dimanche 30 août 2020

Sujet du Merc. 2 Sept. 2020 : « Celui qui me tient d'un fil n'est pas fort; ce qui est fort, c'est le fil " Antonio Porchia, Voces (Voix)

 

                          « Celui qui me tient d'un fil n'est pas fort; ce qui est fort, c'est le fil »          
                                                                                                                       Antonio Porchia, Voces (Voix)

« Celui qui me tient d'un fil n'est pas fort; ce qui est fort, c'est le fil. » Certains diront, tout dépend du poids de la personne retenue. D'autres rétorqueront : « Que nenni ! Tout dépend du fil ! » Et c’est cette deuxième proposition qui doit surtout retenir notre attention ce soir, même si, au fond, les deux propositions peuvent être tout à fait complémentaires…

Tenu par signifie : retenir, empêcher de… de quoi ?? C’est la bonne question ! De toute manière, s’il y a en a un qui entrave l’autre dans son action, il le prive de sa liberté. Pour aboutir à ses fins, le censeur utilise soit la force, soit des stratagèmes plus subtils tels que la manipulation. La manipulation mentale est une technique spécifique d'échange : elle consiste pour un influenceur à profiter d'une opportunité pour détourner subrepticement vers son profit personnel et son prestige, les ressources, matérielles et morales, c'est-à-dire les biens et les services, les forces et les faiblesses, les espoirs et les peurs, d'un influencé, de préférence d'un groupe d'influencés.

La manipulation implique un rapport de pouvoir, de domination pour influencer subtilement – consciemment ou non – une personne ou un groupe de personnes et en retirer des bénéfices. 

Cet abus se fait au détriment du manipulé. Son pattern est d’autant plus aliénant qu’il est répété, sournoisement, parce qu’il prive l’être de sa liberté. Pour parvenir à ses fins, le manipulateur dispose de nombreuses stratégies dont certaines sont facilement décelables. Les identifier, c’est poser le premier pas permettant de reconquérir le respect de soi et sa liberté.

Le manipulateur ment, ne communique pas clairement ses besoins, ses sentiments en restant flou. Il remet aussi souvent les qualités et compétences de l’autre en question, parfois en critiquant de manière plus ou moins subtil, en dévalorisant ou en jugeant de sorte qu’il ouvre une faille dans l’esprit de sa proie où le doute va germer. Il lui sera alors plus facile de faire penser à l’autre ce qui va servir ses propres intérêts.


Il tente de se rendre indispensable de façon à créer une dépendance lui garantissant une fidélité, une exclusivité de ceux qu’il choisi d’aimer et faciliter ainsi la réalisation de ses désirs cachés.

Le manipulateur possède une intelligence émotionnelle très développée qui lui permet d’anticiper les besoins et désirs de l’autre. Il sait très facilement se mettre dans la peau de l’autre et n’hésite pas à le faire afin de mieux saisir sa victime dans sa toile d’araignée. Il va ainsi tirer sur toutes sortes de ficelles pour susciter des émotions tel que la culpabilité, le sentiment d’être redevable, de ne pas être correct en doutant de l’autre et le fait que lui, le manipulateur, a raison. 

Ce dernier est d’autant mieux capable de jouer avec les sentiments d’autrui qu’il peut lui même incarner un rôle et simuler des états émotionnels dans le but d’obtenir ce qu’il veut de l’autre.
Il évite de prendre ses responsabilités, va nier l’évidence et chercher à vous convaincre qu’il a raison en jouant avec le doute et les émotions de culpabilité ou autres qu’il a semé en vous.

Le manipulateur demande souvent au manipulé de faire et croire ce qu’il dit alors que lui-même fait le contraire.

N’est-ce pas au nom de la démocratie que ces mêmes techniques sont utilisées pour mieux asservir les peuples et les garder dans leur servitude volontaire ?

Nos sociétés occidentales, sont des éléphants aux pieds d’argile, telle est l’analyse de nos dirigeants politiques. Nos concitoyens sont fragiles. À la moindre contrariété sociale, la paix civile et institutionnelle peuvent être menacées.

 « Les gens savent rarement ce qu’ils veulent, même quand ils prétendent le savoir », disait au début des années 50, l’agence de sondage Advertising Age. En 1965, 1.100 directeurs d’entreprises américaines se rassemblent à New-York (organismes pour l’American Management Association) afin de tenter de résoudre un problème commercial particulièrement aigu : personne ne pouvait prédire les comportements des consommateurs. Cela se traduisait par un désastre en termes de chiffre d’affaire. Les difficultés que dénonçaient ces agences, provenaient de l’apparent esprit de contradiction des individus interrogés. Il était impossible de prévenir leurs réactions. La question étant de savoir comment agir sur le subconscient d’une population déterminée. Comment persuader les masses et influencer leur conduite par des techniques ingénieuses dans le seul but d’un quelconque conditionnement psychologique ?

Que se soit en marketing ou en politique mais aussi pour faire passer de nouvelles normes en société, on utilise la loi la plus banale de la suggestion psychologique, la loi de la répétition. La chose affirmée arrive par la répétition à s’établir dans les esprits au point d’être acceptée comme une vérité démontrée.

On accapare les pages des journaux, des magazines, de TV, on offre des programmes coûteux aux auditeurs de radio en utilisant deux autres moyens de suggestions également très efficaces : l’affirmation (de préférence dégagée de tout raisonnement et de toute preuve, est un moyen sûr de faire pénétrer une idée dans l’esprit des masses) et enfin l’intensité de cette affirmation. Ces explorations de la psychologie collective n’étaient pas anodines.

Cependant, la science politique américaine va également se pencher sur la psychologie collective des populations vivant dans nos sociétés démocratiques d’après-guerre. Une société post-industrielle, de production, de culture mais aussi de communication dite de masse… Le but ultime de ces études visait avant tout à établir des procédés et des techniques permettant aux démocraties d’avoir un contrôle social direct sur la population, via notamment les médias.   

    
Autrement dit, comment canaliser une population dans un régime démocratique sans recourir à la force ? Il fallait créer une science du maniement du cerveau des foules au service de la paix civile et sociale.

Pour qu’une véritable discipline de persuasion des masses se crée, il faudra attendre les véritables manipulateurs du symbolisme politique, apparus aux États-Unis au milieu des années 1950. Ces maîtres d’une discipline d’un nouveau genre, faisaient la synthèse des travaux de Setchenov et de Pavlov (la psychologie soviétique) et de leurs réflexes conditionnés, de Freud et de ses images du père, de Rienman et de son idée de concevoir les électeurs américains comme des spectateurs consommateurs de la politique.

Dans nos sociétés modernes, l’ensemble de la population habite un univers factice composé de « stéréotypes » L’individu moyen de ce début de siècle, vit de plus en plus par procuration (identification à telle ou telle « vedette ») et dans un « pseudo-environnement mental » que les médias institutionnels se chargent pour eux d’organiser ; déformant, simplifiant la réalité, à l’extrême.


Cela permet à l’individu de penser à moindre coût (l’Etat pense à sa place ce qui est bon ou pas afin de maintenir le consensus social) faisant ainsi l’économie d’une expérimentation de la réalité, réalité pas souvent bonne à voir et encore plus difficile à assumer par la population.

Dès lors, il est facile en agissant sur les symboles et les stéréotypes (et donc les consciences) de fabriquer totalement une opinion publique, usant des méthodes de communication de masse et de psychologie. Dans ce cadre, il est bon de s’interroger sur un autre phénomène découlant de ce processus. La chute vertigineuse du niveau culturel de nos sociétés. Autrement dit, la prolifération constante de ce que l’on pourrait appeler l’insignifiance intellectuelle.

Déjà en 1861 l’économiste Augustin Cournot prévoit pour l’avenir, un monde monotone et source d’ennui car tout sera uniformisé et aseptisé. Un univers où tout sera organisé, planifié, prévu pour les individus ayant perdu toute originalité, fondus au sein d’une masse incapable de penser. L’Histoire ne sera plus qu’une gazette officielle servant à enregistrer les règlements, les relevés statistiques, l’avènement des chefs d’Etat et la nomination des fonctionnaires, dit-il.             

 
Ce magnifique tableau d’anticipation de notre société contemporaine est à rapprocher de la vision futuriste d’Alexis de Tocqueville dans son célèbre « De la démocratie en Amérique »(1835) « « Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme - Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; Il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. »

En 1891, dans « The New Utopia », le romancier Jérôme K prévoit également une uniformisation des pensées ou les individus ne sont plus que des numéros, parfaitement identiques d’aspect (on opère ceux qui ont des différences trop marquées). Les trois auteurs ne se distinguent guère sur l’approche avant-gardiste de notre société. 

          
Néanmoins Cournot souligne un élément fondamental. Selon lui, dans ce monde futur, il subsistera malgré tout la menace du soubresaut, à cause de « toutes les sectes de millénaristes et d’utopistes » prêtes à faire renaître la lutte des classes, le plus redoutable antagonisme dans l’avenir pour le repos des sociétés ; il pourra toujours apparaître « un chef de secte, inventeur d’une nouvelle règle de couvent, capable de l’imposer au monde civilisé tout entier » Cournot a bien écrit cela en 1891.
Enfin en 1903, Daniel Halevy publie un roman de fiction politique intitulé « Histoire des quatre ans, 1997-2001 » Il imagine la société de la fin du vingtième siècle dominé par une démocratie de démagogues ayant un tissu social en pleine décomposition. « Les populations, réduites à l’oisiveté, ayant perdu tout stimulant, toute vigueur et toute notion de valeur, s’adonnent à des divertissements passifs, drogue, érotisme, homosexualité, pratiques considérées comme normales. Les organismes, corrompus et affaiblis par une vie malsaine, sont victimes d’une nouvelle épidémie, que la médecine n’arrive pas à maîtriser » rajoute-t-il.

Afin d’éviter l’implosion de la société, le pouvoir politique dévie l’attention du public de certains problèmes contemporains qui l’entourent. C’est ce que l’on appelle l’ « État illusionniste ». Le maniement habile du symbolisme politique et de l’illusionnisme politique afin d’entretenir la légitimité du pouvoir est une des caractéristiques de l’État. Le plus grand et le premier théoricien de l’illusionnisme politique fut très certainement Machiavel. L’illusion en politique est un art, disait-il, une méthodologie indispensable qui permet à l’État de « s’affairer à la chose tandis qu’il oriente son regard ailleurs » Machiavel comparait l’espace politique à l’espace théâtral, avec ses coulisses, ses ficelles, ses acteurs, mais aussi ses décors en carton-pâte et ses polichinelles ! 

L’espace politique permet, à l’instar de l’espace théâtral, de recourir à de multiples effets d’optiques. Machiavel désignant le pouvoir politique par « le prince » jouant autant de rôles devant ses « spectateurs » (les masses) qu’exigent les circonstances du moment.

Le manipulé a-t-il encore des chances devant ces grands illusionnistes politiques ? 

De quoi a-t-il réellement peur ? De couper le fil et de se casser le cou ? 

Et si ses pieds n’étaient en réalité que sur terre ? 

Ne serait-il pas alors grand temps d’avancer seul en refusant d’être le jouet en chair et en os d’habiles marionnettistes ?


lundi 24 août 2020

Sujet du Merc. 26 Août 2020 : "Nul n'est aussi intelligent qu'il veut" Alain

 

                           "Nul n'est aussi intelligent qu'il veut"  Alain.

Alain est classé comme un philosophe moraliste et c’est en partie vrai. Il faut toutefois s’attacher à voir en quoi sa vision morale de la philosophie se distingue de ses prédécesseurs. “ C’est la volonté qui juge et pense ” (Lettre à Élie Halévy, du 3 avril 1901), dans la connaissance aussi bien que dans l’action, et c’est en quoi toute vérité, comme toute vertu, est “ de volonté ” (Abrégés p. 801). Si l’esprit “ met tout en ordre ”, comme disait Anaxagore, et dans la perception elle-même, c’est pour autant seulement que l’esprit est doué de volonté ou, mieux, est la volonté jugeant.

D’où la liberté, et le doute de Descartes. Penser c’est juger, juger c’est vouloir, et “ le seul devoir est d’être libre ”.

 

 On en sait toujours assez pour agir en homme : ce n’est pas l’intelligence qui est en défaut, c’est la volonté ce n’est pas la science qui manque, c’est le courage. “ … il n’est pas difficile de céder à la peur il n’y a qu’à la laisser faire. Comme pour dormir le matin, il suffit de s’abandonner. Le paresseux ne choisit point la paresse la paresse se passe très bien d’être choisie. La gourmandise de même, et la luxure, et tous les péchés cela va tout seul ”.

 

On dépasse ici le simple rappel à la morale en effet le but c’est d’être  un homme, mais cela ne va point sans choix. En effet le tyran ou l’assassin sont humains aussi. Trop humains ? Alain, qui n’aimait guère Nietzsche, dirait plutôt qu’ils le sont trop peu, ou trop mal, n’étant soumis qu’à la partie en eux la plus animale :  Être vaincu en soi-même par soi-même animal, c’est la faute ”. Faute contre l’esprit, contre l’humanité, et contre soi. À l’inverse, “… dès qu’un homme se gouverne bien lui-même, il se trouve bon et utile aux autres sans avoir seulement à y penser. C’est l’idée de toute morale le reste n’est que police de Barbares ”.

 

Peut-être retrouve-t-on ici le « connais-toi toi-même » socratique ? Loin de l’accumulation de connaissances, des diplômes empilés, Alain nous propose-t-il une « intelligence » qui résiderait principalement et avant tout dans le critère de son efficience pratique ?

Le danger serait alors de tomber dans le rejet de la connaissance et de la (ou des) méthode(s) pour fonder des vérités.

En effet in fine l’homme prouve par ses réalisations la justesse de ses idées, conceptions etc, et celles-ci ne tombent pas du ciel.

La volonté « nul n’est aussi intelligent qu’il veut » dit Alain est-elle vraiment le seul critère de l’intelligence telle que nous en avons proposé la définition ?

Question classique de la philosophie : on peut vouloir mais que faire de cette volonté si on n’a pas le pouvoir de l’accomplir ( force physique, argent, possibilité de se déplacer, de voir, de toucher …) ?

 

Peut être touchons nous là la limite de la proposition d’Alain ?

Certes il faut du courage pour se lever le matin, ou pour se lancer dans l’apprentissage de la menuiserie ou de la physique ; mais loin de la discussion biaisée sur les capacités « naturelles » de chacun, la réflexion d’Alain soulève aussi le problème de l’aliénation.    

On peut fort ordinairement penser qu’on est nul en maths ou en philo, mais quel est le fond de cette réflexion ? On serait « intelligent » pour les maths et pas pour la philo, et pourquoi donc ? Pourquoi être persuadé de cette « déficience », d’où vient cette amputation volontaire de nos propres capacités ?

Doués, pas doués, faibles, forts d’où sortent ces catégories qui rassurent car elles figent dans l’immuabilité les rapports entre les hommes ?

 

Si volonté nous devons avoir pour être intelligents, ne réside-t-elle pas justement dans cette première intelligence qui serait celle de décoder les certitudes, de renverser les évidences. De douter ?

 

Et au fond ne serait-ce point le socle qui nous permettrait de quitter la morale, y compris celle proposée par Alain d’ailleurs ! Cette morale du « courage ». Sauf à considérer que douter est courageux.

 

Au fait pourquoi pas ?

 

mardi 18 août 2020

Sujet du Merc. 19/06/2020 : L’influence de la société sur la pensée ?



 EXCEPTIONNELLEMENT CE MERCREDI 19/08 : PAS DE PHILOPISTE.

Le Café Philosophique de Montpellier se tient

tous les MERCREDIS à 20h30
A la Brasserie «  Le Dôme »

Angle Ave Clemenceau, Cours Gambetta – Place St Denis.

 

Blog du café philo  http://philopistes.blogspot.fr/            

                                                

1272                   CeMercredi  19 Aout

                           
                          L’influence de la société sur la pensée.

 

1273                   Mercredi  26 Aout

 

                     « Nul n’est aussi intelligent qu’il veut » Alain

 

1274                   Mercredi  02 Septembre

 

        « Celui qui me tient d'un fil n'est pas fort; ce qui est fort, c'est le fil »     
                           Antonio Porchia, Voces (Voix)

1275                   Mercredi  09 Septembre

 

                        Que doit-on enseigner ?

1276                   Mercredi  16 Septembre

 

             Quelle forme de spiritualité aujourd’hui ?

1277                   Mercredi  23 Septembre

 

                           Et l’argent dans tout ça ?

1278                  Mercredi 30 Septembre

 

 

Blog du café philo     http://philopistes.blogspot.fr/

lundi 10 août 2020

Sujet du Merc. 12 Aout 2020 : Que faire à part être ?

 QUE FAIRE A PART ETRE ?

Avant tout traitement de ce sujet il faudra au préalable déblayer rapidement le terrain. Il sera en effet nécessaire de faire un sort à un pan de la philosophie idéaliste ( Idéaliste : qui donne une prééminence de l'esprit sur la matière ), dont le représentant le plus éminent est Berkeley et son fameux "raisonnement" qui aboutit au non moins fameux solipsisme ( enlevons les propriétés des choses observées - goût, couleur, forme, etc…. et nous pouvons alors en conclure qu'elles n'existent pas !  --- Mais Mr Berkeley existe-t-il ?).

Nous poserons donc que nous sommes. Que les divers objets ou être qui nous entourent, sont. De même que les productions que sont nos pensées sont. Mais qu'il est nécessaire, en préalable, d'être.     

Être, somme toute, est assez facile. Nous accédons au monde et par des processus naturels et culturels, nous parvenons à l'existence qui, pour les hommes s'adjoint un attribut : la conscience de soi. Jusque là rien de bien compliqué. Mais que faire de cette existence.
Que faire à part être ? Les animaux ou les végétaux ne se posent pas cette question. Les hommes eux se la posent. Diverses solutions ont été et nous sont proposées. Nous sommes,
 alors :

Méditons sur la mort; quel sens à la vie (a la vie) ?; occupons-nous de la cité, soyons égoïstes, aidons notre prochain …. La liste pourrait être longue d'injonctions, de conseils, de recettes …. pour "être". Mais toutes ces définitions ont en commun de considérer l'homme en tant qu'individu, en tant que monade isolée.

Il faudra attendre Hegel pour qu'avec force soit déclaré :   
" L'association en tant que telle est elle-même le vrai contenu et le vrai but et la destination des individus est de mener une vie collective ; et leurs autres satisfactions, leur activité et les modalités de leur conduite ont cet acte substantiel et universel comme point de départ et comme résultat " Hegel, Principes de la philosophie du droit.

L'essence de l'homme ne pourrait donc se réaliser pleinement que par une "vie collective" et cet "acte substantiel" serait à considérer comme un "point de départ et un résultat"

Ainsi Hegel définit un point supplémentaire, heurtant de front la philosophie classique pour laquelle la conscience de soi était le pivot de tout autre manifestation de l'être, celui de son inclusion dans une collectivité. Certes Aristote nous avait dit que l'homme était un "animal politique", mais il n'avait pas vu ce que Hegel révèle de manière pertinente, la question du "point de départ et un résultat".

Qu'apporte donc Hegel à la philosophie qui modifie de manière irréversible la conception - que nous pouvons désormais aborder sous un autre angle - de l'essence humaine ? Certainement la perception dialectique des phénomènes.

On pourrait résumer cette méthode d'analyse de la manière suivante :

-          La vie collective est le point de départ de l'essence humaine

-          Est simultanément elle en est le résultat

 Pas d'homme sans collectivité et réciproquement pas de collectivité sans homme. L'interaction est permanente c'est ce qu'on appellera un processus. Hegel rompt ici complètement avec les catégories figées et dogmatiques de la philosophie classique qui auraient séparé : l'homme - la collectivité - le point de départ - le résultat.          

Un autre philosophe, Moses Hess, reprendra cette conception en l'appliquant au domaine de la liberté.

"Si réellement l'individu correspond à son concept, en d'autres termes, si l'homme est réellement ce qu'il doit être selon son essence, alors la liberté individuelle ne se distingue pas de la liberté générale ; car l'homme véritable vit seulement la vie de l'espèce et ne sépare pas son existence individuelle, particulière, de l'existence générale" Gazette rhénane, 17 mai 1842.

 Voilà qui nous écarte radicalement des théories hédonistes ou nombrilistes, et qui remet en cause l'aspect infernal que Sartre croyait voir dans les "autres".

Mais n'est ce qu'une question de point de vue ? Sommes-nous sans les autres ? Et que pouvons nous faire (agir) à part être (faire)… avec les autres ?


samedi 1 août 2020

Sujet du Merc. 05 Aout 2020 : Que valent les hommes ?

                                   QUE VALENT LES HOMMES?

 

Poser la question de la valeur, c'est adopter un point de vue normatif et comparatif. L'objet en question est alors envisagé par rapport à un ou plusieurs autres. A cet effet, il faut se doter de critères de choix. Cela n'est pas objectif, mais toujours arbitraire. A contrario, ne peut-on aussi considérer que les hommes ne valent que ce qu'ils font dans une situation donnée?

 

Concernant les hommes, il s'agit donc de savoir si l'on considère qu'ils sont la valeur ultime ou si la valeur qu'on leur attribue est relative et fonction des circonstances du moment. En bref, va-t-on adopter des valeurs humanistes ou d'autres, au choix ? Et dans quelle mesure cela pourrait-il se justifier ? La question relève de la morale ou de l'éthique. Poser le problème revient à poser l'Homme en premier puisque c'est lui qui s'autorise le droit, implicitement absolu, de le faire. C'est considérer l'Homme comme valeur ultime au-dessus de toutes les autres. Est-ce le prendre pour Dieu, remplacer ce dernier par l'humanisme comme culte de l'Homme ?

 

Ou faut-il considérer les hommes dans et par leurs actes ? Y a-t-il autre choix qui vaille, pour les hommes ? En tout cas, ce n'est pas là la pratique devenue conception qui a prévalu depuis des millénaires, quand certains sapiens ont progressivement pu considérer que d'abord certains hommes puis la majorité d'entre eux ne leur étaient pas égaux mais inférieurs. Et qu'ils devaient en quelque sorte leur être soumis de gré ou de force. Une force qui sera douce, persuasive ou violente. Cela signifiait que la majorité des hommes devenait inférieure même à des objets dont elle n'était considérée que comme le moyen de les réaliser. Cela ne signifie-t-il pas qu'à partir d'un certain moment de l'histoire des hommes ont pu être utilisés à des fins autres que leur existence librement vécue ? Et même être sacrifiés à ces fins. Quitte à ce qu'on les tue pour la réalisation de celles-ci.

 

Dès lors, comment comprendre la situation que nous vivons aujourd'hui ?  Considérons la question à partir de quelques philosophes pour aboutir in fine à Marx. Mais d'abord, il faut un peu préciser la situation révolutionnaire qui semble aujourd'hui se dessiner. Les peuples sont considérés comme des entités devant être obéissantes et soumises par le moyen de terreurs sanitaire et écologique. Ceci n'empêchant pas pourtant qu'on les pousse à l'hubris de pulsions consommatrices, renforcées à nouveau sans limite par le spectre tout aussi terrifiant de centaines et de milliers de milliards de dettes subrepticement créées ex abrupto, dans l'urgence. En outre, ces dettes sont soumises à des taux d'intérêt, faibles pour l'instant mais variables dans le temps, et par-dessus le marché à échéances mal définies...

 

La solution envisagée reposerait à terme sur des technologies combinées moléculaires, vertes, numériques et sociétales ; tous ingrédients à propension majoritairement peu humanistes. On pense aux possibilités de dérives d'eugénisme renouvelé, de despotisme environnemental considérant les hommes comme prédateurs ultimes de la divinité nature, de transhumanisme de l' « Homme amélioré » et de celles de l'usure et de l'hubris financiers à outrance. Ce mix détonnant prend place dans le port apeuré et universel du masque chirurgical par l'humanité tout entière dans un rapport d'oblitération du visage d'homme et d'éloignement social à l'autre. Tout à coup, le commandement est que l'autre devienne mon ennemi. Le rapport humain est jeté à bas. Les hommes sont précipités dans un statut de monades individualistes, par là devenant impuissantes.

 

Le philosophe Jean Bodin, humaniste de la Renaissance, affirmait : « Il n'y a de richesse que d'hommes ». Ce pluriel indique déjà qu'un homme seul, parfaitement isolé n'est pas viable, n'a jamais existé et n'aurait jamais pu l'être. Bodin rejoint Aristote : « L'homme est un animal politique ». Pour Aristote, il s'agissait bien sûr des hommes car il ne saurait y avoir de politique sans polis ou société des hommes, précisément. De plus, la nature étant irrémédiablement indifférente aux hommes bien qu'ils en fassent partie, toute richesse qui y est contenue dont ils peuvent faire usage ne peut venir que de leur inventivité et de leur industrie. C'est bien pourquoi, pour les hommes, il n'y a de richesse que d'eux-mêmes. Et d'aucun dieu, entité imaginaire ou groupement d'hommes de pouvoir s'insurgeant comme tel.

 

Quant aux supposés droits de la nature, celle-ci étant indifférente aux hommes, seuls les hommes peuvent lui accorder ces droits et cela nécessairement en accord avec leurs intérêts. Dans cette ligne, Descartes avançait que les hommes sont « comme maîtres de la nature ».

 

Quant à Kant, philosophe de la fin des Lumières et humaniste, son éthique propose 1) que tout homme ne doit jamais être considéré uniquement comme un moyen mais toujours comme une fin, comme le but ou la valeur ultime et 2) qu'un homme a soit un prix, soit une dignité. Ces deux propositions apparaissent en rapport avec le capitalisme industriel naissant. Mais sont-elles réellement justifiées ? Si c'est le cas, suivant quels principes ? Et sont-elles même le moins du monde pratiquées depuis des millénaires ? Et dans quelles circonstances précises ? Ont-elles même été pratiquées depuis les Grecs anciens ?


Et ont-elles même jamais été pratiquées depuis la Renaissance européenne ?  Protestant du début du 16ème siècle, Jean Calvin fait admettre le prêt à intérêt en monnaie. S'il s'était agi de prêt d'une substance organique vivante, par définition capable de se reproduire par elle-même, telle que des semences agricoles qui chacune donne plusieurs fois plus de grains que la mise, les intérêts sur les semences prêtées seraient aisément honorés en une seule saison. Mais la substance inerte de la monnaie, telles des pièces  d'or, ne peut s'inventer ni se créer à partir de plomb. Sauf à remplacer l'or par un métal commun (Solon d'Athènes), des billets de papier ou, mieux, des bits numériques virtuels reproductibles à souhait suivant des règles admises mais toujours transgressables.

 

Mais ce ne sont là que richesses symboliques que des hommes de pouvoir peuvent reproduire à volonté d'un claquement de doigts. Mais alors cette richesse perd de sa valeur. Sauf à extraire toujours plus du travail des hommes, alors majoritairement considérés comme le moyen d'autres fins qu'eux-mêmes. A ce stade, que valent encore les hommes ? Ils valent le produit de leur activité usurpé par une minorité toujours plus restreinte qui accumule le capital-richesse ainsi pompé de la vie même de la majorité.

 

Cette activité sera commandée avec doigté par ces hommes de pouvoir, majoritairement à leur profit et sans limite, selon leur guise. Est-ce le cas aujourd'hui ? 

Oui, c'est le cas ; Il se construit rapidement ces semaines-ci et à très grande échelle. Cela ne peut se combattre qu'ensemble, en connaissance de cause. C'est cette connaissance qu'apporte la philosophie. Si nous le voulons bien. 

Bref, chacun devrait s'y mettre avec tous les autres. Car savoir seul et combattre seul, c'est essentiellement vain. Seuls les hommes sont responsables. Pas les pierres ni les dieux.


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