LA DÉFENSE DE SOCRATE
La biographie de Socrate
Socrate est l’un des philosophes grecs qui ont changé le cours de la
philosophie occidentale. Né autour de 469 av. J-C d’un père sculpteur et d’une
mère sage-femme, Socrate se dédia à l’enseignement de la philosophie dans les
rue d’Athènes. Il eut plusieurs élèves mais il ne créa pas d’écoles
philosophiques. Socrate se désintéressait de son apparence physique et sa
laideur et son absence de soin dans ses choix vestimentaires allaient contre la
mentalité grecque qui notamment voyait dans le corps une sorte de miroir de
l’âme. Cela dit Socrate se révélera être un homme courageux et un exemple de
vertu. Cela en deux occasions. La première fut
en 432 av. J.-C., année durant laquelle Socrate participa à la guerre du
Péloponnèse, durant laquelle Sparte
était opposé à la cité de Socrate, Athènes. Durant cette guerre, Socrate sauva
la vie à Alcibiade. La deuxième occasion où Socrate montra son courage, fut
notamment durant son fameux procès, qui lui coûta une condamnation à mort.
Socrate n’a rien laissé d’écrit. Ce que nous savons de sa pensée nous a été
transmis par Platon, Xénophon et Aristophane. Le meilleur témoignage du fameux
procès à Socrate demeure l’ouvrage de Platon intitulé « L’apologie de
Socrate ». Cet ouvrage est une
véritable apologie de la dialectique et du droit à la défense.
Le contexte historique du procès et les chefs d’accusations
Le contexte dans lequel se déroula le procès à Socrate été très
particulier. C’est un contexte de crise.
Athènes avait perdu la guerre du Péloponnèse, les penseurs tels que
Socrate étaient montrés du doigt par les peuples comme responsable de cette
défaite.
Nous pouvons résumer les accusations portées à l’égard de Socrate dans les
chefs d’accusation suivants :
a)Délit d’impiété : Ce délit était prévu par un décret qui remonte à
l’époque de Périclès[1]. Ce décret prévoyait une condamnation pour
ceux qui ne croient pas à la divinité et qui enseignaient des doctrines qui se
fondaient sur les entités céleste (Plutarque, Périclès 32.1.)
b) Corruption de la jeunesse : Mélétos, son principal accusateur,
affirmait en bon démagogue en s’adressant aux juges et au jury du procès que ces derniers
étaient tous de bons pédagogues et de bons exemples pour la
jeunesse, tous à l’exception de Socrate.
Ce dernier était accusé de gâcher, à travers ses enseignements les bons enseignements soi-disant
traditionnels qui étaient donnés au jeunes Athéniens.
c) Avoir introduit à Athènes des nouvelles divinités tel que le démon de Socrate.
L’Apologie de Socrate
L’œuvre de Platon intitulée
« l’Apologie de Socrate » est un témoignage unique du procès
de Socrate, auquel Platon participa en temps qu’auditeur. Platon rapporte et
interprète à sa façon la plaidoirie que
Socrate a utilisée afin de contredire les accusations qui lui étaient portée.
Dans la première partie de la plaidoirie Socrate se défend et cherche à mettre son principal
accusateur Mélétos devant ses propres contradictions. Dans la deuxième partie, le ton change. Socrate s’en prend aux juges
qui l’accusent avec un ton menaçant et refuse la peine de l’exil en acceptant
ainsi la peine de mort.
Socrate n’est pas un orateur comme les autres. Pernot de sa part
décrit l’Apologie de Socrate comme un « […]
modèle de plaidoyer conforme aux exigences philosophiques [2][…] ». La défense de Socrate vise à travers la dialectique du procès et le
questionnement de ses adversaires visant à le mettre devant leurs
contradictions. Socrate cherchait dans un premier temps à convaincre les juges
par le biais d’arguments solides et non à captiver leur bienveillance. En plus
en interrogeant les parties adverses, Socrate cherchait à les éduquer selon la
notoire technique de la maïeutique.
Par le biais de la figure quasi-mythique
de Socrate, Platon veut creuser un fossé entre la philosophie socratique et la
sophistique. Dans d’autres dialogues tels que le "Gorgias ",
Platon oppose la philosophie de Socrate fondée sur des arguments solides et sur
le principe de non-contradiction à la rhétorique des sophistes. Ainsi Socrate
définit la rhétorique des sophistes dans les termes suivants : « La rhétorique […], j’en fais une partie de
la flatterie, comme l’esthétique, bien sur la sophistique » (Gorg. 463
b,). Dans l’exorde de l’Apologie de Socrate, Platon fait prononcer à son maitre
la frase suivante :
« […] je suis orateur, mais non à leur manière. Quoi qu’il en soit, je
vous répète qu’ils n’ont rien dit ou presque rien qui soit vrai. Moi, au
contraire, je vous dirai l’exacte vérité […] ce ne sont pas des discours parés
de locutions et de termes choisis et savamment ordonnés que vous allez
entendre, mais des discours sans art, fait de premier mots venus[…]» (
Apologie, I,1,)
Ainsi Socrate prend ses
distances du monde des sophistes et oppose un discours visant simplement à persuader
par une plaidoirie qui vise à convaincre. Par la suite Socrate prend
aussi ses distances du monde des tribunaux en affirmant : « […]je suis vraiment étranger au langage qu’on
parle ici » (Apologie I, I,). Socrate ainsi veut incarner une nouvelle figure d’orateur
philosophe qui à ses dires veut dire la vérité) (Apologie I, I,). Dire la
vérité ainsi que la faire ressurgir par le biais de la dialectique ainsi que de
la maïeutique devient une exigence quasi éthique pour Socrate. Ce dernier prend
ses distance de ceux qui afin
d’échapper à une punition essayaient de séduire les juges. Socrate est
conscient du risque qu’il court, mais il ne manque pas de souligner que son
défi a la mort n’est pas une « bravade ». C’est un risque que Socrate
veut prendre au nom de la vérité.
La mort de Socrate représente
un cas extrême de cohérence philosophique, c’est le sacrifice d’un philosophe
qui par le biais de son exemple se veut « d’éclairer et de convaincre » un juge de la vérité. (Apologie
XXIV), Cela dit, le juge qui en toute conscience condamne un innocent sera
selon Socrate condamné par Zeus à un châtiment plus pénible que celui qui a été
infligé à Socrate (Apologie XXX).
L’idée de justice est ainsi liée à l’idée de vérité. Contrairement
au sophiste Socrate est très loin de faire coïncider la justice avec la loi du
plus fort. Platon dans le premier livre de la
République affronte cette question notamment dans le dialogue entre
Socrate et Trismique. Ce dernier fait coïncider la notion de justice avec la
notion de pouvoir. Selon Socrate la justice ne coïncide pas toujours avec la
loi ou l’ordre établi.
En ce sens Platon répand une
idée clé de culture grecque, qui remonte à l’Antigone de Sophocle, l’idée d’un
droit et d’une justice qui dépassent la simple norme juridique. Dans l’Apologie
de Socrate nous trouvons l’idée que la justice se dévoile à travers la
dynamique du procès.
Conclusion
Le droit à un procès équitable
tout comme le droit au contradictoire est une conquête de la civilisation. Dans
l’Apologie de Socrate nous avons l’embryon du modèle de la moderne procédure
accusatoire, qui se fonde sur le droit à être jugé par un juge tiers et
impartial.
Ce modèle notamment encourage
le rôle des parties et par cela encourage la dialectique et par conséquent le
droit au contradictoire. Ce principe est ancré dans la culture classique. Nous
en trouvons des traces dès l’Iliade d’Homère avec le fameux épisode du bouclier
d’Achille (IliadeXVIII, 478,-607), suivi par l’Antigone de Sophocle et la
Médée d’Euripide.
[1] Jean
Rudhart, « La définition du délit d’impiété d’après la législation attique »,
in Revue suisse pour l’étude de
l’antiquité classique, n. 17, 1960.
[2] Laurent Pernot, La Rhétorique dans l’antiquité, Paris,
Livre de poche, Deuxième édition Livre de Poche, 2000,
p. 69.
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