"Socrate fut le polichinelle que se fit prendre au sérieux" Nietzsche.
Ferry, Deleuze,
Foucault, Onfray …. Tous les modernes saluent Nietzsche comme le penseur d’un
passé mythique (essentiellement grec) et d’un futur qui ne cesserait de
confirmer ses vues.
Loin de ce dandysme officiel, n’est-il pas temps de quitter les rivages de
l’innocence et de replacer Nietzsche dans ce grand courant anti-Lumières qui
s’évertue à brouiller les cartes en s’adossant sur le style pour mieux masquer
le fond de la réflexion nietzschéenne ?
Il faudrait des livres pour cela. Nous commencerons par cette remarque sur
Socrate. Que reproche donc Nietzsche à Socrate ? :
«Avec Socrate, le goût grec
s'altère en faveur de la dialectique : que se passe-t-il exactement? Avant tout
c'est un goût distingué qui est vaincu ; avec la dialectique, le peuple arrive
à avoir le dessus.
Avant Socrate on écartait dans la bonne société les manières dialectiques : on
les tenait pour de mauvaises manières, elles étaient compromettantes. On
mettait la jeunesse en garde contre elles. Aussi se méfiait-on de ceux qui
présentent leurs raisons de telle manière. Les choses honnêtes comme les
honnêtes gens ne portent pas ainsi principes à la main. Il est d'ailleurs
indécent de se servir de ses cinq doigts.
Ce qui a besoin d'être prouvé ne vaut pas grand-chose. Partout où l'autorité
est encore de bon ton, partout où l'on ne "raisonne" pas, mais où
l'on commande, le dialecticien est une sorte de polichinelle : on se rit de
lui, on ne le prend pas au sérieux.
—Socrate fut le polichinelle qui se fit prendre au sérieux. ». On ne
choisit la dialectique que lorsqu'on n'a pas d'autre moyen. [...] Il faut qu'on
ait à arracher son droit, autrement, on ne s'en sert pas. C'est pourquoi les
Juifs étaient des dialecticiens » (Le crépuscule des Idoles)
Que faut-il entendre par « dialectique » ? Dans le contexte de
la citation, c’est cette forme d’expression, de discours contradictoire qui
sert à faire émerger la vérité, la raison. Socrate, d’après Platon était passé maître
dans cette discipline et ses dialogues font partie des grands moments de la
naissance d’une philosophie qui n’est plus celle d’un auteur particulier, mais
bien celle de l’agora, de la foule qui parle, s’exprime et du coup apprend à
connaitre les chemins du raisonnement.
Nietzsche a très bien compris cela « avec
la dialectique le peuple arrive à avoir le dessus » nous dit-il, et il
continue dans sa conception de la philosophie : « Ce qui a besoin d'être prouvé ne vaut pas
grand-chose ».
Nietzsche synthétise de manière
remarquable tout les courants philosophiques qui vont lui succéder. Il tente de
déconstruire les efforts des Lumières et leur quête de connaissance de
vérification. Il prône le dogme et l’asservissement à « l’autorité » (au contraire d’un
Descartes).
C’est Deleuze, et ses
successeurs, qui développerons le mieux cette « philosophie » qui est
devenue l’arôme spirituel de la « « nouvelle philosophie :
« …Les connaissances philosophiques
d'un auteur ne s'évaluent pas aux citations qu'il fait, ni d'après des relevés
de bibliothèque toujours fantaisistes et conjecturaux, mais d'après les
directions apologétiques ou polémiques de son œuvre elle-même. On comprend mal
l'ensemble de l'œuvre de Nietzsche si l'on ne voit pas "contre qui"
les principaux concepts en sont dirigés. Les thèmes hégéliens sont présents
dans cette œuvre comme l'ennemi qu'elle combat. »
« (...) le surhomme est dirigé contre la conception dialectique de
l'homme, et la transvaluation contre la dialectique de l'appropriation ou de la
suppression de l'aliénation. L'anti hégélianisme traverse l'œuvre de Nietzsche,
comme le fil de l'agressivité » (Deleuze, Nietzsche et la philosophie).
Mais nous savons par les études
de G. Lukacs, que Nietzsche ne connaissait pas l’œuvre de Hegel. Chose que
Deleuze, lui ne pouvait ignorer. Par contre Deleuze a très bien compris en ce
milieu du 20iéme siècle « contre qui » les concepts de Nietzsche sont
dirigés.
C’est contre Hegel et la
dialectique hégélienne et au-delà marxiste, que Deleuze va donc « produire
des concepts » rejoignant ainsi les combats de Heidegger qui
déclarait : « Le pire ennemi de la
pensée, c’est la raison ».
Alors il est temps d’appliquer à
Nietzsche ses propres devises. Il faut philosopher au marteau pour entendre que
les idoles « modernes » de la philosophie sonnent aussi creux que
leur maître à …. « Penser ».
Ou alors il faut se résigner, à en rester à Aristote et dire avec le maître «Il n'y a plus rien de plus démocratique que
la logique : elle ne connaît pas d'égards aux personnes et même les nez crochus
lui paraissent droits ».( Le Gai savoir)
Qu’en penses-tu
……….. ? Comme dirait
Socrate.
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