Avons-nous encore le temps de réfléchir?
Ce sujet pose plusieurs problématiques. Dans notre
société capitaliste où le travail a une place fondamentale dans l’existence de
l’homme, ce dernier a-t-il encore la possibilité et la liberté de faire
véritablement fonctionner son esprit? En donnant une telle importance à
l’activité qu’est le travail, l’esprit humain conserve t’il assez de
disponibilité mentale pour réfléchir véritablement et parvenir à s’accomplir
par sa pensée?
En effet, selon Heidegger, l’homme existe parce qu’il
est un être temporel; l’homme est jeté hors de lui-même par le temps. Être
temporel ce n’est donc pas simplement être soumis au temps: c’est être projeté
vers une réflexion, un avenir, vers du possible, avoir en permanence à se
choisir et à répondre de ses choix (ce que Heidegger appel « le
souci »). L’homme existe donc à condition de parvenir à ne pas être
esclave du temps, de parvenir à travailler sa pensée.
Pascal exprime l’importance de la pensée et de la
réflexion dans son ouvrage « Pensées » (1670). Il écrit
« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature; mais c’est un
roseau pensant (…) Tout notre dignité consiste en la pensée. » On
considère donc la pensée comme moyen d’atteindre son humanité pour l’homme, sa
liberté. Dans la société de consommation actuelle, conserver sa liberté de
penser et de penser par soi même est complexe. En effet, l’individu peut être
dépossédé de ce qui le constitue ce qui entraîne un asservissement voir une
aliénation (notions dévelopéés dans les travaux de Marx). « Interdiction »
de vieillir, il faut être innovent, rapide, « tendance »,
« glamour », il faut « bouger », « bosser » etc.
La consommation actuelle que nous vivons dans notre culture suggère en
permanence d’avoir des désirs et le désir des désirs. Dans cette logique le
quantitatif prend le lieu et la place du qualitatif.
Edgard Morin interviewé par terra eco parle aussi de
ce rapport accéléré que nous avons au temps. Il dit « Notre temps rapide
est un temps antiréflexif. Et ce n’est pas par hasard si fleurissent dans notre
pays un certains nombre d’institutions spécialisées qui prônent le temps de
méditation. Le yoguisme par exemple permet d’interrompre le temps rapide pour
obtenir un temps tranquille de méditation. »
Ainsi, ce sujet ouvre de nombreuses pistes de
réflexion dont certains points ont été soulevés ici. Cela donne envie de finir
sur une note de révolte. « Qu’est ce qu’un homme révolté ? Un homme
qui dit non. » a écrit Albert Camus dans « L’homme révolté ».
Voilà
donc ce qui nous reste à penser : puisque nous sommes libres et que
l’existence, du fait de l’incompatibilité foncière de l’homme et du monde, est
absurde, il est impérieux de connaître la portée de nos actes et le sens que ne
peut pas manquer de leur conférer l’homme de l’absurde, celui qui, conscient et
responsable de sa vie, est conséquent avec l’autre, cet autre retrouvé et
requis par Camus au terme de la logique de la révolte, cet autre apparaissant
comme la nécessaire conclusion de son éthique : « je me révolte, donc
nous sommes ».
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