vendredi 10 mai 2019

Sujet du LUNDI 13 Mai 2019 : La Vertu est-elle une valeur obsolète?

ATTENTION LE CAFÉ PHILO SE TIENDRA LE LUNDI 13 MAI  - 20h30  LE DÔME.              

                 La Vertu est-elle une valeur obsolète?

Il est intéressant quelquefois de donner une définition des mots et concepts qui nous soit propre, sans en référer à un Dictionnaire de la Philosophie, papier ou virtuel(Wikipédia).Cette démarche peut témoigner d'une ignorance, ou d'une subjectivité excessive, mais elle a le mérite d'exposer" le proposant. Je donnerais quelques définitions célèbres, avant une qui me soit personnelle.

La Vertu du Politique, lorsqu'elle existait, n'était jamais désintéressée, elle avait cet avantage: renforcer le lien d'obéissance à la Loi " Le véritable politique est celui qui a consacré l'essentiel de ses effort à la vertu, car il veut rendre ses citoyens honnêtes et obéissant aux lois"(Aristote).Pour Robespierre, la Vertu est une arme de combat "Français, ne souffrez pas que vos ennemis osent abaisser vos âmes et énerver vos vertus par leur désolante doctrine". C’est, en dehors de ses positions politiques, son supposé manque de Vertu, qui fera tomber la tête de Danton, cette" idole pourrie", dira St Just.    

Je dirais, pour ma part, que la Vertu est la tentative de "sortir" l'Homme(?) d'une condition humaine qui se réduirait à la satisfaction des besoins sociaux fondamentaux. La notion de finalité intervient, dans une des fonctions de la Vertu, qui est de de nous relier aux autres (être vertueux pour soi-même est un non-sens).Elle est une des conditions qui s'impose si nous voulons transformer le simple désir de changement en désir d'émancipation. Il n'y a pas de révolutions sans discours "vertueux". Et même, dans son origine, le Libéralisme, avec son credo de l'enrichissement et de la libération des énergies individuelles; posait l'amélioration des conditions sociales comme postulat.
Chez des philosophes comme Rousseau, la Vertu est abnégation "il n'y a point de Vertu sans combat, il n'y en a point sans victoire. La Vertu ne consiste pas seulement à être juste, mais à l'être en triomphant de ses passions". ("L'Emile")

S'émanciper, oui, mais pas à n'importe quel prix, et avec les autres…..Pour Robespierre, la Vertu est une guerre, contre soi-même et contre les autres. Danton montera à l'échafaud, sous l'accusation terrible, avons-nous dit en ce temps-là," d'idole pourrie". Danton est resté, comme l'exemple de l'homme sans vertu, prévaricateur, jouisseur dans des temps où la rigueur morale est une exigence. A contrario, sa vertu fait de Robespierre, un monstre sanguinaire, une sorte de Savonarole de la Révolution. On oublie qu'en matière de sang,

Danton n'était pas économe d'appels aux épurations.
Je dirais, sans conviction et faute de meilleure analyse, que la Vertu est le pouvoir de la conscience, sur l'opinion et le simple intérêt personnel, elle les dépasse par son caractère immuable: la Vertu ne peut être une valeur à "géométrie variable" .Pourquoi "sans conviction"?, parce que c'est au nom d'une Vertu à retrouver que se sont construits aussi les pires moments  de ce siècle: les vertus de la terre, de la famille, de la Patrie, la Vertu de cette" régénération- nécessaire" de la France, sacralisée par Pétain. "Le Travail rend libre", la Famille structure, la Patrie donne un idéal….Même si ceux qui se revendiquaient de cette dernière vertu trahissait leur Patrie et la vendait à l'occupant.

La Vertu  se situe au-delà de notre propre vie: c'est ce devait penser les" Fusillés de l'Affiche Rouge", morts pour un combat dans lequel, les valeurs qui étaient les leurs valaient bien le sacrifice de leurs vies, certains avaient 17 ans. Étonnant point commun avec la Commune de 1871, leur souvenir est occulté dans la mémoire, et dans les commémorations, quelques places, quelques squares, l'affaire est entendue!. Comme si ces événements rappellent à la fois l'exigence de Vertu, et son ABSENCE de nos jours. Nos villes abondent de rues et de lycées nommés "Thiers", mais qui connait le nom de Missak Manouchian? Dont toute la conception qu'il avait de la Vertu se résume en cette phrase, avant de mourir" je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand"....Jeune arménien, ayant vu sa famille exterminée, il était venu se réfugier au pays des "Droits de l'Homme", pays qui le lui rendra en l'arrêtant, le torturant, et le mettant à mort.

La Vertu antique était identifiée entre autres au courage, et à l'inflexibilité de principes moraux, dont un est celui de ne pas être "malléable" aux évènements et de ne jamais trahir son idéal au point d'en mourir. En ces temps-là, le suicide héroïque est la récompense et va hanter des siècles de créations artistiques  .La vertu est à la portée de tout le monde, elle n'est pas le fruit d'exploits extraordinaire:" la vertu n'appartient qu'à un être faible par sa nature et FORT par sa volonté" dira Rousseau .Parlons d'altruisme en ce sens ou ce qui est vertueux s'applique à nous-même et à l'autre. C'est son aspect collectif qui caractérise la naissance de la vertu .Nous pouvons sommairement résumer cela en quelques mots, trahir l'autre, c'est se trahir soi-même.

En dehors de ses aspects dramaturgiques, et aigus, la Vertu n'est-elle pas une nécessité?.....Sans laquelle, l'exercice du Pouvoir ne se résume qu'à une simple défense d'intérêts et à leur conservation, n'hésitant pas à une confrontation violente, comme nous le constatons dans notre pays. Dans le non-dit du malaise que traverse notre pays, la question de l'exemplarité est essentielle, à savoir la désacralisation du Pouvoir, et d'élites perçues comme profondément immorales. Immorales dans leurs salaires, indécents dans leur mœurs: l’image d'un Ministre de l'Intérieur alcoolisé, en boite de nuit a fait des ravages, celle d'un Président favorisant la carrière d'une "petite frappe», en faisant son ami intime a fait le reste.

Y a-t-il eu un "âge d'or" de l'exercice du Pouvoir? Certainement non .Mais l'exposition médiatique, la circulation dans l'immédiateté technologique  de toute information, crée la nostalgie d'un temps où, derrière le voile du silence, était supposé sommeiller une Morale de l'action politique, dans la main d'hommes et de femmes dotés d'une hauteur d'esprit. Dirigeants d'une Nation autrefois, devenus aujourd'hui  chefs de Partis gardant le "pré carré" d'une classe dominante….quelle chute dans l'imaginaire d'un Peuple, et quel déclassement dans le "grand récit national". 

De Gaulle, pour justifier ses choix, parlait de "Destin de la France". De nos jours, pour forger ce destin, un Président "normal" parle de" boite à outils", vocabulaire révélateur qui relève du bricolage. Passer de Jaurès, ou d'autres à Leroy Merlin a de quoi nous laisser effarés. Quelquefois la Vertu s'habille de bien pale manière, diluée, détournée, manipulée, ce sont les grands moments d’Union sacrée" comme lorsqu'une cathédrale brule, et que un peuple est supposé, encouragé à dépasser ses "mesquins" intérêts, pour communier dans l'unité .Mesquins intérêts étant la défense des acquis sociaux et de l'exigence de dignité.  "Comment allez-vous OSER manifester, alors que Notre Dame de Paris a brulé?".....

Autrefois le sentiment de déclin et de décadence semblait relever d'une pensée conservatrice, crispée sur un passé révolu.
Aujourd’hui, ce constat est généralisé...bien au-delà d'un quelconque discours sur la nostalgie d'un Ordre moral disparu.

 De nos jours, la libération jusqu'à la nausée de la parole, le pragmatisme érigé en dogme, ont eu raison d'un discours sur le Progrès, sur le respect des droits fondamentaux du citoyen, sur une philosophie de l'émancipation .
Tout cela est considéré avec mépris comme une "Utopie», mot devenu de nos jours une insulte, là où autrefois il mettait les peuples en marche. Qu'il s'agisse de la Cité de Dieu ou de la montée des faubourgs vers la Bastille. C'est dans le nécessaire retour de l’éthique au cœur de la Pensée politique, dans l'exigence d'une Morale d’état, c'est dans ces absences que se situe la question de la Vertu.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

1 - Tout commentaire anonyme (sans mail valide) sera refusé.
2 - Avant éventuelle publication votre message devra être validé par un modérateur.

Sujet du Merc. 18 Déc. 2024 : "Socrate fut le polichinelle qui se fit prendre au sérieux." Nietzsche

  "Socrate fut le polichinelle qui se fit prendre au sérieux."  Nietzsche Ferry, Deleuze, Foucault, Onfray …. Tous les modernes sa...