Conséquences de la déconstruction des
valeurs.
L’humain est un animal grégaire assez remarquable. Chaque individu agit au sein d’une société en interaction les uns avec les autres. « Ces relations entre individus sont des « relations sociales ». Les relations sociales forment les « valeurs sociales » et celles-ci se manifestent sous la forme de « normes sociales » qui, inscrites au plus profond de la conscience des gens, servent à orienter leur comportement dans la société. » (Diogène, 2008/1 (n°221), p.73)
Ces valeurs sociales sont donc des
attributs et des perceptions qu’une personne partage avec des membres de son
groupe social. Elles peuvent être constitutives d’une morale qui peut permettre
de juger des actes et construire une éthique personnelle. Elles ont un double
statut à la fois subjectif, car elles sont constitutives d’un ressenties par
les individus, mais aussi d’une certaine manière objectives, car partagées
socialement.
Dans leurs ouvrages De la justification (Gallimard, 1991), le sociologue Luc Boltanski
et l’économiste Laurent Thévenot considèrent qu’une valeur ne peut avoir un
statut universel, mais au contraire tout un système de valeurs relativement
disjointes, qu’ils appellent des « cités » et qui constituent des
ensembles cohérents de référentiels, normes, figures, etc. Ils estiment que
chaque individu n’est pas enfermé dans un système de valeurs, mais qu’il peut
mettre en place plusieurs d’entre elles en fonction des situations.
Cette première approche d’une définition
de la valeur nous permet de mettre en évidence que celle-ci peut varier dans
l’espace et dans le temps.
Pour Montaigne, il y a avant tout une
somme d’usage et de tradition à laquelle une société adhère, car cela lui donne
une cohésion dans l’espace et dans le temps et le fait d’affirmer que cette
tradition relèverait d’une morale, et donc d’une somme de valeurs, serait une
forme de justification apostériori de quelques choses qui est déjà là, une
justification politique. Si nos usages sont les nôtres, qu’ils sont déjà là et
nous permettes de vivre ensemble, c’est que c’est bien. C’est pour cela que les
doctrines politiques reposant sur la morale sont bien souvent conservatrice,
elles font l’apologie de ce qui est toujours en place. L’apologie de la
tradition sur l’invention.
Les progressifs sont parfois vus par les
personnes qui leur sont opposés, comme des personnes immorales à cause de leurs
désirent de changement, du fait qu’ils bouleversent l’ordre établi, la
tradition déjà présente et donc le système de valeur en place.
Nous vivons à une époque où nos sociétés
sont en pleine mutation. L’éclatement de nos institutions traditionnelles ainsi
que l’émergence des effets de la philosophie libertaire sur les individus ont
induit des conceptions différentes de la société et par conséquent des valeurs
politiques. La déconstruction des valeurs ne serait-ce donc pas plutôt une
reconstruction des valeurs qui correspondrait à ces nouvelles conceptions de la
société ? Pour autant, les débats qui rythment notre société depuis
plusieurs années montrent un clivage important entre les personnes qui sont
toujours dans le prisme des valeurs traditionnelles et ceux qui rejettent ces
anciennes valeurs.
L’idée d’une société partageant dans son
ensemble des mêmes valeurs semble être une idée utopique. Mais est-il encore
possible de construire des consensus politiques responsables sans mettre en
avant des valeurs et sans céder à une panique morale, car c’est comme cela que
devrait fonctionner la démocratie ? Une société des valeurs ne saurait être une société de droit
et cela serait l’inverse de la démocratie.
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