Le jeunisme et le ludique, deux dogmes modernes ?
Comme nous le dit, notre Rastignac couronné par le
suffrage universel " Enfin le Tragique s'invite dans notre
Histoire". Alors parlons de Fêtes et et de jeunesse, ça nous
détendra un peu.
Sans remonter à des siècles de références, depuis toujours la
jeunesse et la fête ont été soit glorifiées, majoritairement, soit
diabolisées.
La fête, par un de ses aspects, le Carnaval, paisible, a pu
aussi quelquefois "secouer" l'ordre social, et sombrer dans le bain
de sang. Pour exemple, le Carnaval de Romans en 1580, verra les notables et les
artisans passer de l'épée de bois, aux armes réelles, et se massacrer après 15
jours de fêtes danses, et théâtre. On relèvera des dizaines de cadavres. Sur
cet épisode, oublié de nos jours, lire l'œuvre magistrale
de Leroy- Ladurie .Romans,7000 habitants en 1580,est une ville
riche, au cœur d'une région ravagée par les Guerres de religion,
dans un pays dirigé par une reine autoritaire et vieillissante,
Catherine de Médicis ,et son fils, Henri III, faible et
sans grandeur. Au cours du Carnaval, les artisans et paysans,
accablés d'impôts, vont affronter les notables, dans une révolte qui
va s'étendre jusqu'à Montélimar. Les notables et la bourgeoisie
régionale triompheront, en assassinant le chef populaire,
et allant jusqu'à exhumer son cadavre enterré, et le juger,
pendu par les pieds.
Au II me
siècle avant l'ère chrétienne, une Bacchanale va dégénérer à un point tel, que
le Sénat romain va procéder à des arrestations et des enquêtes. La fête est
toujours un instant porteur de nombreuses interprétations. Elle peut inquiéter
l'ordre établi, car elle le tourne en dérision, sous couvert de conciliation
provisoire, et appelle à l’irrespect ; quelquefois première marche de la
révolte. Ainsi, les images de l'effigie de notre Président de la République,
pendu, lors d'une marche festive a choqué, d'autant plus qu'une parodie de
Tribunal populaire avait auparavant procédé à cette "sentence "Mais
n'étions-nous pas, déjà là, dans cette exécution fictive, au-delà de
la "Fête"?. Mais plutôt dans la mise en scène d'une réelle
volonté.
La fête peut aussi témoigner d'une volonté de prosélytisme
(Marche des Fiertés, Gay Pride, Love parade, Fête de l'Huma….).De
nos jours, l'identité sexuelle,
semble rejoindre le social, en tant que revendication
et même l'occulter, au nom de l'écrasement de la question
sociale par l'affirmation identitaire et "sociétale" tout
cela habilement orchestrée par l'Idéologie dominante.
Pour preuve, la campagne actuelle qui s'affiche sur les
panneaux publicitaires, dans Paris "Mon papa est gay et j'en
suis fier "....A Montpellier, pas une Love Parade sans la présence de
notre Maire, où d'une figure politique d'importance …Vous avez
dit "récupération" ?....
En quoi, les choix géographiques de nos pénétrations peuvent-ils
devenir un sujet de "fierté"? En quoi, une forme
de sexualité peut-elle faire l'objet d'un prosélytisme,
là où l'on attendrait l'INTIME et un "OBSCUR OBJET DU DESIR?..comme
aurait dit Bunuel….La question mérite d'être posée.
Présenté comme un outil de subversion, le Ludique peut
l'être aussi à des fins de soumission ou d'apaisement d'un ordre social
inique.
Depuis des années, se multiplient les "piques nique
citoyens", les "espaces festifs alternatifs"
.Retardant par une volonté de créer des ponts entre les antagonismes,
l'effondrement qui vient, et qui a commencé (10 millions de pauvres
en France, un tiers de la population européenne).N'affrontons t on surtout
pas le "vieux Monde", mais essayons de le
contourner...…Stratégie dérisoire dans une société dominante ,qui depuis
des décennies a intégré sa propre contestation, et mis en scène ses
"rebelles "officiels.
Les "Gilets jaunes", avec rudesse ont rappelé les dures
réalités de la lutte pour l'émancipation sociale. Le Pouvoir inquiet de ces
fameux samedis marqués par la violence, y répondant par la force, et la ruse de
la fameuse" parole libérée dans l'illusion d'un "Grand Débat",
se serait très bien accommodé de Carnavals et de marches festives, peut être
subversives, mais sûrement inoffensives.
L'exécution fictive du "monarque républicain" renouant avec
l'acte fondateur de notre Histoire moderne, la marche sur le "Palais"
de l'Élysée, et sur l'Assemblée nationale, sauvagement réprimées, ont marqué la
fin d'une séquence dans laquelle, des citoyens n'avaient plus "envie de
rire". Même si la concentration de la haine sociale sur une personne, un
nom, fait oublier que les forces en présence, les antagonismes de Classe,
dépassent et de loin la réduction à un jeu de "pathos".
Depuis des années, très instrumentalisé, le Ludique a envahi l'espace de la
contestation. Fin de l'"Internationale" chantée dans les cortèges
syndicaux. Nous n'en sommes plus à ces cortèges graves et conscients des
enjeux, comme en témoignent les documents photos du Passé ! Un temps oû les
chefs du mouvement ouvrier mettaient un point d'orgueil à porter le costume, un
temps où l'on montait à l'affrontement en cravate. Non pas comme une marque d'élégance,
mais de gravité.
Place à l'incontournable camion -sono, et au non moins incontournable Zebda, et
ses "Motivés", balayant tout de la force de ses décibels, et
transformant la gravité de l'engagement social, en un simple concert déambulant
et gentiment contestataire. Il y a aussi l'omniprésente fanfare qui est là, qui
plombe de son vacarme toute velléité de scander le supposé
archaïsme des slogans de classe.
Qui oserait
chanter l'"Internationale "ou les chants communards après U2 et
Madonna ?....".Franchement, camarade, tu ne vas pas chanter le "Temps
des cerises" et l'Internationale", on est au XXI
siècle!....
La Fête comme acte d'intégration à la Pensée
dominante, est devenue un dogme. Fêtes des voisins, Fanfare de quartier, et
autres, instrumentalisées par tout édile digne de ce nom, pullulent dans nos
cités. Quand un Maire déclare face à des citoyens excédés par le désordre
urbain" je ne veux pas d'une ville aseptisée", tout est dit de
l'émergence du concept de décadence, en lieu et place du légitime souci de
retisser un lien social convivial, respectueux de tous. Évidemment,
inutile d'ajouter que ce Maire, comme le Directeur de
l'Office HLM ne vivent jamais dans les lieux qu'ils glorifient,
et que dans leurs banlieues cossues, la
"mixité sociale" qu'ils prônent tant, inexistante,
ainsi que le "vivre ensemble" n'affectent pas le calme
et le niveau social de leur quartier.
Cela dans une ville où les canettes de bières, tiennent
lieu de revêtement urbain et ou l'ivrognerie est célébrée,
. Une ville dont les arrêts de TRAM,
célèbrent dans leurs panneaux publicitaires, l'ode à l'alcool.
De plus en plus, la "Fête" est institutionnalisée par
les municipalités, à défaut de rétablir les combats de gladiateurs, aujourd'hui
les "mises à morts "symboliques sont ailleurs, se
faisant sur le Net, Facebook et autres. Mais le "pain et les jeux "
de la Rome antique y est. Cela n'est pas nouveau, chacun a connu la
fête de village dans laquelle l'ivrognerie sacralisée par Ricard et son club
Taurin était la valeur. Couronnée par dans les années 70 ,la
traditionnelle "ratonnade".
Mais le phénomène apparait de plus en plus prégnant. Dans
une société mondialisée, et en perte de repères, la fête peut être
aussi un marqueur identitaire très fort.
Autrefois, se jeter contre un mur avec un vélo, nous aurait fait apparaitre pour
un parfait abruti. De nos jours, cela s'appelle le FISE, et a
rendu richissime son créateur. De nos jours le mot "CONCEPT",
nous lave de tout soupçon de connerie, et permet d'intégrer le consternant dans
le champ de la Philosophie. De nos jours, tout est concept,
du Matérialisme d'Héraclite, du Thomisme,
à l'emballage biodégradable du Kebab. Aujourd'hui, le pressing
"responsable"(?),au bout de ma rue est devenu un "concept".
Comment écrire sur la "fête" sans parler de la jeunesse,
?…..Détruire l'esprit critique dans la jeunesse, est une des fonctions de tout
pouvoir, déjà, il y a 25 siècles, par l'empoisonnement du Philosophe,
aujourd'hui, par la réduction de l'étude de la Philosophie à une
portion congrue, par l'incitation au consumérisme. (Nous avons vu
apparaitre dans certaines grandes surfaces, les caddies pour enfants), par
l'éloge de l'alcool s'étalant sur de somptueuses affiches et arrêts de Tram.
A Montpellier, les "assommoirs "se multiplient, dans
lesquels à travers les "Afters " les " Before" et autres,
toute une jeunesse célèbre le culte d'un Dionysos, qui a très bien résisté à la
chute de l'Olympe. Un "Dionysos" qui s'est adapté : comment se
dit" rouler un joint en grec classique ?"
Mais, ne gardons pas de nos "successeurs" et enfants,
uniquement l'image d'adolescents titubants ou hystériques.
Une diabolisation commune de l'Ancien Monde, celui des droits et de sa vision
progressiste (les droits sociaux sont devenus des "privilèges"),
sont les marques d'une jeunesse symbolisée au plus haut sommet du Pouvoir.
Il y a loin pourtant du symbole à la réalité d'un chômage qui ravage ceux nés
dans les années 95. Ajoutons qu'il n'y pas de sentiment d'appartenance à une
génération, sans le langage qui convient. Mais sous le masque de l'entreprise
devenue" Start Up",du grand patron devenu "manager", d'un
Président qui "tombe "la veste", de la clientèle, devenue
"communauté", et d'un jeunisme devenu un dogme, une autre réalité
sommeille. Celle d'un monde où les "pauvres" et les
"riches" ont laissé la place aux "faibles" et aux
"forts"....Une conversion biologique beaucoup plus sommaire et
pratique que l'ingestion de l'étude du Matérialisme historique. La
dévalorisation et l'éloignement du Paradis, ont même privé les
"pauvres" de l'illusion d'une souffrance récompensée post-mortem...
En dehors de son aspect polémique, ce petit texte n'a d'autre but que de faire
appel à la Philosophie pour clarifier ce champ où s'oppose une Modernité
profondément réactionnaire, dans ses fondements idéologiques, à un Passé qui
fut ancré dans l'idée de Progrès social.
Il ne s'agit pas non plus, d'une mise en accusation de la jeunesse, mais de ce
que l'on en a fait, et de ceux qui en manipulent le fil. Les valeurs supposées
de la jeunesse, peuvent parfois et sournoisement sommeiller dans
l'antre des Anti-Lumières.
A jp
" Ce qui me rend optimiste, c'est que l'histoire
que nous vivons redevient tragique. L'Europe ne sera plus protégée comme
elle l'a été depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce vieux
continent de petits-bourgeois se sentant à l'abri dans le confort matériel
entre dans une nouvelle aventure OU LE TRAGIQUE S'INVITE"...
Emmanuel Macron
(Nouvelle Revue française (NRF) no 630, mai 2018)
Depuis 2018, le Covid, les Gilets Jaunes et Poutine, et les
10 millions de pauvres, ont comblé ses vœux et cette aspiration au
tragique
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