dimanche 2 avril 2023

Sujet du Merc. 05 Avril 2023 : "SEULES LES PIERRES SONT INNOCENTES" Hegel

 "SEULES LES PIERRES SONT INNOCENTES"  Hegel

Il y a deux siècles, Hegel a proposé, dans la Phénoménologie de l’esprit, une reconquête philosophique de la sagesse, c’est-à-dire de l’identification avec soi apaisante de la vie la plus engagée dans un temps dont le bouleversement accéléré semblait l’exclure.

Il y est parvenu par une remémoration pensante ordonnant et justifiant, dans la rigueur du concept (phénoméno-logie), l’assomption vraie de tous les moments et aspects essentiels du lien concret, théorique et pratique, naturel et culturel, individuel et communautaire, de l’homme.

C’est ce chemin phénoménologique vers elle-même d’une humanité redressée philosophiquement selon sa propre exigence de réconciliation spirituelle, que Hegel a essayé de tracer.

Mais donnons tout d’abord la citation exacte qui se trouve dans un passage de l’ouvrage où Hegel traite de l’éthique :

"Innocente est donc seulement l’absence d’opération, l’être d’une pierre et pas même celui d’un enfant... il fait l’expérience que son droit suprême est le tort suprême, que sa victoire est plutôt sa propre défaite".

Pour Hegel,  dans nos rapports aux autres seuls les actes comptent et en « l’absence d’opération » il n’y a même pas humanité. La pierre illustre cette fixité innocente.

L’homme, pour Hegel est partagé (contradiction, contradictoire = vision dialectique).

Ainsi Jean Zin pourra-t-il déclarer avec et après Hegel : 

« La domination de la corruption et de la culpabilité ramène la substance éthique à l’individu autonome. Le droit formel imposera l’égalité de la personne envers une loi dont le contenu est d’abord purement arbitraire, constituant l’universalité à partir de l’exception (la volonté de l’Empereur). Mais l’effectivité du droit et de l’esprit devient étranger à la conscience de soi; "Son être-là est l’œuvre de la conscience de soi, mais est aussi bien une effectivité immédiatement présente et étrangère à elle, qui a un être spécial, et dans laquelle elle ne se reconnaît pas". Cette effectivité étrangère se sépare               

dans l’en-deçà du monde de la Culture et l’au-delà du monde de la Foi (qui est fuite du monde) dont les lumières dénonceront la séparation et le sacrifice,
ramenant l’au-delà de la foi à l’en-deçà du monde et réduisant le monde à l’utile d’un côté et l’absolu inconnaissable de l’autre. "Alors le royaume de la foi aussi bien que le monde réel s’écroulent et cette révolution produit la Liberté absolue ; avec elle l’esprit auparavant étranger à soi-même est complètement revenu en soi-même, il quitte cette terre de la culture et passe dans une autre terre, dans la terre de la conscience morale".

 

Conséquence : cette lutte des consciences contraires (Etat / Foi pouvoir / argent etc ….) doit se résoudre par une révolution des référentiels éthiques :

"Souveraineté et richesse sont donc présentes pour l’individu comme objets, c’est-à-dire comme choses telles qu’il s’en sait libre et croit pouvoir choisir entre elles, ou même pouvoir ne choisir aucune des deux... Ainsi la conscience étant-en-soi et pour-soi trouve bien dans le pouvoir de l’État son essence simple et sa subsistance en général mais non son individualité comme telle... dans ce pouvoir, elle trouve plutôt l’opération reniée comme opération singulière et assujettie à l’obéissance... Par contre la richesse est le bien ; elle conduit à la jouissance universelle, elle se distribue et procure à tous la conscience de leur Soi... Par contre, dans la jouissance de la richesse, l’individu ne fait pas l’expérience de son essence universelle, il n’y obtient que la conscience éphémère et la jouissance de soi-même... La conscience effective possède les deux principes en elle".

 

D’où la proposition hégélienne qui depuis n’a cessée de marquer la philosophie de l’acte :

"La conscience noble est l’héroïsme du service, - la vertu qui sacrifie l’être singulier à l’universel, et ainsi faisant porte l’universel à l’être-là... Cette conscience gagne donc par cette culture l’estime de soi-même et le respect des autres... les autres trouvent en elle leur essence en activité, mais non leur être-pour-soi. - Ils y trouvent accomplies leur pensée ou leur pure conscience, mais non leur individualité. Cette conscience de soi vaut donc dans leur pensée et jouit de l’honneur".

 

Redécouverte de la sagesse non par la contemplation solipsiste du « moi », mais reconquête de l’autre comme singulier ET universel, comme sujet et non comme individu insulaire. C’est un des apports fameux de la dialectique hégélienne.


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