dimanche 24 juillet 2022

Sujet du Mercredi 27 Juillet 2022 : Y a-t-il une origine ?

 

                                  Y a-t-il une origine ?

Les hommes sont mortels. Pour un individu, pour toute l’humanité, l’origine est la date de la naissance (pour certains un peu avant ….), leur fin, celle de leur mort.

C’est probablement cette constatation, comparable à tous les phénomènes de la nature, qui fit penser à tous qu’il y avait un « début », une origine. Mais penser ainsi pose plus de problèmes que cela n’en résout.  
D’abord il va falloir se pencher sur la question de l’Origine avec un grand O. Origine qui ne peut être que quasi miraculeuse et en tout cas extérieure à l’homme. Comment sont nées les montagnes et les mers, les plantes et les animaux ?
On a cru un temps à la « génération spontanée », mais au 19ième siècle c’était fini !
Dieu, la grande chimère, répondait à LA question. C’était lui le créateur. C’est ce que pensent encore des milliards d’êtres humains. Car le gros avantage de dieu (des dieux) c’est qu’il est là du début à la fin. Il préside à la vie (création), il est là lorsqu’on est plus.   
Avec l’idée de dieu (des dieux) l’homme peut se poser les questions de l’origine, du pourquoi, de la mort et ….. surtout il peut y répondre ! Le récit religieux vient encadrer le moment existentiel des mortels pour les rassurer. Il les inclut du même coup dans un destin bordé par la morale et le temps.

Affirmer, comme dans le titre de ce philopiste, qu’il n’y a pas d’origine c’est aller profondément à l’encontre des croyances dominants l’humanité. Et pourtant ce n’est qu’une paraphrase de ce qu’un philosophe grec a énoncé voici près de 2600 ans : Anaximandre.

Anaximandre ( vers -610, à – 546 de notre ère ) est né à Milet sur les rivages de la Turquie actuelle, c'est-à-dire à la confluence de l’Orient où les Babyloniens avaient fortement développés une astronomie très élaborée et de l’Occident encore tout imprégné de mythes fondateurs qui font intervenir une substance première, infinie, immortelle et divine enveloppant et gouvernant toute chose : l’Arché.

Anaximandre va reprendre ce terme d’arché, mais, première rupture, il va écrire en prose alors que toutes les explications du monde précédentes étaient en style poétique. De la théogonie on va passer à ce qui va devenir la conception grecque de l’univers pour des siècles.

Anaximandre rompt de manière radicale avec le mythe en ce sens qu’il démythifie la démarche généalogique de création de l’univers. Dès  lors la porte s’ouvre sur une nouvelle géométrisation du monde. A la question que se posait Thalès qui faisait reposer le monde (et la Terre) sur l’élément eau mais se demandait comment son océan tenait dans l’espace, Anaximandre répond que la terre flotte en équilibre au centre de l’univers et il ajoute que si elle demeure en repos à cette place, sans avoir besoin d’aucun support c’est parce qu’à égale distance de tous les points de circonférence céleste, elle n’a aucune raison d’aller en bas plutôt qu’en haut, ni d’un coté plutôt que de l’autre. Pour la première fois le cosmos est placé dans un espace mathématisé constitué par des relations purement géométriques.

Désormais on rentre dans la période de « l’histoire à travers la physique ». Au lieu de chercher une origine, une source, au cosmos ; un « primus motor » comme dira plus tard Aristote, Anaximandre va désormais utiliser le terme arché dans un tout autre sens. Pour lui point d’origine première ( de création dirions nous aujourd’hui ), l’origine est perpétuelle, et elle peut continuellement donner naissance à ce qui sera. La cause complète de la génération de tout sera nommée apeiron ( infini ou illimité ).  Il n’y a plus de point originel dans le temps.

La matière s’organise selon l’apeiron , cette organisation est présentée par lui comme une séparation de contraires :  « Ce d’où il y a génération des entités, en cela aussi se produit leur destruction, selon la nécessité, car elles se rendent les unes aux autres justice et réparation de leur injustice, selon l’assignation du Temps.[] ».

Eclaircissons cette phrase :

Les choses, les êtres n’existent que dans un flux de processus ininterrompus. Si nous prenons l’exemple d’un mortel. Il nait un jour, meurt un autre. Mais sa naissance est liée à l’existence préalable de millions d’êtres vivants dont il est inutile de chercher la « cause première » dans un dieu.

Penser à l’influence d’un dieu, à une volonté divine c’est, comme le dit si bien Spinoza, se réfugier dans « l’asile de l’ignorance ». Et la disparition du mortel n’est que la transformation de ses composés en d’autres composés qui, à leur tour, fourniront la matière première à l’univers pour refonder d’autres êtres.

La vraie question philosophique est le Comment, pas le Pourquoi.

Mais la vieille métaphysique reste aux aguets pour tirer en arrière tout le genre humain avec ses fables et ses mythes. C’est que l’enjeu est de taille. Au-delà de l’origine il y a la manière dont les hommes, une fois libérés de « leur créateur » peuvent se mettre à penser par eux-mêmes. Si les cieux sont vides de dieux prompts à nous punir, nous faire la morale, nous donner la vie et la mort ; plus personne n’a de pouvoir sur nous.
La naissance de la philosophie nait de ce moment unique.
Si l’ordre ne nait plus du divin, n’est  plus imposé par le destin, alors les hommes peuvent libérer toute leur puissance créatrice, grâce à la raison, pour penser le « vivre ensemble » (et la période d’Anaximandre est celle du début des cités grecques, la sortie de la pré-histoire).

J P Vernant notera : « La basileia, la monarchia qui, dans le mythe, fondaient l'ordre et le soutenaient, apparaissent, dans la perspective nouvelle d'Anaximandre, destructrices de l’ordre. L'ordre n'est plus hiérarchique; il consiste dans le maintien d'un équilibre entre des puissances désormais égales, aucune d'entre elles ne devant obtenir sur les autres une domination définitive qui entraînerait la ruine du cosmos. Si l'apeiron possède l'arché et gouverne toute chose, c'est précisément parce que son règne exclut la possibilité pour un élément de s'emparer de la dunastéia. La primauté de l'apeiron garantit la permanence d'un ordre égalitaire fondé sur la réciprocité des relations, et qui, supérieur à tous les éléments, leur impose une loi commune. ».

Il fallait ce passage essentiel de la rupture avec la conception mythologique de l’origine pour que naisse cette pensée singulière qu’on nomme philosophie. Il fallait poser un principe en rupture totale avec le point de vue d’un mortel se regardant et regardant le monde. Ce furent, des siècles plus tard, ce que réalisèrent Bruno, Copernic, Galilée, Darwin.

Le cas d’Anaximandre équivaut pour le monde antique à la rupture que produisirent Copernic et Galilée à l’aube de la Renaissance face à la féodalité déclinante.

Les idées des hommes ne naissent pas de nulle part, Anaximandre, comme Copernic et Galilée vécurent à des périodes d’intenses mutations sociales et économiques. Le problème pour nous, 2600 ans plus tard, n’est il pas de renouer avec cette philosophie là ?  Celle qui dénonçait l’ordre comme fatalité ; l’injustice comme destin, et la Cause de Tout comme ayant source les mythes (littéralement mensonges, fables).

Ne nous faudrait-il pas en revenir à « l’origine » (le comment) de la philosophie !?

              Blog du café philo  http://philopistes.blogspot.fr/

vendredi 15 juillet 2022

Sujet du Merc. 20 Juillet 2022 : POURQUOI DEBATTRE PLUTOT QUE PHILOSOPHER ?

 

POURQUOI DEBATTRE PLUTOT QUE PHILOSOPHER ?

Que de fois n’avons-nous pas à faire à un médecin qui se contente de pratiquer une auscultation ou une analyse superficielle suivie, sans preuves matérielles réelles, du « diagnostic » de telle affection et de telle médication. Ou encore, se bornant aux apparences, le médecin prescrit-il un remède qui atténue les symptômes sans précisément cerner les causes du mal et son identification en vérité afin d’administrer le remède pertinent. Voilà ce que nous réclamons qu’on nous assure.

Dès lors pourquoi ne pas exiger autant de nous-mêmes ? Particulièrement dans notre démarche de recherche relative aux questions que nous nous posons ? Notamment dans nos recherches philosophiques. Servons-nous donc de l’exemple du médecin comme grille de lecture, crible ou tamis pour juger de la pertinence de l’approche que nous adoptons pour traiter tout sujet. Nous verrons alors toute la différence qui existe entre débattre et philosopher…

Déjà on ne peut débattre qu’à au moins deux personnes et le plus souvent à plusieurs à la télévision, dans les réseaux sociaux, réunions d’amis et cafés ou devant un bar. Dans les débats, les protagonistes échangent des points de vue appuyés sur des convictions personnelles ou sur celles véhiculées alentour ou par les médias. Il s’agit souvent d’opinions abusivement affirmées comme vérités. Faible est alors le souci de les étayer par un ensemble coordonné de faits pertinents dûment avérés et vérifiés. Faits dont on aurait dû rechercher les liens essentiels entre eux qui constituent alors des preuves solides. On en aurait aussi recherché les causes profondes et évidentes pour construire l’une ou l’autre hypothèse, principe ou théorie explicatifs probants le mieux argumentés qui soient.

La dernière exigence qu’enfin on s’imposerait ne devrait-elle pas être d’ensuite sans cesse soumettre à la critique et au doute systématique ce principe de fond qui nous apparaît comme la vérité la plus probante ? Une vérification est donc nécessaire par la recherche volontaire et systématique de faits nouveaux d’observation ou d’expérience les plus proches possibles de ceux initialement obtenus afin de déceler dans le principe retenu quelque faille ou contradiction qui s’y cacherait.

Ce sont là les ingrédients coordonnés les uns avec les autres d’une approche scientifique, c-à-d philosophique, qui permet d’accéder à des connaissances authentiques plutôt qu’à des opinions ou idées toute faites. C’était cela la philosophie et la science jusqu’au début du dix-neuvième siècle, mais rarement après Hegel. C’est ainsi qu’on avance dans la compréhension et les connaissances. N’est-ce pas aussi sur les acquis solides et véritables d’une telle démarche que peut se construire une action pertinente ? Plutôt que sur les artifices de vains débats illusoires.

Pouvons-nous ici y arriver entre nous ? Le défi est jeté. Ne pas le relever et continuer à concevoir les choses par effets d’imagination « en notre âme et conscience » et « conviction profonde », n’est-ce pas mettre la charrette avant les bœufs, affirmer sans preuve une opinion toute faite et ne retenir à toute force que les faits qui la confortent tout en niant tous les autres ou encore en voulant par sophisme les tordre jusqu’à ce qu’ils se conforment et soutiennent notre « conviction profonde »? N’est-ce pas là nous confiner à la mé-connaissance, aux croyances fausses, à l’ignorance et aux débats oiseux qui détournent d’une action pertinente et confinent à l’échec les actes que nous posons ? C’est s’inscrire in fine dans la servitude à nos erreurs volontaires en faisant dès le départ le choix de l’impuissance politique de nos actes (pour autant que nous osions en poser).

Dès lors, « pourquoi débattons-nous plutôt que philosopher » (ou rechercher des connaissances) sur un sujet ? Quelle motivation nous anime ? Il y a des vérités qui gênent ; tant les dominants que les dominés, mais pas pour les mêmes raisons bien sûr. Les gens n’aiment pas être dérangés. De plus, souvent ils préfèrent quelque chose de faux mais de vraisemblable à quelque chose de vrai mais d’inhabituel. Ils ne veulent rien d’exceptionnel. Rien qui les remette en question. Ils réclament des informateurs qui offrent des choses faciles à décrypter et qui ressemblent à ce qu’ils connaissent déjà et les réconfortent. Ce qu’ils veulent, c’est être rassurés sans efforts notables de leur part. Cela assure une satisfaction ou un plaisir immédiat sans devoir attendre les résultats plus lointains d’une recherche de vérité. Quitte à accéder en toute sérénité à la servitude volontaire dans la béatitude de la non-pensée. Le prix à payer de cette aliénation est alors sans limite. Ils s’en plaignent avec acrimonie et même grande violence sans se retourner vers eux-mêmes pour absence de prise de responsabilité radicale de leurs existences.

 

Que faire alors ? Pour nous sortir de cette terrible impasse.

Rappelons à propos ces mots d’authentiques philosophes étrangers aux affirmations ultérieures d’un Karl Popper très vingtième et vingt-et-unième siècle dont nous sommes si souvent devenus les adeptes (« l’assurance que moi, je trouve là dans ma conscience un certain contenu est l’assise fondamentale de ce qui est donné comme vrai. ») :

-   Hegel : « C’est que la philosophie ne permet pas qu’on ne fasse qu’assurer, que s’imaginer, qu’aller et venir arbitrairement par la pensée en raisonnant. »

-   Feuerbach : pour vouloir « être philosophe, … pense comme un être vivant, réel, … pense dans l’existence, dans le monde, comme un membre de ce monde, et non dans le vide de l’abstraction, telle une monade esseulée,… 

vendredi 8 juillet 2022

Sujet du Merc. 13/07/2022 : Le langage n’est pas inné car la nature n’a rien à dire.

 

                Le langage n’est pas inné car la nature n’a rien à dire.

 

Parler est un apprentissage. Cela se fait dans un contexte donné qui fait que les humains vont avoir une « langue maternelle ».

Nous pouvons parler de la nature, et l’homme ne fait primitivement que cela, mais la nature nous parle-t-elle ? Si nous sommes nous-même des êtres de nature, pouvons-nous imaginer que le langage nous vient d’elle ? C’est ce que pense Chomsky pour lequel il y aurait – un « module du langage »  - une sort d'un programme informatique implanté dans notre cerveau dès notre naissance ; par qui ?

Cela rejoint les courants très à la mode au U$A qui tentent de relier tout l’être humain à des codages préexistants (génétique ou pas) en passant par l’intelligent design (le « dessein intelligent ») qui englobe le tout de l’humain.

Les neurosciences semblent apporter de l’eau au moulin de ces tentatives d’explications. En effet avec l’apport de l’imagerie médical certains scientifiques pensent pouvoir visualiser des zones identiques du cerveau actives dans des langues pourtant différentes (11 –  Paulesu E, Démonet JF, Fazio F, et al. Dyslexia : cultural diversity and biological unity. Science 2001 ; 291 : 2165-7).

Toutefois les chercheurs restent prudents, en conclusion d’une étude de synthèse, ils indiquent : « Puissent ces raffinements technologiques, qui nous font approcher un peu mieux la nature biologique du langage, nous aider à révéler aussi la profonde influence des cultures humaines, trésors à partager via l’activité sans cesse remodelée du cerveau humain, non simplement « machine à symboles » mais surtout « organe social » » (Knops A, Thirion B, Hubbard EM, et al. Recruitment of an area involved in eye movements during mental arithmetic. Science 2009 ; 324 : 1583-5). Ajoutant même : « L’apprentissage implicite joue un rôle prépondérant dans l’acquisition du « langage oral » qui, précisément, se développe progressivement, mais sans effort et même avec un plaisir renforcé par les encouragements de l’entourage, durant les trois premières années ». ( J-F Démonet, Inserm, Toulouse 2009).

Mais si l’on imagine le cerveau comme « organe social » ne commet-on pas là, encore une erreur de  …… langage ? Le cerveau est un organe, soit, mais comment devient-il social ? Pourquoi le cerveau d’autres espèces ne serait-il pas « social » ?

Ce qui caractérise l’homme c’est que c’est un être de langage (le langage producteur de concepts, d’abstractions, concepteur et de distributeur de connaissances ….).  La cause de l’incapacité à parler des singes se situe aussi ailleurs : du côté des capacités cognitives nécessaires à la maîtrise du langage.

Même si les chimpanzés, en captivité, parviennent à mémoriser 250 signes et symboles, et à s'en servir pour "discuter" avec leur maître, ces conversations restent limitées. On n'a jamais vu de singe raconter des histoires...

La nature n’existe pas comme un « en soi » pour l’homme. L’homme est à la fois partie de la nature mais extérieur à celle-ci dans le sens ou lui seul lui donne un sens qu’il peut, de plus, transmettre à ses congénères (techniques, connaissances, émotions…).

C’est en éprouvant la nature, en apportant la preuve CONCRETE qu’il était capable de la modifier car il la COMPRENAIT que l’homme a développé sa capacité à parler, c’est-à-dire à transmettre. On part du concret, du réel, pour aller à l’abstrait d’une connaissance pratique commune.

Mais dernière approche d’une discussion sur le langage : « une chimère, n’étant ni dans l’entendement ni dans l’imagination, peut être appelée proprement par nous un être verbal ; car on ne peut l’exprimer autrement que par des mots. Par exemple nous exprimons par le langage un cercle carré, mais nous ne pouvons l’imaginer en aucune façon et encore bien moins le connaître. C’est pourquoi une chimère n’est rien qu’un mot. » Spinoza. Ce que l’on doit retenir ici c’est que, ce que l’on ne peut que dire n’existe pas, ce qui n’existe que dans les mots n’existe pas. Et les mots sont alors le moyen de déraisonner, de quitter le domaine des choses réelles.

Le mot n’est pas la traduction dans l’élément verbal de l’idée, mais ce qui correspond dans le langage à une image mentale, abstraction fictive d’une pluralité d’éléments singuliers. Chez Spinoza, dans le Court Traité, l’Éthique, et dans le Traité de la réforme de l’entendement, la connaissance du premier genre, par ouï-dire, est clairement définie comme verbale et ne fait reposer la certitude que sur les mots d’autrui, qui ne peuvent suppléer son manque de fondement rationnel. Citons simplement le Traité de la réforme de l’entendement, § 19 : « Il y a la perception que nous avons à partir du ouï-dire ou de quelque signe, qu’on appelle arbitraire ». Si les mots ne se réfèrent à la réalité que de manière imparfaite voire trompeuse, c’est donc à cause de leur lien originaire avec l’imagination. À ce titre, le Traité de la réforme de l’entendement nous fournit le texte le plus explicite : « les mots ont été constitués au gré et à la portée des gens ordinaires, en sorte qu’ils ne sont que des signes des choses, conformes à ce qu’elles sont dans l’imagination et non à ce qu’elles sont dans l’intellect : ce qui ressort clairement de ceci, qu’à toutes celles qui sont seulement dans l’intellect et non dans l’imagination, ils ont souvent donné des noms négatifs, comme sont : “incorporel”, “infini”, etc. ». Un nom doit renvoyer aisément à sa propre trace dans l’imagination, si bien que son aspect matériel dépend du fonctionnement de l’imagination plutôt que de l’intellect. On comprend déjà à travers cette solidarité ce lien étroit entre le langage et l’imagination, ce qui peut inquiéter un pouvoir souverain qui tenterait d’imposer à la multitude son propre discours sous prétexte qu’il serait celui de la raison, en interdisant l’expression de paroles et d’opinions concurrentes, qui n’obéiraient pas aux mêmes règles.

dimanche 3 juillet 2022

Sujet du Merc. 6 Juillet 2022 : L'histoire, déterminisme ou destin ?

 

                     L'histoire : déterminisme ou destin ?

Il existe diverses manières de considérer le rapport que les humains entretiennent avec leur vie et l'enchainement des faits historiques et leur rôle dans ces derniers (liberté)

Les croyants et assimilés acceptent le destin comme décret de la Providence Divine. Dieu est la cause première qui détermine les causes secondes dans le sens du bien et du meilleur. Pour eux généralement il y a un début ( Au commencement était...) et une fin : l’Apocalypse.

Bossuet, évêque de Meaux dans son discours sur L’Histoire Universelle, qui montre le rôle capital joué par Dieu au sein de la vie des hommes. Il éclaire ainsi le destin providentiel et atteste que l’injustice du sort n’est qu’apparente. Quant aux Jansénistes, le salut dépendait de la volonté et de la grâce de Dieu. Le mérite humain n’avait pas une grande part dans l’affaire. L’homme, corrompu par le péché, ne disposait plus des moyens nécessaires pour gagner seul son salut. Il restait un être déchu tant qu’il n’était pas touché par la grâce divine. Dieu choisissait ainsi ceux qu’Il voulait sauver.

Dans cette vision de l'histoire il est fait appel à la transcendance que l'homme ne peut atteindre Il est le jouet et entre sa naissance et sa mort et sa vie n'est qu'une "vallée de larmes".

La discussion "philosophique", tourne à la scolastique et à la théologie.

Pour ce qui est du déterminisme la chose est plus complexe. Il y a un pas gigantesque entre les conceptions de Spinoza qui nous livre à un déterminisme absolu, et les philosophes matérialistes qui vinrent après lui. " Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent." (Spinoza : Lettre à Schuller). pour lui, ignorants les causes qui nous meuvent nous ne pouvons pas accéder à la liberté; Etant entendu que ces causes relèvent de lois universelles, celles de la Nature.

On retombe ici dans une sorte de destin.

Mais vinrent les philosophes post-Hégéliens comme Marx et Engels, ainsi que les chercheurs qui bouleversèrent les conceptions du monde, comme Darwin.

Tout ne s'avérait aussi mécanique, mécaniste, linéaire. Le hasard et la nécessité s'entremêlaient donnant à concevoir une histoire mue doublement par le hasard et la nécessité.

« D’après la conception matérialiste de l’histoire, le facteur déterminant dans l’histoire est, en dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx, ni moi n’avons jamais affirmé davantage. Si, ensuite, quelqu’un torture cette proposition pour lui faire dire que le facteur économique est le seul déterminant, il la transforme en une phrase vide, abstraite, absurde. La situation économique est la base, mais les divers éléments de la superstructure – les formes politiques de la lutte de classes et ses résultats, – les Constitutions établies une fois la bataille gagnée par la classe victorieuse, etc., – les formes juridiques, et même les reflets de toutes ces luttes réelles dans le cerveau des participants, théories politiques, juridiques, philosophiques, conceptions religieuses et leur développement ultérieur en systèmes dogmatiques, exercent également leur action sur le cours des luttes historiques et, dans beaucoup de cas, en déterminent de façon prépondérante la forme. Il y a action et réaction de tous ces facteurs au sein desquels le mouvement économique finit par se frayer son chemin comme une nécessité à travers la foule infinie de hasards (c’est-à-dire de choses et d’événements dont la liaison intime entre eux est si lointaine ou si difficile à démontrer que nous pouvons la considérer comme inexistante et la négliger). Sinon, l’application de la théorie à n’importe quelle période historique serait, ma foi, plus facile que la résolution d’une simple équation du premier degré. Nous faisons notre histoire nous-mêmes, mais, tout d’abord, avec des prémisses et dans des conditions très déterminées. Entre toutes, ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes. Mais les conditions politiques, etc., voire même la tradition qui hante les cerveaux des hommes, jouent également un rôle, bien que non décisif. ...Il y a donc là d’innombrables forces qui se contrecarrent mutuellement, un groupe infini de parallélogrammes de forces, d’où ressort une résultante – l’événement historique – qui peut être regardée elle-même, à son tour, comme le produit d’une force agissant comme un tout, de façon inconsciente et aveugle. Car, ce que veut chaque individu est empêché par chaque autre et ce qui s’en dégage est quelque chose que personne n’a voulu. C’est ainsi que l’histoire jusqu’à nos jours se déroule à la façon d’un processus de la nature et est soumise aussi, en substance, aux mêmes lois de mouvement qu’elle. Mais de ce que les diverses volontés – dont chacune veut ce à quoi la poussent sa constitution physique et les circonstances extérieures, économiques en dernière instance (ou ses propres circonstances personnelles ou les circonstances sociales générales) – n’arrivent pas à ce qu’elles veulent, mais se fondent en une moyenne générale, en une résultante commune, on n’a pas le droit de conclure qu’elles sont égales à zéro. Au contraire, chacune contribue à la résultante et, à ce titre, est incluse en elle. C’est Marx et moi-même, partiellement, qui devons porter la responsabilité du fait que, parfois, les jeunes donnent plus de poids qu’il ne lui est dû au côté économique. Face à nos adversaires, il nous fallait souligner le principe essentiel nié par eux, et alors nous ne trouvions pas toujours le temps, le lieu, ni l’occasion de donner leur place aux autres facteurs qui participent à l’action réciproque. Mais dès qu’il s’agissait de présenter une tranche d’histoire, c’est-à-dire de passer à l’application pratique, la chose changeait et il n’y avait pas d’erreur possible. Mais, malheureusement, il n’arrive que trop fréquemment que l’on croie avoir parfaitement compris une nouvelle théorie et pouvoir la manier sans difficulté, dès qu’on s’en est approprié les principes essentiels, et cela n’est pas toujours exact. Je ne puis tenir quitte de ce reproche plus d’un de nos récents “ marxistes ”, et il faut dire aussi qu’on a fait des choses singulières. »

F. Engels - Lettre à Joseph Bloch 21-22 septembre 1890

 

"La liberté n’est pas dans une indépendance rêvée à l’égard des lois de la nature, mais dans la connaissance de ces lois et dans la possibilité donnée par là même de les mettre en œuvre méthodiquement pour des fins déterminées. Cela est vrai aussi bien des lois de la nature extérieure que de celles qui régissent l’existence physique et psychique de l’homme lui-même, - deux classes de lois que nous pouvons séparer tout au plus dans la représentation, mais non dans la réalité.

La liberté de la volonté ne signifie donc pas autre chose que la faculté de décider en connaissance de cause. Donc, plus le jugement d’un homme est libre sur une question déterminée, plus grande est la nécessité qui détermine la teneur de ce jugement ; tandis que l’incertitude reposant sur l’ignorance, qui choisit en apparence arbitrairement entre de nombreuses possibilités de décision diverses et contradictoires, ne manifeste précisément par là que sa non-liberté, sa soumission à l’objet qu’elle devrait justement se soumettre.

La liberté consiste par conséquent dans l’empire sur nous-mêmes et sur la nature extérieure, fondé sur la connaissance des nécessités naturelles ; ainsi, elle est nécessairement un produit du développement historique".     F. Engels dans L’Anti-Dühring

Sujet du Merc. 17 Avril 2024 : L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme …

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