vendredi 24 novembre 2023

Sujet du 29/11/2023 : "Socrate fut le polichinelle que se fit prendre au sérieux" Nietzsche.

 "Socrate fut le polichinelle que se fit prendre au sérieux" Nietzsche.

Ferry, Deleuze, Foucault, Onfray …. Tous les modernes saluent Nietzsche comme le penseur d’un passé mythique (essentiellement grec) et d’un futur qui ne cesserait de confirmer ses vues.   
Loin de ce dandysme officiel, n’est-il pas temps de quitter les rivages de l’innocence et de replacer Nietzsche dans ce grand courant anti-Lumières qui s’évertue à brouiller les cartes en s’adossant sur le style pour mieux masquer le fond de la réflexion nietzschéenne ?         
Il faudrait des livres pour cela. Nous commencerons par cette remarque sur Socrate. Que reproche donc Nietzsche à Socrate ? :  
«Avec Socrate, le goût grec s'altère en faveur de la dialectique : que se passe-t-il exactement? Avant tout c'est un goût distingué qui est vaincu ; avec la dialectique, le peuple arrive à avoir le dessus.        
Avant Socrate on écartait dans la bonne société les manières dialectiques : on les tenait pour de mauvaises manières, elles étaient compromettantes. On mettait la jeunesse en garde contre elles. Aussi se méfiait-on de ceux qui présentent leurs raisons de telle manière. Les choses honnêtes comme les honnêtes gens ne portent pas ainsi principes à la main. Il est d'ailleurs indécent de se servir de ses cinq doigts.            
Ce qui a besoin d'être prouvé ne vaut pas grand-chose. Partout où l'autorité est encore de bon ton, partout où l'on ne "raisonne" pas, mais où l'on commande, le dialecticien est une sorte de polichinelle : on se rit de lui, on ne le prend pas au sérieux.

—Socrate fut le polichinelle qui se fit prendre au sérieux. ». On ne choisit la dialectique que lorsqu'on n'a pas d'autre moyen. [...] Il faut qu'on ait à arracher son droit, autrement, on ne s'en sert pas. C'est pourquoi les Juifs étaient des dialecticiens » (Le crépuscule des Idoles)           
Que faut-il entendre par « dialectique » ? Dans le contexte de la citation, c’est cette forme d’expression, de discours contradictoire qui sert à faire émerger la vérité, la raison. Socrate, d’après Platon était passé maître dans cette discipline et ses dialogues font partie des grands moments de la naissance d’une philosophie qui n’est plus celle d’un auteur particulier, mais bien celle de l’agora, de la foule qui parle, s’exprime et du coup apprend à connaitre les chemins du raisonnement.    
Nietzsche a très bien compris cela « avec la dialectique le peuple arrive à avoir le dessus » nous dit-il, et il continue dans sa conception de la philosophie : « Ce qui a besoin d'être prouvé ne vaut pas grand-chose ».

Nietzsche synthétise de manière remarquable tout les courants philosophiques qui vont lui succéder. Il tente de déconstruire les efforts des Lumières et leur quête de connaissance de vérification. Il prône le dogme et l’asservissement à « l’autorité » (au contraire d’un Descartes).    

C’est Deleuze, et ses successeurs, qui développerons le mieux cette « philosophie » qui est devenue l’arôme spirituel de la « « nouvelle philosophie :
« …Les connaissances philosophiques d'un auteur ne s'évaluent pas aux citations qu'il fait, ni d'après des relevés de bibliothèque toujours fantaisistes et conjecturaux, mais d'après les directions apologétiques ou polémiques de son œuvre elle-même. On comprend mal l'ensemble de l'œuvre de Nietzsche si l'on ne voit pas "contre qui" les principaux concepts en sont dirigés. Les thèmes hégéliens sont présents dans cette œuvre comme l'ennemi qu'elle combat. »

« (...) le surhomme est dirigé contre la conception dialectique de l'homme, et la transvaluation contre la dialectique de l'appropriation ou de la suppression de l'aliénation. L'anti hégélianisme traverse l'œuvre de Nietzsche, comme le fil de l'agressivité » (Deleuze, Nietzsche et la philosophie).

Mais nous savons par les études de G. Lukacs, que Nietzsche ne connaissait pas l’œuvre de Hegel. Chose que Deleuze, lui ne pouvait ignorer. Par contre Deleuze a très bien compris en ce milieu du 20iéme siècle « contre qui » les concepts de Nietzsche sont dirigés.

C’est contre Hegel et la dialectique hégélienne et au-delà marxiste, que Deleuze va donc « produire des concepts » rejoignant ainsi les combats de Heidegger qui déclarait : « Le pire ennemi de la pensée, c’est la raison ».

 

Alors il est temps d’appliquer à Nietzsche ses propres devises. Il faut philosopher au marteau pour entendre que les idoles « modernes » de la philosophie sonnent aussi creux que leur maître à …. « Penser ».
Ou alors il faut se résigner, à en rester à Aristote et dire avec le maître «Il n'y a plus rien de plus démocratique que la logique : elle ne connaît pas d'égards aux personnes et même les nez crochus lui paraissent droits ».( Le Gai savoir)

Qu’en penses-tu    ……….. ?    Comme dirait Socrate.

 


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