d’aquarium » le long des falaises provençales, les insectes jaillissaient de partout quand nous foulions l’herbe des prés et souillaient les pare-brises des voitures après 50 km. Nos parents s’affairaient à les nettoyer. Aujourd’hui après 1000 km de route, rien. La vitre reste limpide.

  Nous courons vers bientôt 10 milliards de Sapiens sur terre produisant, consommant et rejetant des déchets polluants à foison. Les « progrès » techniques bénéfiques sont sidérants. Mais ils sont néanmoins très peu partagés. Ce qui est éthiquement indéfendable. D’autant que souvent ils ont aussi des conséquences délétères voire mortelles. Au vu de la démographie, dans le quart de siècle qui vient la production alimentaire devrait doubler grâce à une pisciculture et une agriculture industrielles. Ce serait un désastre pour la vie dans les océans et les sols, déjà largement épuisés. En outre, bientôt un homme sur deux aura du mal à accéder à l’eau.

  Parallèlement les ordinateurs devraient multiplier deux millions de fois leur puissance (Loi de Moore) et les robots occuper tous les secteurs de la vie ; la fusion nucléaire produirait avec du deutérium plus de 10 millions de fois plus d’énergie qu’une même masse de charbon ou de pétrole ; la disponibilité de ressources telles que le bois et le sable sera la première à manquer, etc, etc. Ne prévoit-on pas que l’accumulation de déchets plastiques s’emballera, attaquant massivement le phytoplancton ? Ce qui tuerait toute vie dans les océans et, par voie de conséquence, aussi ailleurs.

  L’histoire nous a appris que l’envol de la dette, mondiale cette fois-ci, ne peut être stoppée que par la croissance (désormais presque impossible au niveau nécessaire pour la purger), par l’inflation qui ruinerait les classes « moyennes », et par la guerre (y sommes-nous ?) qui détruirait tout. L’hyperconflit montre ses prémisses. Mais bien avant les écueils existentiels juste mentionnés, on se battra pour l’eau, la nourriture, des matières premières ; et pour un partage plus juste des richesses, pour s’approprier ou envahir un territoire ou pour le quitter, pour s’isoler du monde et faire régner des valeurs. Epicure et ses amis en firent autant, loin de la cité, dans la sobriété et l’ascèse, tandis que la domination romaine s’imposait par la guerre. Aujourd’hui le monde n’entre-t-il pas dans l’hyperconflit des civilisations, religions, mafias ? Des armes nouvelles effroyables sont issues des prouesses techniques de l’artificialisation : épidémies (ban d’essai du Covid), cyberguerres, soldats augmentés accompagnés d’essaims de drones tueurs, le canon laser tirant 50.000 fois plus vite que les missiles, etc. La fureur froide du mécanisme capitaliste de super profits n’y contribue-t-elle pas grandement ?

  Depuis la taille de silex chaque phase de l’histoire a produit de nouveaux artefacts qui fournissent davantage de moyens. On est arrivé au moment où c’est la nature, les animaux, les plantes et les hommes qui sont en voie d’être artificialisés. L’humanité deviendra-t-elle bientôt une collection d’artefacts fabricant des artefacts ? Cela se fait actuellement de manière bénigne mais envahira tout ensuite : 1) toute l’organisation de la santé est en passe d’être bouleversée, sans qu’on s’y prépare, par nos équipements d’autosurveillance, la génomique, l’artificialisation du cerveau. On fabriquera des humains dociles, peut-être des chimères hybrides voire des clones humains capables de recevoir et de transmettre des éléments de la conscience de soi. On en fera des êtres sans désir de faire le moindre « mal ». Ou, au contraire, d’être des tueurs invincibles et impitoyables ; 2) l’éducation et l’information seront bouleversées jusqu’à la « version 007 » de ChatGpt. Des prothèses de l’intelligence humaine seront capables de prendre des décisions autonomes, sans aucun concours humain ; 3) les relations humaines seront-elles sublimées par la communication virtuelle jusqu’à l’oblitération de l’humain? Des êtres virtuels, des hologrammes joueront-ils un jour un rôle dans le travail, les amitiés, les amours, la politique ? Des robots ont déjà des hommes comme employés...

  Des autosurveilleurs sont en train de créer nos doubles virtuels. La transparence totale deviendra inéluctable, capturée par un pouvoir artificialisé totalitaire.

  Deux conséquences majeures émergeront : 1) la fusion du réel et du virtuel fera que le premier sera considéré suspect face à la puissance et à la crédibilité du virtuel et des artefacts, et 2) la fusion du vivant (notre bien le plus précieux !) et des artefacts conduira à l’artificialisation progressive du vivant lui-même. On fabriquera des humains hors du corps des femmes. On pourra faire revivre tout être sous forme d’hologramme, puis génétiquement à partir de toutes les données collectées sur lui. Nous aurons des esclaves de toute nature.

 Ces tendances factuelles concernant l’artificialisation de la vie seraient-elles une absurde dystopie...? Pas du tout. Les forces en marche du profit y pousseront massivement jusqu’à ce que l’humain ne soit plus qu’un artefact comme les autres. Si l’humanité échappait à son meurtre de la biodiversité et donc à son propre suicide, ou encore à son oblitération par la guerre, disparaîtra-t-elle comme espèce ? Tandis que chaque individu cherchera à devenir immortel. A l’instar des Musk, Gates, Zuckerberg...

Epicure, au secours : depuis ‘68 « Il est interdit d’interdire », tous les désirs et tous les plaisirs sont encouragés qui doivent être satisfaits dans l’instant comme une drogue, décervelant les hommes et les poussant à toutes les pulsions, démesures et hubris. Spinoza, reviens : nous ignorons la réalité qui nous détermine et croyons sottement disposer d’un libre-arbitre absolu. Pure illusion. La mesure est comble, l’ignorance crasse. La paresse intellectuelle, le déni et le laisser-faire laisser-aller sont criminels.

 Si la raison ne suffit pas pour convaincre d’agir dès maintenant avec force pour la sobriété (Epicure) afin de renverser les tendances pulsionnelles actuelles et l’addiction à tous les plaisirs, faut-il passer à une manipulation mensongère qui puisse emporter l’adhésion par l’émotion ? Un Platon contemporain ne s’y opposerait pas. D’ailleurs certains ne s’en privent pas, gardant sous le coude et s’y préparant activement l’alternative d’une diminution drastique de la population mondiale. Tout en s’excluant eux-mêmes du processus. Bien sûr.

 Une autre voie serait d’organiser, avant toute chose et à tous les niveaux, des échanges dialectiques sur nos conceptions, philosophies de la vie, visions du monde et comportements actuels qui conduisent aux impasses discutées plus avant. Nous en dégagerions les solutions opportunes ainsi que les institutions et les moyens qui les soutiendraient à l’échelle du monde. En effet, on ne peut plus, à cause de l’envolée de la démographie, se retirer à l’écart, loin de la cité comme le fit Epicure pour tenter d’y vivre sobrement dans l’ataraxie. De toute manière, l’utopie prometteuse juste proposée d’« alliance mondiale des hommes de bonne volonté » pourrait-elle faire l’affaire dans le bref espace de temps encore disponible ? C’est plus que douteux. Le processus risque de durer. En plus d’être manipulé. Cela conduirait au chaos.

Face à l’urgence ne resterait-il plus alors que la dystopie de l’imposition autoritaire d’une dictature ? « Eclairée » ou pas. Y allons-nous tout droit ?

Dès lors, une ou plusieurs autres utopies existent-elles ? Lesquelles ? Vite, vos propositions, svp...

 Quoi qu’il en soit il demeure que le principe directeur de nos comportements reptilo-limbiques est l’intérêt personnel, l’égoïsme. En conséquence, notre liberté individuelle bien comprise ne repose-t-elle pas sur l’intérêt que nous avons à ce que la terre reste vivable pour ceux qui viendront nous aider quand nous n’aurons plus la force de faire fonctionner le monde...? Voilà une parole d’avenir. C’est l’altruisme rationnel parfaitement égoïste mais incontournable pour diriger nos actions. Montesquieu disait des troglodytes dans ses Lettres persanes que « L’intérêt des particuliers se trouve dans l’intérêt commun. ». Sauf que, cette fois-ci, c’est la survie des hommes comme espèce qui est en jeu.

Allez, à l’abordage ! L’utopie ou la mort de tous.

dimanche 20 octobre 2024

Sujet du Mercredi 23 Oct. 2024 : "En certaines heures, en certains lieux, dormir, c'est mourir" V. Hugo

 "En certaines heures, en certains lieux,  

dormir, c'est mourir"   V. Hugo

"La France ne doit pas même adhérer à ce gouvernement par le consentement de la léthargie: à de certaines heures, en de certains lieux, à de certaines ombres, dormir, c'est mourir"  ( V Hugo - in Napoléon le petit).

Le 2 décembre 1851 louis Napoléon Bonaparte prend le pouvoir en France par un coup d'Etat. V Hugo est expulsé en Belgique.

Dans un ouvrage publié en 2010 la philosophe, Cynthia Fleury, propose une lecture  passionnante de la notion de courage. (les extraits qui suivent proviennent de cet ouvrage : " La fin du courage").

"Victor Hugo cerne parfaitement les procédés falsificateurs des petits maîtres qui vivent de la soumission trop soudaine des peuples. Car ces régimes où s'épuise le courage du peuple ne sont même pas des tyrannies. Ils se nourrissent des asservissements passagers et des bienveillances populaires. Et là les faussaires sont victorieux."

Fin descripteur du chef politique contre-exemplaire, éhonté, obscène, déplorable, Victor Hugo est également le fin analyste des régimes électoralistes. Ou quand l'électoralisme signe la fin de la vitalité démocratique. Ou quand la cristallisation sur le scrutin, ce moment de non-intelligence, fait dépérir la rationalité publique. Bien qu'élément important de la vie procédurale démocratique, le vote n'en est pas moins un instrument tout à fait ambivalent, ne relevant en aucune manière de ce qui fait la vérité et l'essence de la démocratie, à savoir sa culture son contexte sociétal, le sens et la valeur qu'elle donne aux principes et aux choses. Le vote ne dit rien.       

L'électoralisme promeut une démocratie sans qualités qui réduit le peuple à sa forme statistique. « Je dois vous dire, écrit Alain Badiou, que je ne respecte absolument pas le suffrage universel en soi ; cela dépend de ce qu'il fait. Le suffrage universel serait la seule chose qu'on aurait à respecter indépendamment de ce qu'il produit. Et pourquoi donc ? " (Badiou in "de quoi Sarkosy est il le nom ?")

 Et là encore, Victor Hugo est en pleine résonance avec Alexis de Tocqueville: « Des chaînes et des bourreaux, ce sont là les instrument grossiers qu'employait jadis la tyrannie; mais de nos jours la civilisation  a perfectionné jusqu'au despotisme lui-même qui semblait pourtant avoir plus rien à apprendre ...

Les princes avaient pour ainsi dire matérialisé la violence ; les républiques démocratique de nos jours , l'ont rendue tout aussi intellectuelle que la volonté humaine qu'elle veut contraindre. Sous le gouvernement absolu d'un seul, le despotisme, pour arriver à l'âme, frappait grossièrement le corps ; et l'âme, échappant à ces coups, s'élevait glorieuse au-dessus de lui ; mais dans les républiques démocratiques ce n'est point ainsi que procède la tyrannie ; elle laisse le corps et va droit à l'âme. Le maître n'y dit plus : Vous penserez comme moi, ou vous mourrez ; il dit : Vous êtes libre de ne point penser ainsi que moi ; votre vie, vos biens, tout vous reste; mais de ce jour vous  êtes un étranger parmi nous. Vous garderez vos privilèges à la cité, mais ils vous deviendront inutiles; car  si vous briguez le choix de vos concitoyens, ils ne vous l'accorderont point, et si vous ne demandez que leur estime ils feindront encore de vous la refuser.

Vous resterez parmi les hommes, mais vous, perdrez vos droits à l'humanité.
Quand vous vous approcherez de vos semblables, ils vous fuiront comme un être impur; et ceux qui croient à votre innocence, ceux-là mêmes vous abandonneront, car on les fuirait à leur tour. Allez en paix, je vous laisse la vie, mais je vous la laisse pire que la mort
» (A de Tocqueville - De la démocratie en Amérique).

 Si courage individuel et collectif semblent ainsi pouvoir être matés à la source, c’est à dire dans la vie sociale moderne, où trouver les ressorts pour faire émerger une morale politique, une éthique du pouvoir.

Nulle part diront les tenants de la "nature humaine" soi-disant universelle. Nulle part diront les partisans de l'absence d'Etat.

Mais si balayant ces présupposés qui fonctionnent comme des mythes, des fables " la tyrannie.... laisse le corps et va droit à l'âme", incorporés à dictature démocratique, nous voulons rester éveillés, vigilants.         
Comment faire ? La léthargie (Léthé en grec = oubli, sommeil pathologique) est tellement agréable lorsqu'on a le ventre plein !       
           
Nous avons dormi pour les quarante dernières années. Dormi pour la Yougoslavie, l'Irak, les retraites, la sécu, la Lybie, Gaza, le liban, le code du travail, la "dette"....... et le Prince nous dit " Allez en paix, je vous laisse la vie, mais je vous la laisse pire que la mort".

« Quel est ce vice, ce vice horrible, de voir un nombre infini d’hommes, non seulement obéir, mais servir, non pas être gouvernés, mais être tyrannisés, n’ayant ni biens, ni parents, ni enfants, ni leur vie même qui soient à eux ? De les voir souffrir les rapines, les paillardises, les cruautés, non d’une armée, non d’un camp barbare contre lesquels chacun devrait défendre son sang et sa vie, mais d’un seul ! Non d’un Hercule ou d’un Samson, mais d’un hommelet souvent le plus lâche, le plus efféminé de la nation, qui n’a jamais flairé la poudre des batailles ni guère foulé le sable des tournois, qui n’est pas seulement inapte à commander aux hommes, mais encore à satisfaire la moindre femmelette ! »  E de la Boétie – De la servitude volontaire -1574

Alors avons-nous oublié l'avertissement de Hugo ? Sommes-nous dans des temps, des heures, des lieux ou dormir c'est mourir ? Le courage n'est il pas de vivre, d'être éveillés. Et pas simplement, posture morale bien trop facile ! de s’indigner comme le préconisait un certain S. Hessel.      

"Le sommeil de la raison engendre des monstres » Goya . Sommes-nous devenus des monstres ?
Dernier avertissement d’un connaisseur, Bertolt Brecht : « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu ».         

samedi 12 octobre 2024

Sujet du Merc. 16 Oct. 2024 : Y A-T-IL GUERRE QUI SOIT JUSTE ?

 

Y A-T-IL GUERRE QUI SOIT JUSTE ?

Aucune guerre n’est juste, sauf peut-être une. Laquelle ?

Le mot « juste » rappelle celui de justice. Certes pas celle des lois, qui reflètent la nature du pouvoir, mais celle de l’éthique. A cet égard, Kant concluait qu’il ne fallait jamais considérer l’homme (tous les hommes, d’où le caractère universel de sa réflexion) comme un moyen mais toujours comme une fin.

Dès lors faire la guerre, consistant à systématiquement massacrer tout ou partie d’une population - femmes, hommes et enfants compris - ne pourrait se prévaloir de l’éthique puisqu’elle prend comme fin l’extermination d’un groupe humain. En fait la question est de savoir si l’abolition de la vie de certains pourrait être une fin humainement plausible tant pour leurs exécutants que pour les victimes elles-mêmes.

1.  Prenons le cas des victimes. A première vue se faire la guerre à soi-même parait antinomique : les hommes ne peuvent avoir pour fin leur annihilation. A moins qu’ils ne croient à une autre vie plus authentique après la mort dans un au-delà imaginaire vers lequel il leur faudrait se hâter au plus vite. Par définition l’existence d’un tel monde ne pouvant être tenue pour avérée, elle n’est le fruit que d’une croyance fausse issue d’un égarement de la raison ou d’une manipulation psycho-mentale. Raël ou les religions de l’au-delà pourraient-ils alors jamais avoir raison ?

Il existe pourtant une autre possibilité de massacre auto-infligé dont on peut se demander si elle n’est pas légitime. N’est-il pas éthiquement juste d’accepter le suicide d’un groupe humain s’il doit permettre d’en sauver un autre bien plus grand en nombre ?
Le cas des résistants et de leurs familles craignant sous la torture de dévoiler leurs multiples comparses peuvent légitimement se donner la mort. De même, le suicide raisonné de nantis destructeurs du monde ne se justifierait-il pas par la sauvegarde des 90% restants de l’humanité ?

2.  Continuant dans cette voie et concernant les agresseurs, on peut se demander s’il serait juste de mener une guerre contre un groupe humain qui en mènerait déjà une contre un autre.

On mènerait alors une guerre pour en arrêter une autre qu’on aurait préalablement jugée injuste… Mais selon quels critères ?!

En fait, tout le problème ne serait-il que là ? Car, enfin, cela ne consiste-t-il pas à utiliser le groupe humain qui a déclenché une guerre jugée « injuste » strictement comme moyen sacrificatoire en vue de préserver l’existence du groupe qu’il avait initialement attaqué ?

On considérerait alors la préservation du groupe qu’il attaque comme fin, au détriment de celui qui attaque dont l’extermination par nos soins auto-justifiés ne serait que le moyen de cette fin que nous avons posée (cf les cas de guerre en Libye ou Syrie).

C’est ce qui s’appelait il y a peu encore une « guerre humanitaire » ou « juste » (dénommée « guerre d’humanité » lors des colonisations). Peut-elle pour autant être considérée comme éthique en son fondement ? D’autant que le fameux « droit d’ingérence », c’est toujours le « droit du plus fort ». Pourquoi : on n’a jamais vu les faibles intervenir dans les affaires des forts.

Un pas de plus et on considérerait comme éthique une guerre « juste » menée préventivement à une autre qu’on suppute. On considérerait que certains se prépareraient « injustement » à la guerre contre d’autres, ce qui justifierait de mener dès aujourd’hui une « guerre humanitaire préventive » contre eux. La belle affaire. Qui pourrait éthiquement justifier pareille guerre ? Elle est pourtant menée un peu partout dans le monde.

 3.  Finalement ne nous faut-il pas remonter aux causes ? Celles de l’émergence de la première guerre, du premier massacre systématique d’un groupe humain par un autre. Sauf à affabuler par des croyances fausses qui écarteraient les faits tangibles et avérés de traces archéologiques indubitables, il est certain qu’aucun vestige humain de massacre de masse systématique (os fracassés ou piqués de pointes de flèche ou de lance) n’a jusqu’à présent pu être découvert qui daterait d’avant 12 mille ans lorsqu’apparut la sédentarisation humaine.

Celle-ci correspondit à l’accaparement de territoire et à l’apparition du premier surplus ou capital issus du travail humain accumulé de manière toujours plus importante par la domestication rentable d’animaux et de plantes. Le partage naturel entre tous les membres d’un groupe des fruits de la pêche, chasse et cueillette - à l’instar de l’apprentissage de la parole par les enfants dans un groupe humain - fut alors remplacé par la défense guerrière du capital accumulé par le groupe (cf ""Le sentier de la guerre" de J. Guilaine). L’avènement d’une classe de soldats rémunérés à cet effet a instauré une hiérarchie sociale verticale visant à accumuler plus de pouvoir, privilèges et richesse en toujours moins de mains. Là est la justification des guerres qui se disent « justes ».

Cette accumulation croissante a conduit à la guerre permanente tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du groupe. Une fois que s’accumulèrent les surplus à défendre, la guerre devint le fondement des sociétés qui depuis considèrent que les hommes sont toujours le moyen d’une fin qu’ils ne sont pas. Sauf pour quelques uns peu nombreux et toujours les mêmes.

 C’est l’inversion de l’éthique par laquelle prévaut l’iniquité de guerres toutes injustes.

L’aporie et le sophisme seraient alors pour nous de considérer que toute initiative contre cet état de fait guerrier et injuste serait elle-même injuste (cft La Paix indésirable). Alors que le contraire est équitable qui vise à s’opposer - éventuellement même par une insurrection violente - à l’exploitation du plus grand nombre par la guerre qui lui est sans cesse menée au profit de quelques uns.

L’éthique étant universelle s’applique indistinctement à tous les hommes tandis que l’exploitation (guerrière) vise un intérêt particulier au détriment de tous.

samedi 5 octobre 2024

Sujet du merc. 09/10/2024 : Quand on nait, qu’est ce qu’on est ?

 

Quand on nait, qu’est ce qu’on est ?

« Il y a le gène de la méchanceté et celui de la bonté, celui de l’intelligence et celui de la bêtise ; et puis ceux du saut à la perche, de la gourmandise, de l’avarice et de la cupidité, et puis celui de l’amour » ?!

Le fœtus humain est d’abord une larve nageuse amniotique des temps primaux. Puis il passe par tous les stades de l’évolution animale. C’est donc d’abord une bête, puis toutes les bêtes à la queue leu leu. Enfin sa tête est déjà si peu animale que, si humaine et si grosse, il faut qu’elle sorte par l’issue osseuse déjà trop exigüe. Il naît prématuré, à façonner par la culture. Ce n’est alors déjà plus une bête mais un homme physiquement construit par la culture immémoriale de l’outil finalement lithique. A-t-on jamais vu quelque animal faire du feu, tailler un silex, enterrer ses morts ? Son cerveau, sa patte le lui permettent-ils ? Mais, en plus, déjà le monde humain de l’instant a eu une incidence sur cet embryon. La société, la culture l’impactait de façon radicale, à la racine et dans l’amnios. Il n’a déjà plus de nature déterminée ou si peu, mais devient à chaque étape un être en évolution. Façonné par la culture au cours d’un processus dialectique entre lui et celle-ci.        

Autrement dit, les animaux sont des prémisses d’homme. En devenir ils sont des promesses et potentialités incomplètes d’homme. Les hommes, eux, ne sont plus des bêtes et n’en sont donc tout simplement pas. Mais toujours plus des êtres de culture en devenir. Progressivement, depuis des millions d’années. Les hommes ne sont au fond pas des bêtes et cela de plus en plus. Les bêtes, elles, sont fondamentalement des hommes en devenir.

En fait, ni les uns ni les autres n’ont été créés tels quels une fois pour toutes et méchants de surcroît pour ce qui nous concerne, comme dans un rêve métaphysiquement créationniste. Ce qui voudrait faire croire que les hommes, à l’instar des animaux et des pierres, auraient une nature définie, déterminée par une animalité immuable. C’est là le fruit d’un système métaphysique totalisant qui décrit un ordre naturel illusoire propre à l’Occident depuis les premiers philosophes grecs.  

De plus cette métaphysique définit la nature imaginaire de l’homme comme nécessairement cupide et violente livrant la société à l’anarchie, à moins de soumettre cette nature fantasmatique à quelque gouvernement. « La théorie politique de l’animal humain sans foi ni loi a souvent pris deux partis opposés : ou bien la hiérarchie, ou bien l’égalité ; ou bien l’autorité monarchique (chef, patron), ou bien l’équilibre républicain ; ou bien un système de domination idéalement capable de mettre un frein à « l’égoïsme naturel » des hommes grâce à l’action d’un pouvoir extérieur, ou bien un système auto régulé où le partage égal des pouvoirs et leur libre exercice parviendraient à concilier les intérêts particuliers avec l’intérêt commun. »

Ce système métaphysique totalisant vaut « aussi bien pour l’organisation de l’univers que pour celle de la cité ou pour la conception de la santé et du corps humains. Cette métaphysique est propre à l’Occident car la distinction entre nature et culture qu’elle suppose définit une tradition qui nous est propre, nous démarquant de tous les peuples qui considèrent que les bêtes sont au fond des êtres humains et non que les humains sont au fond des bêtes. Pour ces derniers il n’est pas de « nature animale «  que nous devrions maîtriser ». 
En effet l’espèce humaine, l’homo sapiens sapiens, est née il y a relativement peu de temps dans une histoire culturelle de l’homme beaucoup plus ancienne. La paléontologie en témoigne : nous sommes des animaux de culture. Notre patrimoine biologique est déterminé par notre pouvoir symbolique, culturel. La conception de notre esclavage involontaire aux penchants animaux est une illusion ancrée dans notre culture.

Dès lors Adam Smith, le capitalisme, le néolibéralisme contemporain tiennent-ils encore autrement que comme une croyance, ou même une religion au vu des rites et incantations qu’ils véhiculent ? Y a-t-il ailleurs que dans une métaphysique délirante l’idée saugrenue d’un déterminisme génétique qui prétend expliquer la culture par une disposition innée des hommes à rechercher leur intérêt personnel dans un milieu compétitif ? N’est-ce pas oublier tant l’histoire que la diversité des cultures que de prôner l’égoïsme évolutionniste sans même remarquer que derrière ce qu’on appelle la « nature humaine » se cache la figure du (petit) bourgeois ?

Pouvons-nous (bêtement) continuer à affirmer sans preuve que nous, les hommes, sommes des bêtes immuablement « bêtes et méchantes » ?! Ou même que nous ayons une quelconque nature, essence ou être ontologiquement déterminé ?

** Les extraits entre guillemets sont de M. Sahlins, « La nature humaine, une illusion occidentale ».

 

Sujet du Merc. 09 Avril 2025 : Il n’y a pas d’origine.

                    Il n’y a pas d’origine. Les hommes sont mortels. Pour un individu, pour toute l’humanité, l’origine est la date de la ...