lundi 27 octobre 2014

Sujet du Merc. 19/10 : Les café philo : à quoi bon ?



″LES CAFÉS PHILO : À QUOI BON ?″
> Mercredi 29 octobre 2014


Chaque mercredi, nous sommes 10, 20, 30 - peut-être 50, parfois - à nous rassembler au « Dôme », autour d’un thème. Autour d’un verre, aussi.
Montpellier, longtemps affublée du sobriquet de « surdouée », Montpellier, huitième ville de France par sa population, compte 265 000 habitants.
La communauté d’agglomération 430 000 et l’aire urbaine a dépassé les 560 000.
Le ratio, entre les données démographiques et la fréquentation du Café Philo est édifiant.
J’imagine que ces chiffres valent pour l’ensemble du territoire.


d’Alcoolique à Zététique
Si le nombre n’y est pas, quid du public présent ?
Alcoolique, dépressif, paumé, étudiant, érudit, professeur, chercheur, autodidacte, mégalo, militant ou frustré : les individualités sont multiples… et tout le monde a le droit de prendre la parole, puisque tout le monde a le droit de « philosopher ».
J’en entends déjà certains s’égosiller et le proclamer haut et fort : « génial, c’est véritablement cela, la démocratie ! ».
Ce qui n’est pas - totalement - faux.


Un principe généreux
Pour autant, confronté à ce satané véhicule qui refuse obstinément de démarrer, comment procédez-vous ? Un appel au garagiste… ou le premier quidam rencontré dans la rue fera l’affaire pour effectuer la réparation miraculeuse ?
Et pour se procurer baguette de pain et croissants chauds, sacrés le dimanche matin, c’est direction le boulanger… ou vous tentez votre chance chez le cordonnier ?
Pas sûr que ce dernier soit également le plus à même de résoudre vos problèmes informatiques…
Et pourtant, tout le monde serait en mesure de philosopher… alors qu’une minorité seulement a eu accès à une misérable année d’initiation. Souvenez-vous : c’était en terminale !
Alors, fatalement, on se pose des questions sur la pertinence des uns et sur les mobiles des autres.


Une réalité multiple
Pourquoi sommes-nous réunis ici, ce soir ?

- Pour satisfaire notre curiosité et notre insatiable envie d’apprendre ?
- Pour proposer des solutions ou, tout du moins, des hypothèses de travail, à des difficultés personnelles ou sociétales et confronter leur bien-fondé à des contradicteurs ?
- Pour contester des faits sociaux et politiques… mais uniquement entre « les quatre murs du Dôme » ?
- Pour contempler le réel qui nous entoure et dont nous faisons partie ; un réel dans lequel on accepte de n’être qu’un élément, sans pouvoir décisionnaire ?
- Pour nous affirmer et prendre confiance en affichant nos connaissances, nos auteurs fétiches, nos points de vue, nos revendications sociales et politiques ?
- Pour flatter notre égo en prenant la parole et en détaillant nos brillantes théories à un public que l’on croit en émoi… et momentanément mettre sous le tapis toute notre frustration?
- Pour trouver un éclairage, une perspective, un angle qui pourrait nous aider dans un quotidien devenu encombrant ?
- Pour passer un bon moment… et le partager avec autrui, ces semblables qui, deux heures par semaine, font l’effort de lâcher leur télécommande afin de se sentir vivants ?

Est-ce que « cela » suffit ?


L’effet « Bison Futé »
Oui, nous passons un « bon moment » dans ce Café Philo. C’est vrai.
La belle affaire !
Il en va de même lorsque je mange des mets savoureux, que je visionne ce film plein d’intelligence, que j’assiste à un concert mené tambour battant ou que je fais l’amour avec la créature de mes rêves (elle existe : je l’ai trouvée !).
N’y a-t-il donc pas « autre chose » ?

Le temps où Socrate « accouchait les âmes » en place publique est bien lointain et pour nous, la Philosophie se trouve désormais confinée au sein d’un « Dôme », sous un toit et entre quatre murs. Bien hermétiques, puisque la porte est consciencieusement fermée par nos hôtes avant le début de chaque « séance ». Comme pour bien nous isoler du reste de la population. Comme si nous étions des survivants. Comme s’il ne nous restait que « cela ».
D’ailleurs, qui nous écoute, hormis les 10, 20, 30 ou 50 personnes présentes ? Avons-nous un quelconque impact vis-à-vis de nos représentants politiques ? L’intelligentsia locale se soucie-t-elle de nos réflexions ? Quelqu’un se fait-il l’écho de notre existence ?

Si l’audience du Café Philo est modeste, elle n’est pas pour autant versatile. 18 ans d’âge, bientôt 1000 sujets abordés et, forcément, des milliers de gens affectés.
Les phénomènes de mode génèrent bien souvent des retombées économiques colossales, « rassemblent » nombre de nos congénères, mais ils ne durent généralement que quelques mois. Parfois quelques années, lorsque la communication est bien orchestrée.
Alors, où placer le curseur ?

Si le Café Philo donnera bientôt le jour à son 1000ème exposé, pourrait-il continuer à exister si un millier de personnes s’y réunissait chaque mercredi ?
À la manière de « Bison Futé », centre national d’information routière dont les conseils en termes de flux de circulation continuent d’inonder les médias (alors qu’ils ne fonctionnent évidemment pas, sans quoi le public, subjugué et conquis, décalerait infailliblement son heure de départ en fonction des dites prévisions… ce qui provoquerait d’inévitables embouteillages au moment où le trafic serait censé être fluide), la faible audience du Café Philo serait-elle la condition sine qua non de son existence ?
Bref : le Café Philo, est-ce que ça marche… parce que ça ne marche pas ?


Une inutilité indispensable
Le fait de ne « rien » produire est finalement ce qui fait toute la force du Café Philo. Rien n’est monnayable, négociable ou même vendable. Les « maîtres de cérémonie du mercredi » ne sont-ils pas, eux-mêmes, bénévoles ? Tout le monde peut donc parler de ce qu’il souhaite, comme il le souhaite. Le tout sans être interrompu. Un espace rare, un moment précieux.
Cette « liberté », c’est aussi ce qui délimite le Café Philo et marque ses frontières : la sphère au-delà de laquelle il n’existe plus et ne sert à rien. Le plafond qui le rend totalement invisible aux yeux de certains.
Cette « nature » est constitutive de son être et « l’inutilité » en est l’une des caractéristiques essentielles. Comme pour l’art.
Le Café Philo, c’est le lieu de tous les possibles. Génial ou médiocre, c’est selon. Les thèmes, les intervenants ou bien l’humeur du jour : il faut être là au bon moment. Il est imparfait… mais tellement humain ! Il se suffit à lui-même, mais libre ensuite aux auditeurs et participants du Café Philo d’étudier, de faire de la recherche, d’écrire, de créer, de s’investir, de s’engager ou de militer dans le domaine de leur choix. Mais cela n’aura plus rien à voir avec le Café Philo, qui n’aura été - en tel cas - qu’un préalable. Une sorte de préliminaire à « autre chose ».
Ce qui n’est déjà pas si mal.

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Contact : cafe-philo >@< cafes-philo.com   (sans le <<, bien entendu !!

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