lundi 29 juin 2020

Sujet du Merc. 01 Juillet 2020 : Justifier l’absolu ?


                                    JUSTIFIER L'ABSOLU ?

Absolu, relatif, relativisme, relativité, finalisme et finalité traversent toute la philosophie et l'éthique depuis leur commencement. Ces concepts sont d'une application radicale dans le monde réel.

Justifier l'Absolu, peut-être ? Mais lequel ? Justifier l'Absolu, c'est envisager sa relation à l'éthique. Lorsque l'on pense que l'objet auquel l'on donne son adhésion est absolu, on le sacralise. C'est un choix : il s'agit plus de morale que d'éthique. Des exemples anciens toujours d'actualité pressante ainsi que d'autres plus récents incluent : Dieu, la Nation, la Patrie, la Liberté, l'Egalité, la Démocratie, les Valeurs humanitaires, etc.

Certaines jeunesses utilisent tous les moyens du terrorisme pour accomplir l'Idéal absolu de la divinité. Il y a aussi la valeur de la dignité pensée en dehors de la situation concrète d'un moment particulier de l'histoire. Kant est absolu lorsqu'il considère que de ne pas en toutes circonstances dire la vérité, c'est ne pas respecter la dignité humaine. A ce compte-là, mentir pour sauver de la SS un tzigane ou un juif aurait manqué de cette Dignité idéalisée.

De plus, une conception absolue porte souvent à des actions extrêmes : les guerres pour la Religion, la Nation, la Patrie, des Valeurs humanitaires, ou les guerres « justes » (Kosovo, Afghanistan, Irak, Mali, Libye, Syrie, ...), les actions terroristes. Tout aussi extrême dans son principe est de tout simplement approuver de telles actions. Cela est-il actuellement reconnu ?

L'Absolu éternel au ciel des Idées et le transitoire, l'Essence ou l'Etre et l'évolutif, la fixité-stabilité et le mouvement ou le changement ont été envisagés comme des concepts antinomiques par les philosophes présocratiques de la nature. Avec les idéalistes, de Platon à aujourd'hui en passant par les diverses idéologies et les religions principalement monothéistes, les visions d'Absolu persistent.

Des preuves récentes en témoignent : la prééminence absolue de la science pharmaco-médicale sur le soin et toutes autres considérations humaines, ou le règne de l'écologie qui se veut science du Tout. Pour que rien de tout ce qui existe sous le soleil, dans la Voie lactée ou l'univers n'échappe aux totales et absolues emprise et puissance de l'écologie. Cela n'a littéralement pas de sens et confine à l'absurde. Ces conceptions ne sont qu'extension de la vision du Tout de l'Etre et du Rien jusqu'au Néant des Eléates. Héraclite pensait précisément le contraire. Ce qui, en fait de vision d'Absolu, ne vaut sans doute pas mieux : « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». Cette confrontation des extrêmes conduit à une impasse. Il faut dépasser cette aporie.

1.      Une première issue possible n'en est néanmoins pas une parce qu'elle est tout aussi absolue dans son impossibilité de principe à toute focalisation sur une position déterminée. Cela la met dans une opposition radicale à la conception absolue de tout objet particulier. C'est croire que l'objet auquel on donne son adhésion n'est que purement relatif. Pour le relativisme, tout et n'importe quoi se valent concomitamment. C'est comme « à la fois ceci et son contraire ». A ce compte, plus rien ne tient, aucune valeur n'est plus possible. Cela conduit au défaitisme, au désarroi, au grand n'importe quoi du tout est possible, tout est permis. C'est l'auto-contradiction des Absolus libertaire et égalitaire du « il est interdit d'interdire » en cours depuis mai 68. Le nihilisme est au bout du chemin. Comme tout se vaut, rien ne vaut et il n'y a plus loi qui vaille. Sauf celle du plus fort. On le voit tous les jours. La criminalité règne et prospère accompagnée de la corruption omniprésente des particuliers, des mafias légales ou pas, et des Etats. La pantomime médiatique du Covid le montre à foison.

L'origine du relativisme philosophique remonte aux alentours de 1820. Jusqu'à Newton compris, philosophie et science étaient confondues. La loi de la gravitation universelle constitua l'apothéose fulgurante d'une démarche initiée à la Renaissance et inspirée des Grecs antiques. Il parut alors faussement évident que la science ne pouvait concerner que la matière et que la philosophie en serait dorénavant radicalement séparée comme ne pouvant concerner que les affaires de l' « esprit ». En quelque sorte la philosophie serait la métaphysique, le domaine de l'imaginaire en roue libre.

Avec Hegel au début du 19ème siècle, le retour à l'idéalisme de l'esprit à la Platon et propre aux religions a crescendo saisi la philosophie jusqu'à ce jour. Tous les imaginaires philosophiques devenaient ainsi possibles. Et, dès lors, l'un valait bien tous les autres et réciproquement. Cette mouvance a intégralement diffusé dans les mentalités. Depuis des décennies, chacun plonge dans les profondeurs de son âme et y découvre la vérité. Qui vaut bien celle des autres. Les manifestations tangibles de cette dramatique dérive philosophique apparaissent dans les atrocités du 20ème siècle et du début du 21ème. Mais aussi dans des dérives de la science qui, contrairement à la démarche explicite de Newton, émet toutes sortes d'hypothèses et s'y tient jusqu'à preuve matérielle de leur inanité.

2.      Une autre solution intermédiaire entre ces deux extrêmes est possible pour lever l'impasse de la dualité entre Absolu-fixité-éternité et mouvement-changement-évolution. Il nous est possible de dissocier l'affirmation de l'absolu d'un objet de celle du contenu de cet objet. Qu'est-ce à dire ? Débrouiller la chose fait un peu mal aux méninges même si ça reste quand même assez simple. Il s'agit tout simplement de faire en sorte que ce ne soit pas le contenu d'un objet qui soit absolu, mais que seule l'affirmation de l'objet le soit. Pensons à la liberté, la dignité d'homme, etc. On peut ainsi surmonter l'alternative « soit ceci, soit cela », la dualité du « soit l'Absolu, soit le relatif ».        

On peut maintenir les deux à la fois, les combiner, permettre de les faire interagir l'un avec l'autre. C'est assurer une relation dialectique entre eux. C'est faire place à la raison, à la mesure dynamique et mouvante des choses en présence dans des situations particulières toujours en évolution. Raison, ratio ou mesure de situations concrètes permet d'évaluer, d'ajuster le contenu de l'objet (relativité) auquel nous accordons notre adhésion de principe (Absolu). Et, à partir de là, d'aussi évaluer les meilleurs moyens de réaliser cet objet (relativité). Il s'agit de le faire en fonction de la situation précise et toujours évolutive dans laquelle nous nous trouvons. C'est, contrairement à l'Absolu et au relativisme, la relativité propre à une situation concrète.

Cela n'a donc rien à voir avec le relativisme pour lequel toute décision et toute action de réalisation de l'objet sont possibles et équivalentes entre elles. Dès lors tout et n'importe quoi deviennent possibles, tout se vaut, tout a une valeur équivalente à toute autre et finalement rien ne vaut plus rien. C'est le défaitisme qui conduit au nihilisme. Rien ne vaut plus sauf la valeur prônée et l'action du plus fort. On baigne dans la criminalité.

Prenons la valeur absolue que la société mondiale vient d'accorder pendant la « pandémie » du Covid à toute vie d'homme, quel qu'il soit. Qu'il soit sain ou jeune ou, au contraire, qu'il soit un vieillard atteint de polypathologies et de co-morbidités. C'est l'Absolu de l'Egalité et l'absence de Liberté. (Celles qui ne sont jamais pratiquées entre les blessés lors des guerres pendant lesquelles est pratiqué le triage en fonction de la situation et des moyens disponibles.)

Admettons en outre que la situation concrète du moment soit celle de l'absence avérée par la science de moyens matériels (médicaments, etc.) de lutte contre la maladie. Si nous considérons que la valeur de la Santé pour tous (l'objet) à laquelle nous donnons notre adhésion est absolue, alors nous la sacralisons. Elle acquiert un pouvoir absolu d'application partout, en tout lieu et à tout instant, quelle que puisse être la situation particulière en cours. Ce sont là les caractéristiques de Dieu. Instantanément chacun se confine dans une docilité et une obéissance pathétiques, impulsées par une peur oblitérant la raison et toute mesure (ratio).

Pour cette valeur absolue de Santé médicale scientifiquement avérée, l'ensemble de la population se met à l'arrêt à tous égards, à l'exception bien sûr de la minorité des dirigeants et de celle des petites mains et gros bras indispensables (les moyens) pour assurer « coûte que coûte » (Absolu) la réalisation de cette Valeur absolue. La maladie et son remède sont ainsi divinisés, l'une comme le Mal absolu, l'autre comme le Bien. Logiquement, on héroïsera et rendra absolue la valeur de ces moyens de l'Alpha et de l'Oméga (de l'Origine et de la Fin : le finalisme, attribut divin). La masse des soignants et manutentionnaires nécessaires à la survie de la population confinée sera la main de cette Fin (les hommes, créatures de Dieu, ainsi mis en pâture).

Pour justifier la guerre de 14, la Valeur absolue fut « La Patrie », quoi qu'il en coûte. Chacun fut conditionné (propagande) à démoniser « le Boche » ou le « Franzose » au prix de sa vie pour « sauver la Patrie », tant au front qu'à l'arrière. Les dirigeants rejetaient de prendre en compte que 1) c'est l'affirmation de la patrie qu'il faut maintenir absolue, mais 2) qu'il faut en même temps donner un contenu relatif à la notion de patrie qui tienne compte des conséquences qu'une sacralisation absolue de sa valeur entraînerait pour la patrie elle-même et sa population (relativité). Plutôt que le fanatisme jusqu'au boutiste, la mesure de la raison aurait dû permettre d'évaluer et de mettre en œuvre les meilleurs moyens de réaliser la préservation bien comprise de la patrie et de sa population.

La clé est d'adhérer simultanément :       

1) tant à la valeur que nous maintenons absolue – celle de la science médicale, de la liberté, de la patrie, etc. – plutôt qu'au contenu absolu que nous voudrions lui prêter, et

 2) qu'à la réalité de la situation (les faits) évaluée à la lumière de la raison, ce qui permet de dégager une connaissance authentique. C'est penser juste (philosophie) que d'articuler (dialectique) éthique et connaissance du réel. Plutôt que seulement l'un des deux : soit rien que les faits comme le conçoit Hume, soit rien que la raison et l'éthique comme l'affirme Kant. L'un et l'autre sont calés dans leur Idéal d'Absolu respectif.

Notre situation actuelle montre combien nous sommes toujours enchaînés à Platon après 24 siècles d'idéalisme et de religions monothéistes (Absolu). Et, en même temps, portés à un relativisme à tout crin où rien ne tient plus. Ce qui est l'Absolu du Rien. Les Lumières combinées des faits et de la raison s'estompent. 

L'éthique s'y oppose.



dimanche 21 juin 2020

Sujet du Merc. 24/06/2020 : Machiavel et le peuple.


Machiavel et le peuple.        
  
Parmi les quelques philosophes célèbres de la tradition qui ont pris le parti du peuple, on ne retrouve que Machiavel (dans ses textes républicains), Spinoza et Rousseau (mais il s’agit d’un peuple sans femmes), et Marx.

Dans la notion de peuple on peut distinguer (G. Bras) :
1.      l’ensemble des citoyens, le « peuple juridique » ;
2.      « les membres de la nation », le « peuple ethnique » ;
3.      le « petit peuple » (ou « couches populaires ») dépourvu « des richesses et du pouvoir, qui s’oppose à la fraction dominante de la société », qu’il nomme « peuple social ».

C’est ce « peuple social » qui sera discuté ici – et au travers de Machiavel - en tant qu’acteur politique qui compte — en principe — tous les sans titre d’une communauté. La notion de « sans titre » désigne ainsi celles et ceux qui n’ont pas de titre particulier qui pourrait fonder une prétention à gouverner la communauté.

Le peuple est cette force politique qui affirme le principe que toutes et tous peuvent prendre part au processus de décision, indépendamment de leurs titres et de leurs fonctions au sein de la communauté ou, pour le dire autrement, que le pouvoir doit être un bien commun. Cette affirmation radicalement égalitaire provoque des réponses passionnées, d’espoir ou de peur.

L'objet du Prince (1532) est le prince lui-même. L'objet du Discours (Discorsi sopra la prima deca di Tito Livio 1531) c'est le peuple. Le Discours est une apologie de la République et du peuple comme porteur de vertu. Le Prince ne parle pas de la République mais des principautés.

Le prince doit former cette matière qu'est le peuple, transformer l'agrégat en corps politique. Il doit être reconnu par le peuple. Un prince non reconnu, un prince sans peuple serait un tyran. Mais en même temps pas de peuple sans prince car le prince est l'élément fondateur.

Parlons tout d’abord de la vertu (virtu) du Prince. La virtu est aussi celle du peuple outre les qualités de jugement, la virtu contient une dimension de nature que Machiavel nomme « férocité » Il en déplore la régression et en impute la responsabilité au christianisme. « Il me paraît donc que ces principes, en rendant les peuples plus débiles (faibles), les ont disposés à être facilement la proie des méchants. Ceux-ci ont vu qu'ils pouvaient tyranniser sans crainte les hommes qui, pour aller au paradis, sont plus disposés à recevoir leurs coups qu'à les rendre. » Il faut trouver là la cause qui fait qu'on voit aujourd'hui bien moins de républiques qu'autrefois et que les peuples par conséquent ont moins d'amour pour la liberté.

Corruption du peuple :  la corruption renvoie à l'idée de l'altération du principe interne par lequel un vivant se maintient dans l'être. Presque tous les peuples sont frappés par ce mal. Même si le royaume de France offre l'exemple d'un état stable qu'on ne saurait qualifier de tyrannie, il n'en reste pas moins que le peuple y a perdu ce farouche attachement à la liberté marque d'une vitalité et d'une puissance qui sont le fait des seules républiques.

Le peuple en tant que corps politique ne peut se constituer que sous un chef, nous l'avons vu. Mais c'est aussi de là que surgit le risque de mort : toute corruption commence par la tête et la virtu n'est pas héréditaire. Le fils du prince ne la possède pas nécessairement. Au peuple alors de gouverner. Mais la virtu démocratique n'est pas héréditaire non plus. La liberté dégénère en licence, le peuple devient populace c'est-à-dire que la passion l'emporte sur le raisonnable.

Comment s'arracher au cycle de la dégénérescence ? Machiavel défend le principe de la séparation des pouvoirs et de la confrontation des pouvoirs. Le peuple peut légitimement se révolter contre les Grands parce que ceux-ci cherchent à oppresser le peuple. Mais si on élimine les Grands alors le peuple dégénère. Les Grands sont donc nécessaires.

La haine entre le peuple et les Grands est salutaire. Machiavel donne pour exemple la République romaine qui a dû sa puissance et sa gloire à la tension sans cesse renaissante entre le Sénat et le peuple. Un peuple libre est moins un peuple qui se gouverne par lui-même qu'un peuple capable d'agir dans l'union contre tous ceux qui le menacent.

Il ne faut donc jamais fermer totalement la voie à l'insurrection populaire. Le peuple doit être juge de ses gouvernants dont les mandats doivent être courts et non héréditaires.

Le peuple n'est pas infaillible mais néanmoins se trompe moins que le prince.

Quand un peuple est pris de délire, c'est passager et cela reste exceptionnel. En général la folie d'un peuple est plutôt colère inspirée par un sentiment d'injustice. Le peuple au fond exige d'être gouverné, qu'on ne le spolie pas, qu'on ne viole pas ses femmes et ses enfants, qu'on ne lui impose pas des contraintes arbitraires. C'est la condition de la prospérité des Etats. Ceci dit cette exigence peut disparaître chez un peuple longuement asservi et finalement corrompu jusqu'aux entrailles.

Machiavel combat le luxe et l'inégalité des richesses. Le riche est celui qui peut entretenir une faction au service de son ambition et de ses intérêts particuliers. Le luxe amollit, secrète l'envie, la corruption (on retrouvera cela chez Rousseau, grand admirateur de Machiavel qui a bien vu, lui, le Républicain).

Quant à la basse classe elle devient alors disponible pour les pires aventures politiques considérant qu'elle contribue à la prospérité sans en profiter (ne faisons quand même pas de Machiavel un penseur de la révolution : il se méfie aussi du ressentiment de la foule suicidaire. Un peuple vrai refuse que les hommes s'entre-mangent).

Machiavel va donc combattre les riches, condamner le parasitisme de ce qu'il appelle les « gentilshommes » qui vivent sans rien faire du produit de leur possession « Quiconque veut établir une république dans un pays où il y a beaucoup de gentilshommes ne peut y réussir sans les éteindre tous » Un peuple peut rejeter ceux qui ne contribuent en rien au bien commun. Il accepte les « entrepreneurs » à condition qu'ils n'exploitent pas sans mesure ceux qu'ils emploient.

En conclusion, un peuple non corrompu ne peut vivre qu'en République. Seule forme institutionnelle qui convienne. Le peuple est seul à être porteur d'intentions honnêtes orientées vers le bien commun. Pour autant il ne peut se passer de gouvernants, mais un chef sans virtu est un tyran.

Ce que les mauvais chefs engendrent, la virtu d'un être exceptionnel, d'un prince, pourra peut-être le détruire pour restaurer le peuple dans sa dignité. Encore faut-il que le libérateur ne se prenne pas au jeu de la tyrannie. Quand la virtu est le seul fait du prince, l'Etat est fragile car cette virtu instaure sans perpétuer.

La virtu fondamentale et donc celle du peuple et le peuple ne peut avoir d'autre projet que la défense d'une liberté qui coïncide avec son être. Le peuple ne peut perdre la liberté sans se perdre.

La tyrannie ne peut donc asservir qu'un peuple déjà malade (à rapprocher peut-être des thèses de la Boétie sur la servitude volontaire). Mais à en croire Machiavel lui-même, la santé des peuples qui lui sont contemporains n'est guère florissante.


lundi 15 juin 2020

Sujet du Mercredi 17 Juin 2020 : L'écologie est elle une science ?


L’écologie est elle une science 


L’écologie est à la croisée des chemins entre les sciences de la vie, les sciences de la Terre et les sciences de la société. L’écologie devrait être donc une science de synthèse qui, de ce fait, est plus complexe que ce que beaucoup imaginent.

Une idée fausse est, en particulier, celle qui s’appuie sur les notions d’ordre et d’équilibre naturels des écosystèmes qui elles-mêmes sont des réminiscences de créationnisme, de dessein intelligent voire de malthusianisme et, en tout cas, de conservatisme.
  
Les écosystèmes sont en évolution permanente et suivent des trajectoires, non des modifications réversibles ou des cycles. Ceci implique que la recherche d’un Éden perdu et d’une nature pure, inviolée, est totalement illusoire mais aussi que les modifications des écosystèmes, quelles que soient les directions suivies, ne sont pas imputables aux activités humaines autant que certains le prétendent.
Il est de ce fait irréaliste d’imaginer que des écologues ont le pouvoir de restaurer à l’identique un écosystème dégradé. Tout ce qu’on peut obtenir, c’est de recréer de la nature dans un lieu donné mais non la nature dans son état antérieur. Un état antérieur stable est lui-même une notion fausse car tous les états sont par essence transitoires et se modifient sans but perceptible. Beaucoup de citoyens ne réalisent pas que la plupart des écosystèmes, en Europe en tout cas, peuplée depuis longtemps par des agriculteurs, ont été modifiés de manière notable via une co-construction et une co-évolution de l’homme et de la nature.
Les écosystèmes que l’on observe ont été et sont encore le plus souvent construits pour répondre à des demandes de la société et non l’inverse.

L’étude des écosystèmes est donc particulièrement malaisée. Les chercheurs sont contraints d’agir avec empirisme et de se livrer à des pratiques que l’on peut qualifier de bricolage. Cette stratégie est plus ou moins gratifiante pour les opérateurs qui se réfugient souvent dans des investigations qui ont peu de chance de bien répondre aux questions posées.

L’étude des écosystèmes se cantonne trop souvent à des inventaires comparatifs de la flore et de la faune en négligeant exagérément les microorganismes dont les impacts sont pourtant décisifs. Les chercheurs dans le domaine sont tentés de privilégier excessivement la construction de modèles mathématiques sur des données primaires trop rares ou de qualité insuffisante.
La collecte de données sur le terrain est par trop délaissée, le confort des bureaux étant meilleur que celui du terrain. Plus sérieusement, peut-être, bon nombre d’écologues sont, comme bien d’autres, soumis au terrorisme du facteur d’impact de leurs publications.

Là comme ailleurs, les chercheurs tendent à être plus productifs que créatifs.

L’écologie, qui ne peut se comprendre et agir que sur le temps long, ne peut se satisfaire de telles pratiques. Les luttes de pouvoir et les querelles de clochers nuisent à la productivité des laboratoires qui, par ailleurs, pâtissent plus que d’autres secteurs de la recherche publique d’un sous-équipement en gros matériels.

À cela, il faut ajouter que l’écologie, à son corps défendant, est au cœur de préoccupations de la société. Ceci expose ce domaine de la recherche aux effets de mode et au pouvoir des médias. Les écologues ne parviennent pas toujours à éviter les pièges idéologiques tendus par diverses ONG. Celles-ci auraient tendance à nous présenter une nature bienveillante pour l’homme alors que la préhistoire témoigne d’une volonté inverse depuis 300 000 ans précisément de s’extraire de son état de nature.

L’agriculture qui apparaît il y a 12 000 ans donc très récemment, n’est pas naturelle mais bien une opportunité de maîtriser et d’exploiter la nature, où rapidement des évolutions de sélections et de boutures seront particulièrement interventionnistes dans sa réalisation.

Il n’y a pas plus réactionnaire que la tendance politique que l’on nous présente à longueur de reportages tous les soirs qui consiste à être nostalgique d’une époque qui n’a jamais existé.

Mais ma conclusion est la suivante :
je souhaite que l’écologie devienne une vrai science sans parti-pris idéologique alors que tous les jours elle s’en éloigne pour devenir uniquement un argument à spectre large pour critiquer et condamner le capitalisme.

Mais également un instrument de culpabilité utilisé par le pouvoir pour exister et reconstruire une légitimité très fragile.


lundi 8 juin 2020

Sujet du Mercredi 10 Juin 2020 : Heidegger ou l’introduction du nazisme dans la philosophie.



Heidegger ou l’introduction du nazisme dans la philosophie.


« Nous n’avons pas encore pris toute la mesure de ce que signifie la propagation du nazisme et de l’hitlérisme dans la « pensée », cette lame de fond qui s’empare progressivement des esprits, les domine, les possède et supprime en l’homme toute notion de résistance. La victoire des armes ne fut qu’une première victoire, certes vitale et qui coûta à l’humanité une guerre mondiale.

 Aujourd’hui se déroule une autre bataille, plus longue, plus sourde, mais où est en jeu l’avenir de l’espèce humaine. C’est dans tous les domaines de la pensée, de la philosophie jusqu’au droit et à l’histoire, qu’une prise de conscience est nécessaire.

Qu’il s’agisse de Heidegger, de Schmitt, de Junger à plus d’un égard ou de Nolte, ces principaux diffuseurs du nazisme dans la vie des lettres ont pris le temps d’affiner leur stratégie de reconquête après la défaite des armées du Reich hitlérien. Par un jeu d’occultation des vraies causes, de dilution des responsabilités dans une mondialisation des approches, de disqualification de la pensée humaniste et des valeurs universelles, de mythologisation de soi dans la figure du <(berger de l’être», de l’Epiméthée chrétien», de l’« arnaque », du théoricien du «droit historique», ces auteurs ont instrumenté la philosophie, le droit, les lettres et l’histoire, en les mettant au service de la « révision » et finalement de la réhabilitation des fondements du nazisme.

 Parmi eux, certains ont progressivement conquis une audience planétaire auprès d’un public qui, le plus souvent, ne réalise pas ce qui se joue à long terme dans cette conquête des esprits. Il est vrai que les lignes de front de ce combat ne se lisent sur aucune carte. Il n’y a pas de géopolitique de l’esprit, même si l’inflation des ouvrages apologétiques ou trop complaisants permet de mesurer l’ampleur de la propagation.

Loin de faire progresser la pensée, Heidegger a contribué à occulter la teneur foncièrement destructrice de l’entreprise hitlérienne en exaltant sa « grandeur ». Loin d’enrichir la philosophie, il a œuvré à sa destruction en la mettant au service d’un mouvement qui, par la discrimination meurtrière qui l’anime et l’entreprise d’anéantissement collectif auquel il conduit, constitue la négation radicale de toute humanité comme de toute pensée.

Après le paroxysme de la période du nazisme et de l’hitlérisme, préparé chez Heidegger de longue date et bien avant 1933, après la virulence et la hargne qui caractérisent souvent les cours professés durant les années 1933-1944, la multiplication des écrits heideggériens de l’après-guerre forme une lente retombée de cendres après l’explosion, nuée grise qui étouffe et éteint lentement les esprits. Bientôt, les cent deux volumes de l’œuvre dite « intégrale1», où les mêmes assertions sont ressassées sur des milliers de pages, obstrueront de leur masse les rayonnages consacrés à la philosophie du xxe siècle, et continueront à diffuser dans la pensée, à l’échelle planétaire, les fondements du nazisme. » ( E. Faye – Heidegger, l’introduction du nazisme dans la philosophie – Albin Michel – 2005 ).
 Florilège Heideggérien :
·         « L’agriculture est aujourd’hui une industrie d’alimentation motorisée, dans son essence (Wesen) le Même (das Selbe) que la fabrication de cadavres dans les chambres à gaz et les camps d’anéantissement, le Même (das Selbe) que le blocus et la réduction de pays à la famine, le Même (das Selbe) que la fabrication de bombes à hydrogène. » (GA tome 79, [1949], "Bremer Vorträge. Einblick in was das ist", "Das Ge-Stell", p. 27) »
 ·         Des bûchers de livres ont eu lieu à Fribourg sous le rectorat de Heidegger selon les témoignages d'Ernesto Grassi et ceux de Fribourgeois recueillis par Hugo Ott.
Le samedi 24 juin 1933 Heidegger prononcera un discours devant les flammes d'un autodafé, il dira :
" Flamme, annonce-nous, montre-nous le chemin d'où il n'y a plus de retour" .
Le samedi 24 juin 1933 Heidegger prononcera un discours devant les flammes d'un autodafé, il dira :
" Flamme, annonce-nous, montre-nous le chemin d'où il n'y a plus de retour" .
Le samedi 24 juin 1933 Heidegger prononcera un discours devant les flammes d'un autodafé, il dira :
" Flamme, annonce-nous, montre-nous le chemin d'où il n'y a plus de retour" .
 ·         "Pour ce qui est sain et pour ce qui est malade, un peuple et une époque se donnent à eux-mêmes la loi en fonction de la grandeur intérieure et de l'étendue de leur existence. Le peuple allemand est maintenant en train de retrouver son essence propre et de se rendre digne de son grand destin. Adolf Hitler notre grand Führer et chancelier, a créé à travers la révolution nationale-socialiste un Etat nouveau par lequel le peuple doit à nouveau s'assurer d'une durée et d'une constante de son histoire [...]. Pour tout peuple, le premier garant de son authenticité et de sa grandeur est dans son sang, son sol et sa croissance corporelle". [GA 16 151].

Dans cette même ligne de pensée sur "l'être", au lendemain de son adhésion publique à la NSDAP, Heidegger écrit à son frère Fritz (le 4 mai 1933) : "Tu dois considérer la totalité du mouvement non pas d'en bas mais à partir du Führer et des ses grands objectifs. [...] désormais on ne doit plus penser à soi mais seulement à la totalité et au destin du peuple allemand". [GA 16 95.]
Dans cette même ligne de pensée sur "l'être", au lendemain de son adhésion publique à la NSDAP, Heidegger écrit à son frère Fritz (le 4 mai 1933) : "Tu dois considérer la totalité du mouvement non pas d'en bas mais à partir du Führer et des ses grands objectifs. [...] désormais on ne doit plus penser à soi mais seulement à la totalité et au destin du peuple allemand". [GA 16 95.]
Dans cette même ligne de pensée sur "l'être", au lendemain de son adhésion publique à la NSDAP, Heidegger écrit à son frère Fritz (le 4 mai 1933) : "Tu dois considérer la totalité du mouvement non pas d'en bas mais à partir du Führer et des ses grands objectifs. [...] désormais on ne doit plus penser à soi mais seulement à la totalité et au destin du peuple allemand". [GA 16 95.]
·         «En 1930, c’est au cours d’une fête de la « Patrie badoise » que Heidegger prononce la première version (non publiée) de la conférence intitulée « L’essence de la vérité ». Le président d’honneur est Eugen Fischer, fondateur et dirigeant, depuis 1927, de l’Institut d’hygiène raciale. Le rôle bien connu de cet organisme dans
les expériences conduites par les SS dans les camps de la mort n’empêchera par Heidegger d’adresser, en 1960 !!!, un de ses livres à Eugen Fischer, avec ses « cordiales salutations de Noël et ses vœux de Nouvel An ».
·         "La pensée de la race, cela veut dire que le fait de compter avec la race jaillit de l´expérience de l´être en tant que subjectivité et n´est pas quelque chose de "politique".
Le dressage-de-la-race [Rasse-züchtung] est une voie de l´affirmation de soi [Selbstbehauptung] en vue de la domination. Cette pensée vient à la rencontre de l´explication de l´être comme "vie", c´est à dire comme "dynamique"."
(GA tome 69 [1938-1940], "Das Wesen der Macht", p. 70)
Le dressage-de-la-race [Rasse-züchtung] est une voie de l´affirmation de soi [Selbstbehauptung] en vue de la domination. Cette pensée vient à la rencontre de l´explication de l´être comme "vie", c´est à dire comme "dynamique"."

(GA tome 69 [1938-1940], "Das Wesen der Macht", p. 70)
Le dressage-de-la-race [Rasse-züchtung] est une voie de l´affirmation de soi [Selbstbehauptung] en vue de la domination. Cette pensée vient à la rencontre de l´explication de l´être comme "vie", c´est à dire comme "dynamique"."
(GA tome 69 [1938-1940], "Das Wesen der Macht", p. 70)

Au-delà de ces quelques citations il importera de rechercher pourquoi la philosophie française de l’après guerre, et de nos jours encore, de manière majoritaire, s’inspire tant de Heidegger et …..de Nietzsche. Les philosophes des Lumières avaient préparé la Révolution.

La contre révolution philosophique, historique, politique ? ne serait-elle pas en marche avec ses clercs, ses serviteurs, ses collaborateurs ?

La pensée est un acte.


Sujet du Merc. 17 Avril 2024 : L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme …

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