Il y a deux siècles, Hegel a
proposé, dans la Phénoménologie de l’esprit, une reconquête philosophique de la
sagesse, c’est-à-dire de l’identification avec soi apaisante de la vie la plus
engagée dans un temps dont le bouleversement accéléré semblait l’exclure.
Il y est parvenu par une
remémoration pensante ordonnant et justifiant, dans la rigueur du concept (phénoméno-logie), l’assomption vraie de
tous les moments et aspects essentiels du lien concret, théorique et pratique,
naturel et culturel, individuel et communautaire, de l’homme.
C’est ce chemin phénoménologique
vers elle-même d’une humanité redressée philosophiquement selon sa propre
exigence de réconciliation spirituelle, que Hegel a essayé de tracer.
Mais donnons tout d’abord la
citation exacte qui se trouve dans un passage de l’ouvrage où Hegel traite de
l’éthique :
"Innocente est donc seulement l’absence d’opération, l’être d’une pierre et pas même celui d’un enfant... il fait l’expérience que
son droit suprême est le tort suprême, que sa victoire est plutôt sa propre
défaite".
Pour Hegel, dans nos rapports aux autres seuls les actes
comptent et en « l’absence d’opération » il n’y
a même pas humanité. La pierre illustre cette fixité innocente.
L’homme, pour Hegel est partagé (contradiction,
contradictoire = vision dialectique).
Ainsi Jean Zin pourra-t-il
déclarer avec et après Hegel :
« La domination de la corruption
et de la culpabilité ramène la substance éthique à l’individu autonome. Le
droit formel imposera l’égalité de la personne envers une loi dont le contenu
est d’abord purement arbitraire, constituant l’universalité à partir de
l’exception (la volonté de l’Empereur). Mais l’effectivité du droit et de
l’esprit devient étranger à la conscience de soi; "Son être-là est l’œuvre de la conscience de soi, mais est aussi
bien une effectivité immédiatement présente et étrangère à elle, qui a un être
spécial, et dans laquelle elle ne se reconnaît pas". Cette effectivité
étrangère se sépare
dans l’en-deçà du monde de la
Culture et l’au-delà du monde de la Foi (qui est fuite du monde) dont les
lumières dénonceront la séparation et le sacrifice,
ramenant l’au-delà de la foi à l’en-deçà du monde et réduisant le monde à
l’utile d’un côté et l’absolu inconnaissable de l’autre. "Alors le royaume de la foi aussi bien que le monde réel
s’écroulent et cette révolution produit la Liberté absolue ; avec elle l’esprit
auparavant étranger à soi-même est complètement revenu en soi-même, il quitte
cette terre de la culture et passe dans une autre terre, dans la terre de la
conscience morale".
Conséquence : cette lutte
des consciences contraires (Etat / Foi pouvoir / argent etc ….) doit se
résoudre par une révolution des référentiels éthiques :
"Souveraineté et richesse
sont donc présentes pour l’individu comme objets, c’est-à-dire comme choses
telles qu’il s’en sait libre et croit pouvoir choisir entre elles, ou même
pouvoir ne choisir aucune des deux... Ainsi la conscience étant-en-soi et
pour-soi trouve bien dans le pouvoir de l’État son essence simple et sa
subsistance en général mais non son individualité comme telle... dans ce
pouvoir, elle trouve plutôt l’opération reniée comme opération singulière et
assujettie à l’obéissance... Par contre la richesse est le bien ; elle conduit
à la jouissance universelle, elle se distribue et procure à tous la conscience
de leur Soi... Par contre, dans la jouissance de la richesse, l’individu ne
fait pas l’expérience de son essence universelle, il n’y obtient que la
conscience éphémère et la jouissance de soi-même... La conscience effective
possède les deux principes en elle".
D’où la proposition hégélienne qui depuis n’a cessée de marquer la
philosophie de l’acte :
"La conscience noble est
l’héroïsme du service, - la vertu qui sacrifie l’être singulier à l’universel,
et ainsi faisant porte l’universel à l’être-là... Cette conscience gagne donc
par cette culture l’estime de soi-même et le respect des autres... les autres
trouvent en elle leur essence en activité, mais non leur être-pour-soi. - Ils y
trouvent accomplies leur pensée ou leur pure conscience, mais non leur
individualité. Cette conscience de soi vaut donc dans leur pensée et jouit de
l’honneur".
Redécouverte de la sagesse non
par la contemplation solipsiste du « moi », mais reconquête de
l’autre comme singulier ET universel, comme sujet et non comme individu
insulaire. C’est un des apports fameux de la dialectique hégélienne.
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