vendredi 21 mars 2025

Sujet du Merc. 26 Mars 2025 : Sont-ils-des hommes ?

 

                          SONT-ILS DES HOMMES ?

 

Oui, sont-ils tous des hommes ? Et nous aussi ? Ou y a-t-il des trans-humains ; et des surhommes, des infra-humains et peut-être aussi des hommes ordinaires? Non, tous ont une même apparence et une même organisation physiologique, sauf les premiers. Mais qu’en est-il des autres ? Leur esprit et leur corps sont-ils séparés ? Les religions monothéistes et la majorité des philosophes depuis Socrate, Platon et Aristote l’affirment.

 Les évolutions historiques ne montrent-elles pas une forte tendance dans ce sens ? Pourtant de récentes découvertes archéologiques et neurologiques montrent l’inanité de ces croyances. Les fonctionnalités cognitives reposent sur le cerveau, fait de matière. En réalité, corps et esprit ne sont distincts l’un de l’autre qu’en parole.

 Socrate s’inquiétait de la destinée de son âme (esprit) après la mort. Cette  idée présupposait la séparation de son âme immortelle d’avec son corps matériel et périssable. Platon porte cette croyance jusqu’à l’absolu. L’absolu de la Vérité des Idées pures et préexistantes de l’Esprit, distinctes des apparences trompeuses du monde quotidien et matériel. Qui, lui, en fait n’existerait pas vraiment. En aristocrate bien-né, son inclination le fait classer les hommes selon la prévalence chez eux de l’un ou de l’autre de ces pôles opposés. En essentialisant sexes et genres, la réaction féministe n’adopte-t-elle pas la même démarche ? Et, à terme, n’accentuerait-elle pas la sujétion féminine ? Ou serait-ce in fine la masculine ? Par une réaction en retour.

 Inspiré par Platon, Augustin (un saint chrétien du 4e s., pas mon voisin) décrète que le Bien ultime est le salut de l’âme associé aux lumières de l’Esprit-Saint. Dans ses « Confessions », il écrit : « La perte d’une seule âme non munie du baptême est un malheur plus grand que la mort d’innombrables victimes, même innocentes. ». Serait-il un tueur en série ?

 Et n’a-t-on pas là les prémisses des massacres et génocides techniques du 16e (par canons et caravelles interposés) au 20e et 21siècles ? Cette évolution historique commence par la décimation en masse voire l’extinction des Amérindiens. D’abord par les Espagnols et puis, surtout, par les Etats-uniens. Viennent ensuite celles des Africains et des Asiatiques : esclavage, guerres (néo)coloniales, pseudo « dilemme de l’homme blanc » britannique et « mission civilisatrice » française. Auxquels s’ajoutent les récents « droit d’ingérence » et « guerre juste » des démocraties. Mais aussi les hécatombes planifiées des « camps » allemands, russes, chinois, cambodgiens et israélo-palestiniens.

 Actuellement le massacre de vastes populations du Tiers Monde, Russie et Ukraine – par dizaines de millions pour l’appropriation des ressources nécessaires à la pérennité du capitalisme – ne procèdent-ils pas eux aussi des concepts issus de concepts-clef des philosophies idéalistes ? Ne faut-il pas y ajouter l’appropriation conjointe des pouvoirs et la corruption ? Des oligarques occultes ici, déclarés là-bas, favorisent des mafias et la généralisation des drogues. Certaines sont physiques et visibles. D’autres moins perceptibles incluent le consumérisme et le numérique. Qui, néanmoins, assurent également d’énormes progrès par ailleurs. Les manipulations psychiques et mentales de masse conduisent à une aliénation généralisée. Sur des millénaires, ne renvoient-elles pas à l’esprit de religion et aux dérives propres aux philosophies idéalistes ?

 Dans « La Politique »,  Aristote écrit des phrases qui résonnent jusqu’à nos jours autour de la légitimité d’ « esclaves par nature ».

– Tiens, ça existe ça, des esclaves par nature ?

  Pour sûr, c’est évident.

Aristote dixit : « Tous ceux chez qui l’emploi des forces corporelles est le seul et le meilleur parti à tirer de leur être sont esclaves par nature » et « Il est évident que, par nature, les uns sont libres et les autres esclaves ; et que, pour ces derniers, l’esclavage est utile autant que juste ». Ces assertions reviennent 1) à fonder « sur la supériorité et l’infériorité de nature toute la différence de l’homme libre et de l’esclave, des nobles et des roturiers. » ou encore des hommes et des femmes et 2) à justifier « cette chasse que l’on doit donner aux bêtes fauves et aux hommes qui, nés pour obéir, refusent de se soumettre. C’est une guerre que la nature elle-même a faite légitime. ».

 Nourri par deux millénaires de culture platonico-aristotélicienne reprise par Augustin, Colomb écrit une fois arrivé aux Amériques en 1492 : «Ils échangent de bon coeur tout ce qu’ils possèdent … Ils ne portent pas d’armes … Ils feraient de bons serviteurs. Avec cinquante hommes, on pourrait les asservir tous et leur faire faire tout ce que l’on veut. ». Déjà la notion de « minerai humain » n’était plus loin.

 La raison et le doute méthodique ont mis ce paradigme en pièces. Du moins intellectuellement par les avancées de Copernic, Galilée, Bacon, Descartes, Spinoza, les philosophes des Lumières et quelques autres par la suite. Néanmoins, malgré les révolutions, cette vision du monde a toujours su se fortifier dans le combat mené contre ses suppôts, les puissants et les maîtres. Ainsi Sepùlveda, conseiller des souverains espagnols, écrit en 1451 : « Certaines âmes sont supérieures à d’autres, de sorte qu’il est juste de soumettre par la force physique l’homme dont la raison est naturellement faible. Car il ignore ou refuse son propre bien connu de son maître. ». Mais alors, n’eût-il pas fallu déjà que l’âme existât ? Où est la preuve ?

 Progressivement, cette idée d’une hiérarchie des esprits venue de « La République » de Platon – qui néanmoins maintenait la qualité d’homme à tous – déboucha, à la fin du 19e s., sur le nihilisme et la sape des Lumières. Nietzsche remet tout en cause et affirme que tout est faux. C’est comme affirmer que tout se vaut et que tout est vrai, c’est selon. Et donc particulièrement l’opinion de Nietzsche. Son idée de surhomme conduit à « la volonté de puissance » et à son incarnation dans l’« élite », pourvue du droit du plus fort le plus absolu.

 Cette évolution ultime de la philosophie héritée de Platon conduisit au basculement de l’ontologie (l’Être par rapport au paraître) par une inversion radicale. Pour Heidegger, la métaphysique traditionnelle ne peut plus amener « l’étant » (la roture à l’état animal) à « l’Être » (l’élite pourvue de la qualité d’être humain). Pour l’Être, la métaphysique ne peut donc assigner un fondement que dans l’étant. L’étant ne peut donc vraiment exister que s’il y est « convoqué » par l’Être. C’est seulement ainsi que la nature des « animal laborans » (Hannah Arendt, amante et collaboratrice de Heidegger) peut acquérir la dignité d’être humain (c’est le contraire de la dignité de l’humanisme universel de Kant). Encore faudrait-il, évidemment, que l’« élite » condescende à « convoquer » à cette dignité la bête de somme de l’esclave. Qui sinon reste un animal par nature. Ce pouvoir des « Êtres » est proprement divin. « Dieu est mort » disait Nietzsche. Avec Heidegger, une fraction de l’humanité devient Dieu...

 C’est la conversion de l’universalisme humaniste des « âmes » humaines du 16e siècle, certes inégales entre elles, en une dichotomie ontologique : des Êtres authentiques convoqueraient des étants infra-humains à la dignité d’homme. En pratique donc, des esclaves animaux peuvent être convoqués à cette dignité par leurs Maîtres absolus. Qui, eux, sont authentiquement humains par nature. Le nazisme en fut la traduction.

 Des philosophes de l’après-guerre jusqu’à aujourd’hui ont emboîté le pas de cette nouvelle ontologie par la destruction des Lumières et de la raison. Il s’agit plus particulièrement des pseudo philosophes de la « French theory » et de son prurit sociétal, le wokisme contemporain. Ne faut-il pas le combattre, ne serait-ce qu’au vu d’une certaine filiation nazie ?  Et n’y a-t-il pas actuellement comme un embryon de code de droits et de lois par lequel des animaux peuvent convoler en justes noces dans l’apparat ?

 Et enfin, que dire des promesses du transhumanisme en marche ? Les Gates, Zuckerberg, Musk et autres à venir n’envisagent-ils pas de technologiquement transformer l’espèce ? De quitter l’espèce humaine en la scindant, à l’instar de l’idée première de scission du corps et de l’esprit prônée dès Socrate et Platon. Dans cette veine, Emil Georg publiait en 1998 « Le Marché de la détresse et le Paradigme du Crime Originel Nouveau ». Il se fondait sur des données notoirement « tendancieuses » des Institutions financières internationales de Bretton Woods, conçues et dirigées par l’actuel empire mondial. C.q.f.d. ? Ou, plutôt, non. 

Ne doit-on pas s’appliquer à prouver le contraire de ces démarches de philosophies idéalistes en démontrant d’emblée l’inanité de leurs fondements ?

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