dimanche 12 février 2017

Sujet du Merc. 15/02/2017 : Le langage n’est pas inné car la nature n’a rien à dire.

Le langage n’est pas inné
car la nature n’a rien à dire.

Parler est un apprentissage. Cela se fait dans un contexte donné qui fait que les humains vont avoir une « langue maternelle ».
Nous pouvons parler de la nature, et l’homme ne fait primitivement que cela, mais la nature nous parle-t-elle ? Si nous sommes nous-même des êtres de nature, pouvons-nous imaginer que le langage nous vient d’elle ? C’est ce que pense Chomsky pour lequel il y aurait – un « module du langage »  - une sort d'un programme informatique implanté dans notre cerveau dès notre naissance ; par qui ?


Cela rejoint les courants très à la mode au U$A qui tentent de relier tout l’être humain à des codages préexistants (génétique ou pas) en passant par l’intelligent design (le « dessein intelligent ») qui englobe le tout de l’humain.
Les neurosciences semblent apporter de l’eau au moulin de ces tentatives d’explications. En effet avec l’apport de l’imagerie médical certains scientifiques pensent pouvoir visualiser des zones identiques du cerveau actives dans des langues pourtant différentes (11 –  Paulesu E, Démonet JF, Fazio F, et al. Dyslexia : cultural diversity and biological unity. Science 2001 ; 291 : 2165-7).


Toutefois les chercheurs restent prudents, en conclusion d’une étude de synthèse, ils indiquent : « Puissent ces raffinements technologiques, qui nous font approcher un peu mieux la nature biologique du langage, nous aider à révéler aussi la profonde influence des cultures humaines, trésors à partager via l’activité sans cesse remodelée du cerveau humain, non simplement « machine à symboles » mais surtout « organe social » » (Knops A, Thirion B, Hubbard EM, et al. Recruitment of an area involved in eye movements during mental arithmetic. Science 2009 ; 324 : 1583-5). Ajoutant même : « L’apprentissage implicite joue un rôle prépondérant dans l’acquisition du « langage oral » qui, précisément, se développe progressivement, mais sans effort et même avec un plaisir renforcé par les encouragements de l’entourage, durant les trois premières années ». ( J-F Démonet, Inserm, Toulouse 2009).


Mais si l’on imagine le cerveau comme « organe social » ne commet-on pas là, encore une erreur de  …… langage ? Le cerveau est un organe, soit, mais comment devient il social ? Pourquoi le cerveau d’autres espèces ne serait-il pas « social » ?


Ce qui caractérise l’homme c’est que c’est un être de langage (le langage producteur de concepts, d’abstractions, concepteur et de distributeur de connaissances ….).  La cause de l’incapacité à parler des singes se situe aussi ailleurs : du côté des capacités cognitives nécessaires à la maîtrise du langage.
Même si les chimpanzés, en captivité, parviennent à mémoriser 250 signes et symboles, et à s'en servir pour "discuter" avec leur maître, ces conversations restent limitées. On n'a jamais vu de singe raconter des histoires...


La nature n’existe pas comme un « en soi » pour l’homme. L’homme est à la fois partie de la nature mais extérieur à celle-ci dans le sens ou lui seul lui donne un sens qu’il peut, de plus, transmettre à ses congénères (techniques, connaissances, émotions….).
C’est en éprouvant la nature, en apportant la preuve CONCRÈTE qu’il était capable de la modifier car il la COMPRENAIT que l’homme a développé sa capacité à parler, c’est-à-dire à transmettre. On part du concret, du réel, pour aller à l’abstrait d’une connaissance pratique commune.


Mais dernière approche d’une discussion sur le langage : « une chimère, n’étant ni dans l’entendement ni dans l’imagination, peut être appelée proprement par nous un être verbal ; car on ne peut l’exprimer autrement que par des mots. Par exemple nous exprimons par le langage un cercle carré, mais nous ne pouvons l’imaginer en aucune façon et encore bien moins le connaître. C’est pourquoi une chimère n’est rien qu’un mot. » Spinoza. Ce que l’on doit retenir ici c’est que, ce que l’on ne peut que dire n’existe pas, ce qui n’existe que dans les mots n’existe pas. Et les mots sont alors le moyen de déraisonner, de quitter le domaine des choses réelles.
Le mot n’est pas la traduction dans l’élément verbal de l’idée, mais ce qui correspond dans le langage à une image mentale, abstraction fictive d’une pluralité d’éléments singuliers. Chez Spinoza, dans le Court Traité, l’Éthique, et dans le Traité de la réforme de l’entendement, la connaissance du premier genre, par ouï-dire, est clairement définie comme verbale et ne fait reposer la certitude que sur les mots d’autrui, qui ne peuvent suppléer son manque de fondement rationnel.
Citons simplement le Traité de la réforme de l’entendement, § 19 : « Il y a la perception que nous avons à partir du ouï-dire ou de quelque signe, qu’on appelle arbitraire ». Si les mots ne se réfèrent à la réalité que de manière imparfaite voire trompeuse, c’est donc à cause de leur lien originaire avec l’imagination.
À ce titre, le Traité de la réforme de l’entendement nous fournit le texte le plus explicite : « les mots ont été constitués au gré et à la portée des gens ordinaires, en sorte qu’ils ne sont que des signes des choses, conformes à ce qu’elles sont dans l’imagination et non à ce qu’elles sont dans l’intellect : ce qui ressort clairement de ceci, qu’à toutes celles qui sont seulement dans l’intellect et non dans l’imagination, ils ont souvent donné des noms négatifs, comme sont : “incorporel”, “infini”, etc. ».

Un nom doit renvoyer aisément à sa propre trace dans l’imagination, si bien que son aspect matériel dépend du fonctionnement de l’imagination plutôt que de l’intellect. On comprend déjà à travers cette solidarité ce lien étroit entre le langage et l’imagination, ce qui peut inquiéter un pouvoir souverain qui tenterait d’imposer à la multitude son propre discours sous prétexte qu’il serait celui de la raison, en interdisant l’expression de paroles et d’opinions concurrentes, qui n’obéiraient pas aux mêmes règles.

Derrière les mots, les faits sont têtus et eux seuls sont le critère de l’efficience du langage.



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