dimanche 17 juin 2018

Sujet du Merc. 20/06/2018 : N’idéalise-t-on pas la démocratie ?


N’idéalise-t-on pas la démocratie ?

Étymologie et définition

Le terme démocratie tire son origine de deux racines grecques : demos (le peuple) et kratos (le pouvoir). Selon la célèbre formule d’Abraham Lincoln, 16ème président des États-Unis d’Amérique, la démocratie se définit comme « le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Il en existe différentes formes que je ne citerai pas, faute de place.

Des principes démocratiques

Ici encore, brièvement, voici les principes démocratiques majeurs qui vont faire l’objet d’une critique dans le développement, à savoir : la décision prise à la majorité, l’égalité entre les personnes et la participation des citoyens à la vie politique.


Critique de l’idéal démocratique

Je suppose que tout le monde ici a déjà connu l’expérience subjective d’un dîner de famille où les conversations politiques ne sont rien d’autre que des débats idéologiques et positions quasi théologiques afin de conforter les croyances et idées préconçues de chacun. L’exemple parfait du biais de confirmation qui soit-dit-en-passant mène la vie dure à la science et à la philosophie.


« Nous ne désirons pas une chose parce que nous la jugeons bonne, mais nous la jugeons bonne parce que nous la désirons », nous disait Spinoza. En effet, c’est notre désir qui détermine notre jugement et non l’inverse.


En Occident, la démocratie s’est placée au-dessus de tout jugement. Elle s ‘est établie en dogme, considérée comme le régime politique qui nous apportera une félicité absolue et immuable. D’ailleurs, nous allons jusqu'à la répandre et l’imposer à travers le monde à grand coups de bombardements.

Elle est décrite comme une déesse aux mille et unes vertus, où chacun aurait le pouvoir de faire entendre sa voix, son jugement, son avis. Où l’égalité serait parfaite, les choix forcément justes, bons et moraux.

N’entendons-nous pas constamment - si ce n’est souvent - qu’il faut plus de référendum, que le peuple demande à s’exprimer ? Il semble bien que - d’une certaine façon - ce soit déjà le cas, et que la décadence (en tout cas intellectuelle) exponentielle actuelle soit la résultante de cet état de fait.

Permettez-moi de citer Alexis de Tocqueville, philosophe politique, écrivain, précurseur de la sociologie, historien et aristocrate français du XIX siècle :

« Qu’est-ce donc qu’une majorité prise collectivement, sinon un individu qui a des opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un autre individu qu’on nomme la minorité ? Or si vous admettez qu’un homme revêtu de la toute-puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n’admettez-vous pas la même chose pour une majorité ? … Pour moi je ne saurais le croire ; et le pouvoir de tout faire, que je refuse à un seul de mes semblables, je ne l’accorderai jamais à plusieurs ».

Sous les belles valeurs qu’elle semble défendre, la démocratie a créé le despote le plus puissant qui n’ait jamais été : la majorité, qui trace un cercle formidable autour de la pensée.

La démocratie suppose que tout le peuple prenne part aux décisions. Or, cela donne donc la parole à une horde d’individus non compétents sur pléthore de sujets et questions (santé, économie, environnement, législative, politique, éthique, etc.) d’autant plus à notre époque où chaque domaine est très vaste et très précis. Il devient difficile de maitriser ne serait-ce que plusieurs branches d’une même discipline parfaitement. Nous pouvons prendre l’exemple de la médecine et de ses innombrables spécialités.  Nous posons déjà là le cœur du problème d’un tel système : tout le monde serait apte à donner un avis – ou un vote - éclairé et objectif sur toutes les décisions importantes. Ce qui n’est pas le cas dans la réalité.

Ce peuple, donc, prendrait part aux décisions et/ou aux débats, sans les connaissances objectives et/ou scientifiques requises sur un sujet et tomberait inéluctablement dans le débat d’opinion, dans le clash idéologique, où le choix devient finalement binaire, entrainant des combats médiatiques faisant stagner les discussions. En somme, c’est les antis contre les pros. Cela est malheureusement devenu très courant dans nos sociétés. Le lecteur cherchant souvent à confirmer ses opinions et croyances, plutôt qu’à les infirmer.

L’égalité des conditions rend la majorité impressionnante et crée la peur de la contredire. Il suffit de se remémorer les expériences de conformation au groupe de la psychologie sociale pour en connaître la tendance.

La solution consensuelle semble utopique, la plupart des citoyens sont irrationnels et défendent leurs positions politiques tel des hooligans défendant leur équipe de football favorite. La crétinisation des masses s’est aussi emparée de la sphère politique et militante.

Petit aparté sur nos systèmes actuels et sur l’actualité

Selon le principe de Condorcet, le candidat élu lors d’une élection à deux tours n’est pas nécessairement celui de la majorité. Les scrutins à deux tours ne représentent pas toujours la majorité.

Mis à part ça, les politiciens qui nous gouvernent, où plutôt leurs conseillers, ayant analysé, compris et appréhendé un certain nombre de données émanant de la psychologie sociale (psychologie des foules et fabrique du consentement) - je pense ici notamment à Edward Bernay – ont réussi des tours de passes impressionnant : grâce à eux, la démocratie en est réduite à de la technocratie « malhonnête ».

Je m’explique : la majorité a été définie comme un tyran qui gouvernait grâce à l’opinion publique et à la force du nombre qui lui est associé. Forts de leurs connaissances, ces petits groupes peuvent « insérer » en amont les idéaux, les pensées, les préceptes moraux, et que sais-je encore dans l’esprit des masses via divers procédés (propagande, publicité, etc.) Ils sont devenus les marionnettistes du tyran.

Formulé de manière plus formelle et logique cela donne :

1) L’opinion de la majorité est celle qui domine et décide 2) De petits groupes politiques et industriels, grâce à la propagande, insèrent l’opinion souhaitée pour le peuple. 3) Ces petits groupes choisissent donc l’opinion majoritaire du peuple. 4) Donc l’opinion souhaitée par ces petits groupes est celle qui domine et décide.

C’est -principalement- dans l’égalité des conditions et de l’illusion de la liberté que l’on peut en trouver les causes. Désormais, l’oligarchie renaît de ses cendres sous une nouvelle forme, non pas en affirmant sa supériorité à l'égard du peuple mais en lui faisant croire qu'il est son égal.

Ajoutez à cela la détention des médias français par une poignée d’hommes très fortunés et la place privilégiée des multinationales dans la rédaction des amendements européens, vous voilà avec une bonne recette propagandiste, une technocratie économique si j’ose dire, mais certainement pas avec une démocratie.

Je vous invite également à discuter de l’actualité brûlante sur la liberté de la presse qui comme le souligne Tocqueville « est l’arme démocratique par excellence » sur laquelle le gouvernement vient de s’abattre avec la loi sur les fake news et celle sur le secret des affaires.

Que conclure de tout cela ?

Après cette critique assez dense je le reconnais, je précise néanmoins que celle-ci n’a pas pour but de rejeter la démocratie, de dire qu’elle est mauvaise et qu’il vaudrait mieux l’oublier. Ma présente critique ne fait que souligner ses limites, ses défauts et tente de lui rendre sa juste valeur, à cause des qualificatifs souvent exagérés que l’on emploie pour la décrire.

Pour finir, je vais m’attribuer le rôle du serpent qui se mord la queue en répondant à l’utopie par l’utopie. Un système politique idéal serait, me semble-t-il, un système technocrate sans finances et donc sans lobbys et donc sans conflits d’intérêts. Bien sûr un tel monde n’est – de prime abord - pas concevable. La question sous-jacente - peut-être pour un prochain sujet du café philo - est légitimement : Les multinationales ont elles ôté tout pouvoir aux états ?

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