samedi 17 mai 2025

Sujet du 21 Mai 2025 : FEMMES ET PHILOSOPHIE, DEUX INCONNUES MUTUELLEMENT RÉCIPROQUES ?

 

FEMMES ET PHILOSOPHIE, DEUX INCONNUES MUTUELLEMENT RÉCIPROQUES ?

 Les êtres humains, femmes et hommes, ne sont-ils que des corps ? Les femmes ne seraient-elles que ça ? Et les hommes, ne seraient-ils eux aussi que des corps ? Ou peut-être aussi des esprits ? Ou hommes et femmes seraient-ils à ces égards différents l'un de l'autre ? Tout en l'ignorant. Et la philosophie existante du régime patriarcal n'ignore-t-elle pas ce qu'elle deviendrait si elle se basait sur des prémices de régime matriarcal ?

 A cet effet, il faut se reporter à quelques fondamentaux. Sans cela ces questions peuvent paraître incongrues, irréelles. N'aurions-nous donc pas d'âme, pas d'esprit distincts de notre corps ? Ma "belle âme" n'existerait-elle donc pas ? Ou, pour le moins, si nous avions ne serait-ce qu'une petite fraction d'esprit, celui-ci ne serait-il qu'un épiphénomène de notre corps ? Qui, lui, alors ne serait que pure matière ? Ne serions-nous donc qu'une machine biologique ? Certes ultra sophistiquée. Mais, quand même, juste que de la matière ?

 Il y a là deux positions philosophiques bien distinctes, l'une dissociant corps et esprit et l'autre pas. Les conséquences sur la vie en société des femmes et des hommes en seraient radicalement différentes. Considérer que corps et esprit ne seraient pas séparés ne nous plongerait-il pas dans un abîme d'angoisse existentielle qui nous ferait douter jusqu'à de notre identité d'être humain ? Ce serait comme du temps de Darwin quand la majorité ne pouvait accepter de "descendre du singe". Et de n'avoir pas d'âme, contrairement aux affirmations des très Saintes Écritures et autres textes sacrés des religions monothéistes.

 1.  Mais cette angoisse est-elle justifiée ? En effet, ne peut-on avoir quelque doute quant à "l'âme" de certaines catégories de nos congénères ?

  Pensons à Platon et à ses Idées pures et absolues selon lesquelles notre monde ne serait qu'une apparence, une pure illusion humaine. Platon en induit des conséquences pratiques. Par nature, la société se composerait de philosophes faits comme d'or, rutilant telle l'éclatante lumière de l'âme et de l'esprit ; de soldats de fer et, enfin, de travailleurs pétris de glaise privée d'esprit et de pensée. Sa philosophie autorisait à leur mentir et à les tromper. Les esclaves, les étrangers, les métèques de races allochtones, les femmes, elles aussi, ne constituaient-ils pas les inférieurs ultimes, presque infrahumains ?

 Et, dans chaque catégorie d'inférieurs, les femmes ne sont-elles pas traitées comme les inférieures parmi les inférieurs ? N'est-ce pas cette philosophie-là qui a majoritairement prospéré, notamment au sein des religions, jusqu'au philosophe Heidegger, suppôt du nazisme ? Ne nous imprègne-t-elle pas en profondeur encore et toujours, malgré nous ?

 Mais Platon et sa "philosophie idéaliste" des hautes sphères éthérées étaient-ils à ce point absurdes au point de nier que Platon était, lui aussi, fait de chair et d'os qu'il entretenait d'ailleurs à force d'exercices physiques ? Dès lors, si sa philosophie est absconse, qu'est-ce qui fait de Platon, de ses amis philosophes et de nous des humains ? Ne peut-on, ne doit-on pas en conséquence considérer tous les êtres humains uniquement sous l'angle de la biologie ? Sans recourir à la distinction entre un corps matériel et une âme spirituelle ?

 La question est alors de savoir comment discerner le juste du faux entre dualisme et monisme ? L'histoire de la philosophie a en effet longtemps opposé deux conceptions majeures des hommes :

1) Le dualisme (Platon, Descartes) pour lequel l'être humain est composé de deux substances distinctes, une âme immatérielle et un corps matériel.

2) Le monisme (Épicure, Spinoza, Canguilhem) pour lequel toutes les femmes et tous les hommes, formant une commune humanité, sont constitués d'une seule et même substance, sans distinction entre l'âme et le corps.

 2.  Voyons ce deuxième point. L'être humain, homme ou femme, est une entité animée d'une vie biologique qui inscrit son existence dans un milieu, un environnement humain et naturel. La distinction entre l'âme et le corps devient ainsi une invention philosophique superflue.

Le monisme nous fait alors poser une question essentielle. Qu'est-ce qui fait de nous des humains ? C'est notre biologie. Elle rend inutile d'invoquer une âme ou un esprit séparé du corps. L'homme est un être vivant qui évolue, s'adapte et cherche à survivre (Darwin). Il n'y a pas de vie sans milieu. Et pas d'hommes sans société. Aristote le reconnaissait déjà il y a 24 siècles. Les faits montrent que tout nouveau-né est une potentialité humaine qui ne devient un être humain à part entière qu'au contact de ceux avec lesquels il interagit dans un environnement, naturel ou construit, à une époque donnée.

 Ceci est avéré. Les médecines traditionnelles, en étudiant les plantes et en appliquant leurs pouvoirs, ne montrent-elles pas que le corps humain interagit avec son environnement sans qu'il soit nécessaire d'évoquer des esprits ou qu'ils n'interviennent en aucune façon ? Des êtres humains atteints de cancer ou autre maladie avérés ont-ils pu, jusqu'à présent, être guéris et ne pas succomber par l'usage d'une prétendue télépathie initiée par de supposées forces d'esprits quelconques, que ce soit de femmes ou d'hommes ? Effectivement, non. 

 Voici des exemples. Le biologiste Claude Bernard a démontré que le corps humain fonctionne comme un système autorégulé, sans intervention d'un élément immatériel. Tout être humain étant un organisme biologique doit être compris comme tel, sans avoir recours à des explications de philosophie métaphysique complexes.

Néanmoins René Descartes, en bon dualiste, a développé l'idée que l'âme et le corps sont deux substances distinctes. Pour lui, l'âme dirige le corps, comme un pilote gouverne son avion. Cette idée paraît irréelle. À nouveau, comment pratiquement une entité immatérielle (l'âme) pourrait-elle agir sur une substance matérielle (le corps) ? Les faits le démentent.

 Dans certaines cultures, des maladies sont attribuées à des esprits. Or, la science moderne démontre que les infections sont dues à des micro-organismes ou des virus. De même Antonio Damasio, neurologue, a montré que la conscience elle-même repose sur des activités du cerveau, fait de matière.

 De ces faits on peut inférer que l'idée d'un esprit distinct du corps, bien qu'attirante, pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses.

  Mais alors le monisme ne conduit-il pas à se demander si vivre sans âme ne serait pas un problème pour nous ?

 Voyons-en quelques conséquences de fond pour une éthique du corps et de la santé. Si nous sommes uniquement des êtres biologiques, nos valeurs doivent refléter cet état. Cela implique de 1) considérer la santé comme un bien fondamental, 2) comprendre la maladie comme un phénomène biologique et non comme une destinée inéluctable ou un illusoire décret punitif divin, et 3) reconnaître que tant nos émotions que nos pensées sont le produit de processus cérébraux. Et donc purement matériels, biologiques et neurochimiques.

 À cet égard on constate que la démarche biomédicale remplace de plus en plus les croyances spirituelles traditionnelles sur la maladie. En outre, les neurosciences montrent que nos décisions morales et nos réactions psychiques sont influencées par des processus biologiques et neurochimiques.

 Le monisme induit donc à sans tarder reconsidérer, sous un angle scientifique et rationnel, notre rapport à la santé et au corps. Qu'il soit celui d'un homme ou d'une femme. Tout ce qui fait de nous des humains gît dans nos corps et nos interactions avec le milieu dans lequel nous baignons. Cet état de fait montre qu'en nous il n'y a pas d'âme distincte du corps et que le dualisme métaphysique abstrait entre notre corps et un esprit tout à fait fictif est une erreur -- si pas une faute, involontaire ou pas ? -- des philosophies idéalistes plurimillénaires.

 Mais alors, si tout en nous est matériel et biologique, notre pensée et notre conscience seraient-elles entièrement déterminées ? Quelle part de liberté nous reste-t-il ? Est-ce celle que démontre Spinoza ? Celle que notre humanité nous pousse à réaliser pleinement en mobilisant notre puissance naturelle (le conatus) ? En identifiant les degrés de liberté que seule une connaissance authentique des causes des choses peut nous offrir.

 3.  À partir de ces prémices philosophiques, il devient possible de mieux cerner certaines différences et éléments de commune humanité entre les femmes et les hommes.

 Ils sont tous deux des entités vivantes animées par des processus matériels biologiques et neurochimiques hyper complexes. Ils ont une commune appartenance au genre humain assurant sa survie par la reproduction sexuée fondée sur les chromosomes qui les distinguent. En tant que mammifères évolués, le placenta des femmes se diversifie pleinement en villosités jusque dans leurs vaisseaux sanguins par des processus hormonaux très divers qui leur sont propres. Ils soumettent les femmes à des influences hormonales sans cesse variables nécessitant des transitions en déséquilibre. Dans des cycles de 28 jours, environ 600 ovocytes sont relâchés en six jours lors d'une inversion hormonale. Si aucune fécondation n'a lieu, une nouvelle inversion provoquera les menstrues sur 8-10 jours. Au total, cela crée de multiples déséquilibres hormonaux pendant 14-16 jours, soit pendant près de la moitié de la vie de fertilité d'une femme. Celle-ci est suivie du nouveau et brusque déséquilibre hormonal de la ménopause.

 Si une fécondation se produit tout un cycle de chamboulements multiples de 9 mois conduira à un accouchement par lequel apparaît un nouveau déséquilibre physique. Ceci se fait après passage du nouveau-né dont la tête, au néocortex surdéveloppé malgré son état de prématuré, provoque des douleurs reconnues par la médecine comme les plus intenses. La combinaison de changements hormonaux radicaux, d'extrêmes douleurs et du grand soulagement qui suit, tant physique que psychique, marquent la distinction entre les femmes et les hommes. Et ce hiatus majeur se prolonge tant par la contrainte que la joie de l'allaitement et de soins immédiats au nouveau-né. Tout cela ne distingue-t-il pas radicalement les sexes ?

 Ces différences physiques, induisant des états psychiques particuliers de premier ordre, ne conduisent-elles pas les femmes à des perceptions d'un réel bien distinct de celui des hommes ? S'y ajoutent en outre, depuis l'émergence du patriarcat depuis environ huit millénaires en Grèce, des discriminations fortes envers elles qui se sont cristallisées à la faveur des philosophies idéalistes et des structures religieuses et sociales qui ont suivi.

 Ces deux facteurs n'induisent-ils pas à eux seuls des visions du monde et de la philosophie différents de ceux des hommes ? Ces derniers ont une vie hormonale plus étale et moins complexe. Cela ne faciliterait-il pas une rationalité plus constante et un pathos plus aisément maîtrisé ? Même si la testostérone peut déchaîner, chez les hommes, des pulsions et des émotions inconsidérées, sans doute parfois ou souvent difficilement jugulables.

 Ces différences entre les femmes et les hommes n'ont-elles pas été brillamment mises en lumière par la philosophie matérialiste des Lumières de Donatien de Sade, féministe authentique qui donnait intégralement aux femmes le pouvoir de faire vivre et présenter sa philosophie. Même si celle-ci -- se fondant sur le désir dont sont pétris les humains (cf Épicure, philosophe matérialiste) -- envisage certes tous les types de plaisirs, mais strictement personnels. Et donc sans aucune considération de l'autre, qu'il soit femme ou homme. Et surtout sans considération du caractère collectif ou social des plaisirs les plus débridés de l'individu...

 Dès lors, ne faut-il pas revisiter à la lueur d'une remise sur le métier des avancées de Sade 1) tant la tradition de la philosophie et la place que les femmes y ont tenue 2) que la position des femmes vis-à-vis de la philosophie et 3) que le renouvellement qu'elles pourraient y apporter, si seulement elles pouvaient se dégager philosophiquement des liens qui les enserrent dans les traditions philosophiques instaurées par le patriarcat ?

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