Pourquoi tout plutôt que rien ?
Disséquons les termes clés de la
question.
Afin de clarifier le raisonnement, définissons « tout » ( le
« quelque chose de Leibniz) comme un évènement perçu dans l’espace-temps.
Première remarque, selon le sens de la flèche du temps retenu, le terme
« Pourquoi » peut admettre deux acceptions fondamentalement
différentes :
- soit envisager le pré-requis du « quelque chose »
considéré. (les conditions initiales)
- soit envisager le sens de ce même « quelque chose ». (dans quel
but ?)
Or, dans ce dernier cas, la question n’est pas abordée sous l’angle phénoménologique
puisqu’elle induit la notion humaine d’intention. Pour ce faire, elle
présuppose un agent transcendant ou cause première. (Dieu, grand architecte).
Ainsi, la question ainsi posée entretient donc l’ambigüité dans la mesure où
elle est en soit interprétative. Elle ne s’attache pas exclusivement à poser la
question de la cause de l’évènement considéré, elle suggère également la
possibilité qu’une intention détermine cet évènement.
Selon cette lecture, la réalité serait le résultat d’un dessein.
Or, rien ne permet d’étayer cette dernière position. Aucune branche des
sciences naturelles (géologie, biologie etc…) ni le domaine de la physique
(physique quantique) ne révèle la moindre trace d’intention dans la Nature
!
Par exemple, lorsqu’il pleut, la démarche scientifique consistera à expliquer
le phénomène alors qu’une démarche métaphysique cherchera à donner du sens à
celui-ci en invoquant par exemple les divinités.
En réalité, on ne constate aucun phénomène dans la Nature qui serait
issu d’une intention ailleurs que chez les organismes vivants à partir d’un
certain niveau de capacités cognitives.
L’intention « vue » dans la Nature n'est qu'une illusion et
ne relève in fine que d’une projection anthropocentrique.
En définitive, si la première acception (démarche phénoménologique)
relève de la science, la question du sens, elle, relève de la métaphysique.
Par ailleurs, les termes « exister » et « tout» semblent
produire une signification.
Toutefois il n’en
est rien. En effet, l’existence induit par définition un sujet (ou un objet)
alors que l’idée même de « quelque chose » induit son existence.
Sujet et verbe sont ici interdépendants et correspondent à une seule et même
notion irréductible, celle de l’Etre.
Nous n’avons à faire ici qu’à un simple pléonasme et si le principe
d’identité est impuissant à expliquer l’origine de la réalité, il est néanmoins
suffisant pour en montrer sa cohérence.
Enfin « rien » est suggéré ici comme une alternative possible à
« tout».
Autrement dit, la
question envisage la possibilité que la réalité (l’Univers dans son ensemble)
aurait pu ne pas être, or nous constatons une réalité (la partie de l’Univers
dont nous avons conscience) qui n’a pas pu apparaître du néant.
Notons que même si
la physique théorique envisage néanmoins la possibilité que la configuration
initiale de notre Univers n’est pas la seule qui soit compatible avec un
Univers biophile cela ne justifie pas un « néant » ou une
« intention » préalable.
Cette brève analyse montre que la question « pourquoi tour plutôt que rien » posée par Leibnitz dans les termes qui sont les siens est à la fois ambiguë (sens du pourquoi) mais se révèle aussi irréaliste dans la mesure où elle laisse entendre que le réel (considéré cette fois au sens large - pas seulement notre Univers) aurait pu ne pas « être ». (le « rien ») alors que les faits montrent pourtant le contraire…
Nous existons ! Ce simple fait (principe anthropique faible) nous impose
d’admettre que l’essence ultime du réel est irréductible et en aucune manière
conditionnée par une logique causale. Le néant ne peut être une alternative au
réel, quoi que nous en pensions.
A ce stade, la métaphysique ne peut définitivement apporter de réponse
satisfaisante à cette question car elle s’affranchie par définition de tout
cadre réaliste mais aussi de toute exigence expérimentale. Selon cette
approche, les faits et les preuves ne sont pas requis, or la connaissance passe
nécessairement par le test expérimental.
Si nous ne savons pas encore pourquoi il
existe quelque chose plutôt que rien, on peut déjà suggérer raisonnablement que
notre existence ainsi que celle de notre Univers ne sont
vraisemblablement ni les conséquences d’une intention dans la Nature ni le
résultat du hasard.
NOTE : Le principe anthropique faible ne se prononce pas sur la question de savoir si notre présence est le résultat d'un hasard particulièrement improbable ou d'un processus déterministe. Il exprime que si l'univers avait évolué d'une manière qui ne permettait pas à des entités conscientes d'y apparaître, aucune entité consciente n'aurait été là pour le remarquer, et donc qu'il n'y aurait pas de connaissance de cet univers ; autrement dit un tel univers n'existerait pas.
Et par conséquent, que de notre point de
vue (d'entité consciente dans l'univers) même si notre univers n'est qu'un des
multiples univers qui auraient pu exister il n'a rien d'improbable a
posteriori. Ainsi, les probabilités que nous avions d'apparaître
(individuellement ou collectivement) sont tellement faibles a priori que
l'on est tenté de se dire " quelle chance ! ". En
réalité, s'il en avait été autrement, nous n'aurions pas pu nous plaindre de
notre malchance puisque nous n'aurions jamais existé !
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