SONT-ILS DES HOMMES ?
Oui, sont-ils tous des
hommes ? Et nous aussi ? Ou y a-t-il des trans-humains ; et des
surhommes, des infra-humains et peut-être aussi des hommes ordinaires? Non,
tous ont une même apparence et une même organisation physiologique, sauf les
premiers. Mais qu’en est-il des autres ? Leur esprit et leur corps
sont-ils séparés ? Les religions monothéistes et la majorité des
philosophes depuis Socrate, Platon et Aristote l’affirment.
Les évolutions historiques ne
montrent-elles pas une forte tendance dans ce sens ? Pourtant de récentes
découvertes archéologiques et neurologiques montrent l’inanité de ces
croyances. Les fonctionnalités cognitives reposent sur le cerveau, fait de matière.
En réalité, corps et esprit ne sont distincts l’un de l’autre qu’en parole.
Socrate s’inquiétait de la
destinée de son âme (esprit) après la mort. Cette idée présupposait la séparation de son âme
immortelle d’avec son corps matériel et périssable. Platon porte cette croyance
jusqu’à l’absolu. L’absolu de la Vérité des Idées pures et préexistantes de
l’Esprit, distinctes des apparences trompeuses du monde quotidien et matériel.
Qui, lui, en fait n’existerait pas vraiment. En aristocrate bien-né, son
inclination le fait classer les hommes selon la prévalence chez eux de l’un ou
de l’autre de ces pôles opposés. En essentialisant sexes et genres, la réaction
féministe n’adopte-t-elle pas la même démarche ? Et, à terme,
n’accentuerait-elle pas la sujétion féminine ? Ou serait-ce in fine la
masculine ? Par une réaction en retour.
Inspiré par Platon, Augustin
(un saint chrétien du 4e s., pas mon voisin) décrète que le Bien
ultime est le salut de l’âme associé aux lumières de l’Esprit-Saint. Dans ses
« Confessions », il écrit : « La perte d’une seule
âme non munie du baptême est un malheur plus grand que la mort d’innombrables
victimes, même innocentes. ». Serait-il un tueur en série ?
Et n’a-t-on pas là les
prémisses des massacres et génocides techniques du 16e (par canons
et caravelles interposés) au 20e et 21e siècles ? Cette évolution
historique commence par la décimation en masse voire l’extinction des
Amérindiens. D’abord par les Espagnols et puis, surtout, par les Etats-uniens.
Viennent ensuite celles des Africains et des Asiatiques : esclavage, guerres
(néo)coloniales, pseudo « dilemme de l’homme blanc » britannique et «
mission civilisatrice » française. Auxquels s’ajoutent les récents
« droit d’ingérence » et « guerre juste » des démocraties.
Mais aussi les hécatombes planifiées des « camps » allemands, russes,
chinois, cambodgiens et israélo-palestiniens.
Actuellement le massacre de
vastes populations du Tiers Monde, Russie et Ukraine – par dizaines de millions
pour l’appropriation des ressources nécessaires à la pérennité du capitalisme –
ne procèdent-ils pas eux aussi des concepts issus de concepts-clef des
philosophies idéalistes ? Ne faut-il pas y ajouter l’appropriation
conjointe des pouvoirs et la corruption ? Des oligarques occultes ici,
déclarés là-bas, favorisent des mafias et la généralisation des drogues.
Certaines sont physiques et visibles. D’autres moins perceptibles incluent le
consumérisme et le numérique. Qui, néanmoins, assurent également d’énormes
progrès par ailleurs. Les manipulations psychiques et mentales de masse
conduisent à une aliénation généralisée. Sur des millénaires, ne renvoient-elles
pas à l’esprit de religion et aux dérives propres aux philosophies
idéalistes ?
Dans « La Politique », Aristote écrit des phrases qui résonnent
jusqu’à nos jours autour de la légitimité d’ « esclaves par nature ».
– Tiens, ça existe ça, des
esclaves par nature ?
– Pour sûr, c’est évident.
Aristote dixit :
« Tous ceux chez qui l’emploi des forces corporelles est le seul et le
meilleur parti à tirer de leur être sont esclaves par
nature » et « Il est évident que, par nature, les uns sont libres et
les autres esclaves ; et que, pour ces derniers, l’esclavage est utile
autant que juste ». Ces assertions reviennent 1) à fonder « sur la
supériorité et l’infériorité de nature toute la différence de l’homme libre et
de l’esclave, des nobles et des roturiers. » ou encore des hommes et des
femmes et 2) à justifier « cette chasse que l’on doit donner aux bêtes
fauves et aux hommes qui, nés pour obéir, refusent de se soumettre.
C’est une guerre que la nature elle-même a faite
légitime. ».
Nourri par deux millénaires
de culture platonico-aristotélicienne reprise par Augustin, Colomb écrit une
fois arrivé aux Amériques en 1492 : «Ils échangent de bon coeur tout ce
qu’ils possèdent … Ils ne portent pas d’armes … Ils feraient de bons serviteurs.
Avec cinquante hommes, on pourrait les asservir tous et leur faire faire tout
ce que l’on veut. ». Déjà la notion de « minerai humain »
n’était plus loin.
La raison et le doute
méthodique ont mis ce paradigme en
pièces. Du moins intellectuellement par les avancées de Copernic, Galilée,
Bacon, Descartes, Spinoza, les philosophes des Lumières et quelques autres par
la suite. Néanmoins, malgré les révolutions, cette vision du monde a toujours
su se fortifier dans le combat mené contre ses suppôts, les puissants et les
maîtres. Ainsi Sepùlveda, conseiller des souverains espagnols, écrit en
1451 : « Certaines âmes sont supérieures à d’autres, de sorte
qu’il est juste de soumettre par la force physique l’homme dont la raison est
naturellement faible. Car il ignore ou refuse son propre bien connu de son
maître. ». Mais alors, n’eût-il pas fallu déjà que l’âme existât ? Où
est la preuve ?
Progressivement, cette idée
d’une hiérarchie des esprits venue de « La République » de
Platon – qui néanmoins maintenait la qualité d’homme à tous – déboucha, à
la fin du 19e s., sur le nihilisme et la sape des Lumières.
Nietzsche remet tout en cause et affirme que tout est faux. C’est comme
affirmer que tout se vaut et que tout est vrai, c’est selon. Et donc
particulièrement l’opinion de Nietzsche. Son idée de surhomme conduit à
« la volonté de puissance » et à son incarnation dans
l’« élite », pourvue du droit du plus fort le plus absolu.
Cette évolution ultime de la
philosophie héritée de Platon conduisit au basculement de l’ontologie (l’Être
par rapport au paraître) par une inversion radicale. Pour Heidegger, la
métaphysique traditionnelle ne peut plus amener « l’étant » (la roture
à l’état animal) à « l’Être » (l’élite pourvue de la qualité d’être
humain). Pour l’Être, la métaphysique ne peut donc assigner un fondement que
dans l’étant. L’étant ne peut donc vraiment exister que s’il y est « convoqué »
par l’Être. C’est seulement ainsi que la nature des « animal
laborans » (Hannah Arendt, amante et collaboratrice de Heidegger) peut
acquérir la dignité d’être humain (c’est le contraire de la dignité de
l’humanisme universel de Kant). Encore faudrait-il, évidemment, que l’« élite »
condescende à « convoquer » à cette dignité la bête de somme de
l’esclave. Qui sinon reste un animal par nature. Ce pouvoir des
« Êtres » est proprement divin. « Dieu est mort » disait
Nietzsche. Avec Heidegger, une fraction de l’humanité devient Dieu...
C’est la conversion de
l’universalisme humaniste des « âmes » humaines du 16e
siècle, certes inégales entre elles, en une dichotomie ontologique : des
Êtres authentiques convoqueraient des étants infra-humains à la dignité
d’homme. En pratique donc, des esclaves animaux peuvent être convoqués à cette
dignité par leurs Maîtres absolus. Qui, eux, sont authentiquement humains par
nature. Le nazisme en fut la traduction.
Des philosophes de
l’après-guerre jusqu’à aujourd’hui ont emboîté le pas de cette nouvelle
ontologie par la destruction des Lumières et de la raison. Il s’agit plus
particulièrement des pseudo philosophes de la « French theory »
et de son prurit sociétal, le wokisme contemporain. Ne faut-il pas le
combattre, ne serait-ce qu’au vu d’une certaine filiation nazie ? Et n’y a-t-il pas actuellement comme un
embryon de code de droits et de lois par lequel des animaux peuvent convoler en
justes noces dans l’apparat ?
Et
enfin, que dire des promesses du transhumanisme en marche ? Les Gates,
Zuckerberg, Musk et autres à venir n’envisagent-ils pas de technologiquement
transformer l’espèce ? De quitter l’espèce humaine en la scindant, à
l’instar de l’idée première de scission du corps et de l’esprit prônée dès
Socrate et Platon. Dans cette veine, Emil Georg publiait en 1998 « Le
Marché de la détresse et le Paradigme du Crime Originel Nouveau ». Il
se fondait sur des données notoirement « tendancieuses » des
Institutions financières internationales de Bretton Woods, conçues et dirigées
par l’actuel empire mondial. C.q.f.d. ? Ou, plutôt, non.
Ne doit-on pas
s’appliquer à prouver le contraire de ces démarches de philosophies idéalistes
en démontrant d’emblée l’inanité de leurs fondements ?
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