Le langage n’est pas inné car la nature
n’a rien à dire.
Parler
est un apprentissage. Cela se fait dans un contexte donné qui fait que les
humains vont avoir une « langue maternelle ».
Nous
pouvons parler de la nature, et l’homme ne fait primitivement que cela, mais la
nature nous parle-t-elle ? Si nous sommes nous-même des êtres de nature,
pouvons-nous imaginer que le langage nous vient d’elle ? C’est ce que
pense Chomsky pour lequel il y aurait – un « module du langage » - une sort d'un programme informatique
implanté dans notre cerveau dès notre naissance ; par qui ?
Cela
rejoint les courants très à la mode au U$A qui tentent de relier tout l’être
humain à des codages préexistants (génétique ou pas) en passant par l’intelligent design (le « dessein
intelligent ») qui englobe le tout de l’humain.
Les
neurosciences semblent apporter de l’eau au moulin de ces tentatives
d’explications. En effet avec l’apport de l’imagerie médical certains
scientifiques pensent pouvoir visualiser des zones identiques du cerveau
actives dans des langues pourtant différentes (11 – Paulesu E, Démonet JF, Fazio F, et al. Dyslexia : cultural diversity and biological unity. Science 2001 ; 291 : 2165-7).
Toutefois
les chercheurs restent prudents, en conclusion d’une étude de synthèse, ils
indiquent : « Puissent ces
raffinements technologiques, qui nous font approcher un peu mieux la nature
biologique du langage, nous aider à révéler aussi la profonde influence des
cultures humaines, trésors à partager via l’activité sans cesse remodelée du cerveau humain, non
simplement « machine à symboles » mais surtout « organe
social » » (Knops A, Thirion B, Hubbard EM, et al. Recruitment of an
area involved in eye movements during mental arithmetic. Science 2009 ;
324 : 1583-5). Ajoutant même : « L’apprentissage implicite joue un rôle prépondérant dans l’acquisition
du « langage oral » qui, précisément, se développe progressivement,
mais sans effort et même avec un plaisir renforcé par les encouragements de
l’entourage, durant les trois premières années ». ( J-F Démonet,
Inserm, Toulouse 2009).
Mais
si l’on imagine le cerveau comme « organe social » ne commet-on pas
là, encore une erreur de ……
langage ? Le cerveau est un organe, soit, mais comment devient-il
social ? Pourquoi le cerveau d’autres espèces ne serait-il pas
« social » ?
Ce
qui caractérise l’homme c’est que c’est un être de langage (le langage
producteur de concepts, d’abstractions, concepteur et de distributeur de
connaissances ….). La cause de l’incapacité à parler des singes se situe
aussi ailleurs : du côté des capacités cognitives nécessaires à la maîtrise du
langage.
Même
si les chimpanzés, en captivité, parviennent à mémoriser 250 signes et
symboles, et à s'en servir pour "discuter" avec leur maître, ces
conversations restent limitées. On n'a jamais vu de singe raconter des
histoires...
La
nature n’existe pas comme un « en soi » pour l’homme. L’homme est à
la fois partie de la nature mais extérieur à celle-ci dans le sens ou lui seul
lui donne un sens qu’il peut, de plus, transmettre à ses congénères
(techniques, connaissances, émotions…).
C’est
en éprouvant la nature, en apportant la preuve CONCRETE qu’il était capable de
la modifier car il la COMPRENAIT que l’homme a développé sa capacité à parler,
c’est-à-dire à transmettre. On part du concret, du réel, pour aller à
l’abstrait d’une connaissance pratique commune.
Mais
dernière approche d’une discussion sur le langage : « une chimère, n’étant ni dans l’entendement
ni dans l’imagination, peut être appelée proprement par nous un être
verbal ; car on ne peut l’exprimer autrement que par des mots. Par exemple
nous exprimons par le langage un cercle carré, mais nous ne pouvons l’imaginer
en aucune façon et encore bien moins le connaître. C’est pourquoi une chimère
n’est rien qu’un mot. » Spinoza.
Ce que l’on doit retenir ici c’est que, ce que l’on ne peut que dire n’existe
pas, ce qui n’existe que dans les mots n’existe pas. Et les mots sont alors
le moyen de déraisonner, de quitter le domaine des choses réelles.
Le mot n’est pas la traduction dans l’élément verbal de l’idée, mais ce qui correspond dans le langage à une image
mentale, abstraction fictive d’une pluralité d’éléments singuliers. Chez Spinoza, dans le Court Traité,
l’Éthique, et dans le Traité de la réforme de l’entendement,
la connaissance du premier genre, par ouï-dire, est clairement définie comme
verbale et ne fait reposer la certitude que sur les mots d’autrui, qui ne
peuvent suppléer son manque de fondement rationnel. Citons simplement le Traité
de la réforme de l’entendement, § 19 : « Il y a la perception que nous avons à partir
du ouï-dire ou de quelque signe, qu’on appelle arbitraire ». Si les
mots ne se réfèrent à la réalité que de manière imparfaite voire trompeuse,
c’est donc à cause de leur lien originaire avec l’imagination. À ce titre,
le Traité de la réforme de l’entendement nous fournit le texte
le plus explicite : « les mots
ont été constitués au gré et à la portée des gens ordinaires, en sorte qu’ils
ne sont que des signes des choses, conformes à ce qu’elles sont dans
l’imagination et non à ce qu’elles sont dans l’intellect : ce qui ressort
clairement de ceci, qu’à toutes celles qui sont seulement dans l’intellect et
non dans l’imagination, ils ont souvent donné des noms négatifs, comme
sont : “incorporel”, “infini”, etc. ». Un nom doit renvoyer
aisément à sa propre trace dans l’imagination, si bien que son aspect matériel
dépend du fonctionnement de l’imagination plutôt que de l’intellect. On
comprend déjà à travers cette solidarité ce lien étroit entre le langage et
l’imagination, ce qui peut inquiéter un pouvoir souverain qui tenterait
d’imposer à la multitude son propre discours sous prétexte qu’il serait celui
de la raison, en interdisant l’expression de paroles et d’opinions
concurrentes, qui n’obéiraient pas aux mêmes règles.
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