L’individualisme
est-il nécessairement opposé au bien commun ?
Ma réponse intuitive à cette question
est oui. Quoi de plus anodin que de penser spontanément et sans réflexion
aucune, qu’une société où l’individu prime sur le groupe nuira nécessairement au bien commun ? C’est
donc pour cela que j’ai soumis cette réflexion à ma raison, au-delà de mon
intuition, car il est clair que l’intuition humaine ne va pas toujours (si ce
n’est jamais) dans le sens de l’entendement.
Avant de commencer précisons que l’individualisme peut se cliver en
individualisme universel (assimilé à l’égoïsme) et méthodologique (l’individu
participe à un tout sans en avoir réellement conscience). Idem pour le bien
commun, il se separe en biens communs exclusifs (exemple: les matières
premières) et biens communs non exclusifs (exemple: l’air que l’on respire).
Quelques notions sémantiques semblent
indispensables, pour clarifier le sens de la question posée. L’individualisme peut prendre plusieurs
définitions, selon les auteurs et courants de pensées :
·
La primauté des droits, libertés et valeurs
morales de l’individu sur celles de la société.
·
La satisfaction personnelle, en tout point, vaut
plus que celle de la société, selon le courant anarchiste où le bien de
l’individu n’est qu’une prémisse au bien commun. Nous pouvons citer Max
Stirner : l’égoïsme c’est le bien commun.
Il ne faut cependant pas assimiler
l’individualisme à une forme de nihilisme de la société où l’individu vivrait
en auto-autarcie, qui est une position tout bonnement impossible à soutenir,
l’homme étant un être social par nature. Il va seulement à l’encontre du
collectivisme qui prétend pouvoir comprendre la société comme une entité en soi
sans se préoccuper des individus qui la compose.
Dans l’évolution et l’histoire de la
société, nous pouvons observer certains systèmes politiques qui pourront
enrichir notre réflexion. Le despotisme par exemple, où un seul individu est
chargé du bien commun général mais également les régimes communistes
totalitaires du 20ème siècle, où l’individu étant réduit au néant, le bien
commun s’effondrait avec lui. La démocratie et nos systèmes politiques actuels
pourront aussi servir de base de réflexion.
En effet, L’après seconde guerre
mondiale a fait apparaitre au grand jour les travers de l’individualisme
combinée au capitalisme « 2.0 ». Depuis on observe un réel problème, à savoir
que les individus et même les nations agissent en ne songeant qu’à leurs biens
personnels (ou nationaux), sans songer aux potentiels dégâts écologiques,
économiques, humains, que sais-je encore, de leurs comportements à l’échelle
planétaire (cela soulève une autre question : l’individualisme national est-il
nécessairement opposé au bien mondial ?).
L’individualisme anarchiste quant à
lui, pose la question de la responsabilité individuelle, étant donné que toute
forme d’autorité ou d’entité savante est niée, la responsabilité n’est plus
reléguée et n’est imputable qu’aux individus.
On ne peut que soutenir, dans une
morale utilitariste, que la « mort » de l’individu ou au contraire son
expression telle qu’il ne pense plus qu’à lui seul apparaissent comme
nuisibles. Si l’écrasement de l’individu entrave le bien commun,
l’individualisme extrême, lui aussi l’impacte négativement (lutte des classes,
dégâts environnementaux, pays du tiers monde, jusqu'à la méconnaissance de ce
que l’individu cautionne selon ses actes/achats).
Nous touchons là à un autre problème
qui est celui de la désinformation croissante de nos sociétés où nous n’avons
jamais eu accès à autant de connaissances (Big Data) tout en sachant réellement
si peu de choses. Mais je m’égar. Observons plutôt notre système économique et
politique actuelle.
Nos démocraties, bien que
mathématiquement, elles n’ont de démocratique que le nom (selon le principe de Condorcet),
peuvent être assimilées à des tyrannie de la norme (selon Tocqueville), où la
société l’emporte donc sur l’individu.
A contrario, notre économie est basée
sur la division du travail, dont les célèbres précurseurs sont les philosophes
classiques dont Adam Smith. Elle repose donc sur la spécialisation à
l’extrême dans un domaine, où l’individu, tout en travaillant uniquement dans
son champ de compétence très spécifique, pour gagner son argent, sert toute la
société. Ici, c’est la somme d’actions individuelles qui contribue au bien de
l’économie générale. Néanmoins, le néolibéralisme est fortement critiqué pour
favoriser la lutte des classes et le pillage des ressources naturelles.
Soulignons également que pléthore
d’études récentes dans le domaine de la sociologie du travail ont établis des
corrélations importantes entre le bien de l’individu et son appartenance au
groupe d’un côté et la productivité et l’ambiance collective d’une entreprise
de l’autre. Ici, on retrouve le bien de l’individu comme un prélude au bien
commun.
J’aimerais pour terminer, injecter un
peu de notre époque moderne dans le débat qui va suivre. À l’heure des
nouvelles technologies (réseaux sociaux, intelligence artificielle, algorithme
de surveillance), de la surveillance de masse sous prétexte de sécurité
nationale, nos libertés individuelles ont profondément régressé, pour - nous
dit-on - notre bien commun, notre sécurité collective. Or, nous savons que ces
arguments sont factices, que les preuves en faveur de la surveillance de masse
pour la protection manquent cruellement, selon plusieurs rapports de L’ONU et
les témoignages de certains lanceurs d’alertes comme Edward Snowden. En
réalité, il apparaît que ces programmes servent en grande partie à
« espionner » les concitoyens pour cerner leurs modes de vies et
habitudes de consommations.
Mais allons au-delà du duel qui
« oppose » individu et société car en réalité ils ne s’opposent pas
vraiment ; l’individu ne pouvant « exister » sans la société et
réciproquement.
La régression croissante, voire la
mort de la « liberté individuelle » ne serait-elle pas la prémisse à
une nouvelle forme de totalitarisme technologique et futuriste comme le décrit
Orwell dans 1984 ?
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