dimanche 23 juin 2019

Sujet du Merc. 26 juin 2019 : Justice et vérité selon Hegel (texte Bac 2019)


          Justice et vérité selon Hegel  (texte Bac 2019)    

« Pour savoir ce qu’est une loi de la nature, il faut que nous ayons une connaissance de la nature, car ces lois sont exemptes d’erreur et ce sont seulement les représentations que nous en avons qui peuvent être fausses.
La mesure de ces lois est en dehors de nous : notre connaissance n’y ajoute rien et ne les améliore pas. Il n’y a que la connaissance que nous en avons qui puisse s’accroître.
La connaissance du droit est, par certains côtés, semblable à celle de la nature, mais, par d’autres côtés, elle ne l’est pas.
Nous apprenons, en effet, à connaître les lois du droit telles qu’elles sont données.
C’est plus ou moins de cette façon que le citoyen les connaît et le juriste qui étudie le droit positif s’en tient, lui aussi, à ce qui est donné.
Toutefois la différence consiste en ceci que, dans le cas des lois du droit, intervient l’esprit de réflexion et la diversité de ces lois suffit à nous rendre attentifs à ce fait que ces lois ne sont pas absolues. Les lois du droit sont quelque chose de posé, quelque chose qui provient de l’homme.
 
La conviction intérieure peut entrer en conflit avec ces lois ou leur donner son adhésion. L’homme ne s’en tient pas à ce qui est donné dans l’existence, mais il affirme, au contraire, avoir en lui la mesure de ce qui est juste. Il peut sans doute être soumis à la nécessité et à la domination d’une autorité extérieure, mais il ne l’est pas comme dans le cas de la nécessité naturelle, car son intériorité lui dit toujours comment les choses doivent être, et c’est en lui-même qu’il trouve la confirmation ou la désapprobation de ce qui est en vigueur.
 
Dans la nature, la vérité la plus haute est qu’il y a une loi ; cela ne vaut pas pour les lois du droit où il ne suffit pas qu’une loi existe pour être admise. »

Principes de la philosophie du droit (1820). – Hegel

lundi 17 juin 2019

Sujet du merc. 19/06/2019 : « L’humanité se compose de plus de morts que de vivants » A. Comte


« L’humanité se compose de plus de morts que de vivants » A. Comte

"Il y a plus de morts que de vivants et ce sont les morts qui dirigent les vivants."  Cette citation, attribuée à Auguste Comte, n'existe pas en tant que telle. Il s'agit en réalité d'une sorte de synthèse de plusieurs phrases de celui-ci (l'origine de cette synthèse demeurant un mystère).

 « Le culte des morts, version laïque et républicaine, doit beaucoup à Auguste Comte (1798-1857). Le père du positivisme avait inventé en effet la « religion de l'humanité ». Professant que « l'humanité se compose de plus de morts que de vivants », il avait peaufiné un calendrier commémorant tous les génies du genre humain, les héros disparus du progrès universel. 

Leur exemple nous éduque et, par le souvenir que nous en gardons, ils demeurent immortels. « Les vivants sont toujours, et de plus en plus, dominés par les morts », écrit Auguste Comte. Cette doctrine a modelé une partie de la culture commémorative de la IIIe République, au point qu'on oublie ses liens directs à la biographie de ce philosophe. Amoureux de Clotilde de Vaux, Auguste Comte la voit trépasser dans ses bras un an seulement après leur chaste rencontre. Il ira désormais chaque semaine sur sa tombe, au lieu d'aller à l'Opéra. Il lui écrit presque quotidiennement, et finit par décider qu'elle est plus vivante ainsi ». (R P Droit).

« Si les reproches que Comte adresse à l’individualisme sont parfaitement audibles aujourd’hui, en revanche sa façon de considérer la religion comme étant le meilleur antidote à l’égoïsme a quasiment ruiné sa réputation. Il la décrit comme "un état de pleine harmonie propre à l’existence humaine" et il lui reconnaît une vertu qu’il dénie aux philosophies critiques du XVIIIe siècle : celle de soumettre les existences individuelles à une règle commune, celle d’unifier les individualités disparates et par là même d’engendrer une harmonie sociale.  
   
Mais quand on regarde dans le détail, il ne s’agit nullement de promouvoir la croyance en Dieu. Il s’agit d’inventer un culte de l’Humanité qui viendrait se substituer avantageusement à "l’insuffisance fiction du Christ".
Pour se représenter ce que Comte appelle l’Humanité, il faut imaginer deux axes perpendiculaires comme en géométrie analytique : l’axe des abscisses (l’axe des x) et celui des ordonnées (l’axe des y). L’axe des x représenterait le lien avec les générations passées (valeurs négatives) ou avec les générations futures (valeurs positives) et l’axe des y représenterait le lien avec nos contemporains. L’axe des x serait donc celui du temps et l’axe des y celui de l’espace. En d’autres termes, l’axe des x serait celui de la transmission intergénérationnelle et l’axe des y celui de la solidarité avec nos contemporains.     
      
On peut dire aussi que l’axe des y celui du lien avec les vivants et que l’axe des x serait celui du lien avec nos ascendants et nos descendants. Comte formule cette idée ainsi :
"Les vivants sont toujours, et de plus en plus, gouvernés nécessairement par les morts : telle est la loi fondamentale de l’ordre humain."     
 
Ce commerce avec les "morts" (puisque c’est le mot assez cru qu’emploie Comte) semble assez proche du culte des ancêtres tel qu’il est pratiqué par exemple en Asie, mais Comte lui donne une motivation et une coloration particulière : il s’agit de penser notre dette vis-à-vis de ceux qui nous ont précédés et qui nous ont transmis un héritage sans lequel nous ne pourrions pas vivre aujourd’hui. Pour illustrer son propos, Comte donne l’exemple du langage : personne ne peut se targuer d’avoir inventé sa propre langue, elle nous a été intégralement transmise par les générations qui nous ont précédés.  
 
Ne perdons pas de vue toutefois que la transmission intergénérationnelle n’est que l’une des deux dimensions de l’Humanité, celle qui représentée par l’axe des abscisses sur le schéma. L’autre dimension, symbolisée par l’axe des ordonnées, est la solidarité avec les vivants. Chacun des axes est une droite (à une dimension) mais l’ensemble des deux définit une surface (à deux dimensions).   
    
C’est cette surface qui constitue l’Humanité (avec un H majuscule). Comte l’appelle également le "Grand-Être" et il dote ce Grand-Être sinon d’une nature transcendante au sens philosophique du terme, du moins d’une prééminence telle que toute activité humaine doit lui être subordonnée. 

Pour Comte, c’est l’oubli métaphysique du Grand-Être qui est à l’origine de ce qu’il appelle la "crise occidentale". (JP Gaborieau)


lundi 10 juin 2019

Sujet du mercredi 12 juin 2019 : LE FEU PEUT-IL PURIFIER LES ÂMES ?


                 LE FEU PEUT-IL PURIFIER LES ÂMES ?

Si la philosophie ne peut trouver son premier fondement que dans la réalité des faits, il faut rappeler la persistance historique des purifications par le feu : razzias, politique de la terre brûlée, autodafés (supplice par le feu de l'Inquisition), bûchers de condamnés et de sorcières, fours crématoires, embrasements de livres, d'œuvres d'art et d'assemblées nationales, mesures prophylactiques, décontaminations diverses...    

A l'occasion de l'incendie de Notre Dame de Paris, la réponse à l'intitulé a paru immédiatement évidente à beaucoup. Cet incendie était l'expression de la purification des âmes corrompues et dévoyées des hommes et des sociétés actuels. L'incendie serait donc, presque inconsciemment pour nous, le signe avant-coureur des multiples apocalypses en cours dont nous serions personnellement et collectivement tous coupables. Et qui nécessitent croyance, obéissance et purgation de nos errements climatiques, biologiques (la vie elle-même, rien que ça!), financiers et spirituels. « La terre est en chute libre ! On n'est plus dans l'urgence, c'est la catastrophe généralisée ! ». Savonarole, tu es enfin de retour afin de purger l'humanité pervertie.

Ce serait le brusque sursaut d'un tardif réveil. L'incendie, le feu serait l'agent destructeur du mal et la lumière éclairant le chemin purificateur de la rédemption.

Beaucoup ne s'y sont pas trompés qui ont racheté la culpabilité de leurs actes et de leurs pensées perverties dans un monde déchu. Rachat par les « Indulgences » de leurs extravagantes oboles. Tandis que l'Eglise et la papauté, représentant le divin ici-bas, ne pouvaient par définition y contribuer… qu'en les recevant ! L'âge médiéval ressurgit. « Le 21ième siècle sera spirituel ou ne sera pas » (André Malraux).

L'idée est lâchée. Dieu est créateur du monde. Il est l'origine et la fin. Dans son absolue pureté créatrice, il se situe nécessairement en dehors de sa création, hors de l'espace et du temps, de toute éternité. On baigne dans l'absolu de l'indémontrable humain, dans une vue de l'esprit proprement métaphysique.

Dès lors, il nous faut débusquer le sophisme de l'intitulé qui associe abusivement un phénomène matériel, le feu, à deux notions purement illusoires, la pureté et l'âme. Ici, il nous faut argumenter.

1°.   L'absolu, la pureté d'une chose renvoie à ce qu'elle est en soi, une fois dégagée de toute autre chose. C'est son essence. C'est l'être même de la chose, c'est son origine. Mais y a-t-il jamais origine et donc essence, racine ultime ? Une chose, un objet existe-t-il en soi, indépendamment de toutes autres choses, écartant de soi toute diversité ? C'est un fantasme de la pensée individualiste.

Cela s'explique. Affirmer l'existence d'un objet, c'est admettre que cet objet aurait pu ne pas être. C'est donc imaginer que cet objet n'existe qu'en raison d'un événement, son origine, qui lui a donné l'être. Cette conception des choses conduit à une impasse, une aporie philosophique. Par exemple, historiquement les hommes se sont demandé sur quoi reposait le sol, le plancher des vaches. Les cultures ont répondu : « sur le dos d'une tortue, d'un éléphant, ... ». Qui eux-mêmes devaient alors reposer (eh oui, tout tombe !) sur une série sans fin vers le bas de semblables à eux. Et, finalement, la terre reposerait sur les épaules d'Atlas, un costaud dieu anthropomorphe. Ou tout autre dieu : Yahwé, Dieu le Père ou Allah. Ou … le Big Bang (en étasunien, s'il vous plaît, l'époque oblige). Voilà l'inanité métaphysique de la pureté. Celle de tout objet matériel ou conceptuel qu'importe, tel celui de race par exemple.

Non l'origine, la pureté inatteignable est une pure vue de l'esprit car les parties (les choses) ne peuvent exister sans le tout, et réciproquement. La notion de pureté est le fruit d'une démarche métaphysique au-delà du réel.

Que le sol ne repose sur rien, sur aucune origine ou perfection, est le fruit d'une autre conception qui est l'opposé de la première. C'est l'« indéterminé », conçu par Anaximandre il y a plus de 2600 ans. Le premier, il conçoit que la terre flotte dans l'espace en équilibre avec les autres astres. Si bien qu'ils n'ont aucune raison de se déplacer les uns vers les autres dans quelque direction privilégiée que ce soit. Et donc dans toute direction qui serait déterminée. C'est cela l'indéterminé. Par ailleurs, si beaucoup plus tard Newton a traduit en mouvement cette conception statique, il restait néanmoins prisonnier d'un espace infini et homogène et donc statique en grand. « Pur » en quelque sorte. Encore et toujours pur ..! Einstein introduisit la relativité par un « impur » changement perpétuel (peu apprécié des Nazis).  Les astres sont nécessairement animés de mouvements changeants dans un espace en expansion bien que « replié » sur lui-même par un champ gravitationnel, qui n'est rien d'autre que sa propre expression. Rien d'absolu ou de « pur » là-dedans. Tout y est rapports de relativité.

2°.  En outre, l'intitulé associe pureté et âme. Il procède ainsi de la même démarche qu'au point 1°. En associant ces deux notions, il surmultiplie leur caractère irréel. L'existence concrète d'un objet appelé « âme » est en effet indémontrable et non identifiable, au même titre que la pureté.

3°.  Par contre et contrairement à la pureté et aux âmes, le feu est un phénomène physique. Il n'est que la dispersion et la recombinaison sous d'autres formes des parties d'un objet, lui aussi matériel. User et abuser de la métaphore d'un feu purificateur des âmes et lumière morale du monde, c'est erronément associer un objet concret à deux entités illusoires comme vues fantasques de l'esprit. La vulgate qui court à propos de Notre Dame prétend en outre conjuguer entre elles ces deux notions pour surmultiplier leur nature irréelle.

De là que le feu puisse purifier les âmes, il y a l'impossibilité de l'absurde. Ce qui n'empêche néanmoins pas que l'imposture métaphysique, transformée par les « Indulgences » en arnaque bien concrète et réelle, soit passée dans l'existence de bien des hommes et d'institutions de par le monde.

Ce constat permet de comprendre comment tourne le monde des hommes. Et de débusquer les idées fausses qui nous déterminent à notre insu (Baruch Spinoza). Parmi elles aujourd'hui il y a la terreur climatique, biologique (la vie sur terre, rien de moins!), financière, spirituelle... Et les troubles profonds de l'esprit (Epicure) qui en découlent. Ils ont permis entre autres de « s'exploser » par l'hubris superficiel des « selfies » répétés devant l'icône de la cathédrale en feu.


Sujet du Merc.27/03/2024 : PEUT - ON SE PASSER DE SPINOZA ?

         PEUT - ON SE PASSER DE SPINOZA ? Ce texte est contre-intuitif et peut passer pour une vanne. Mais non, blague à part, il est une ...