Elle
a défrayé la chronique et fait chanter les méchants et les gentils,
(pour reproduire la classification bête et absurde des médias). Elle
est venue, elle a été vue, elle a été vaincue. La sculpture de Paul
McCarthy aura bien fait parler d’elle, pas assez peut-être, pour
finalement subir les affres de la population, visiblement déconcertée
par ce que certains appellent de « l’art ». Mais qu’en est-il réellement
? Le « Tree » n’est peut-être que la face cachée de la Lune, révélateur
de l’art contemporain comme médium de la société néolibérale.
Paul
McCarthy a appelé innocemment son œuvre « Tree », une simple recherche
Internet sur Google aurait permis à l’internaute un peu avisé de
connaître la variété des œuvres de l’auteur, beaucoup moins végétale.
Ainsi
pouvait-on trouver un magnifique étron géant, gonflé et posé en plein
Hong Kong, dont la signification échappe encore à votre humble
serviteur.
Dans un tout autre domaine, aussi subtil et odorant : Georges Bush en train de faire subir des sévices sexuels à un cochon, mais également un enfant encouragé pour son père à pratiquer la zoophilie avec une chèvre.
Ou encore, dans un registre encore plus scandaleux, un enfant aux mains d’un monstre mi-chose mi-homme, à moitié nu… bref, la banalisation de la pédophilie. Cette variété artistique laisse tout de même songeur.
Dans un tout autre domaine, aussi subtil et odorant : Georges Bush en train de faire subir des sévices sexuels à un cochon, mais également un enfant encouragé pour son père à pratiquer la zoophilie avec une chèvre.
Ou encore, dans un registre encore plus scandaleux, un enfant aux mains d’un monstre mi-chose mi-homme, à moitié nu… bref, la banalisation de la pédophilie. Cette variété artistique laisse tout de même songeur.
On ne peut
qu’être ébahi par la somptuosité de cette pléiade de chefs d’œuvres.
Paul McCarthy serait-il le nouveau Rodin ? S’il en a la barbe, il n’en a
ni le talent, ni la grâce.
Dès lors,
quand la presse parisienne s’empresse de clamer « c’est un «arbre de
Noël » (en plein mois d’octobre, c’est bien connu), ou bien encore un
« cyprès », il y a comme un rictus qui envahit le lecteur, auditeur ou
téléspectateur un peu curieux : de qui se moque-t-on ? Si la vertu de la
chose est assurément de briser des dogmes sexuels, au moins pourrait-on
le dire. Mais peut-être a-t-on peur de la contestation populaire ?
Le contemporain n’existe qu’en raison de l’art classique
Quand on y
réfléchit bien, les « œuvres » contemporaines n’existent en France que
parce qu’elles sont exposées dans des lieux chargés d’histoire, de vécu
et de majesté. Dernier exemple en date : le « Tree », savamment déposé comme un cheveu dans la soupe, Place Vendôme.
Et c’est à
ce moment précis que nous sommes en mesure de rendre compte de la
perversité de l’ « art » contemporain. Comprenons bien que ces œuvres,
placées au beau milieu des Halles de Paris ou de Saint-Denis, n’auraient
pas le même effet sur le spectateur. Le « Tree » n’exista en fait que
parce qu’il fut placé Place Vendôme, symbole du luxe, de la Majesté, et
de l’excellence architecturale française. Aux yeux ébahis des touristes
de découvrir le furoncle qui dévisagea Paris. Nier ainsi l’histoire.
Les
statistiques sont incontestables : avec 9,33 millions de visiteurs en
2013, le musée du Louvre reste celui qui attire le plus de visiteurs au
monde. Et ce n’est pas pour admirer le dernier tas de terre déposé dans
un intérieur immaculé que les touristes du monde entier se pressent de
venir chez nous, mais bien pour admirer la Joconde ou les vases grecs
antiques. La France bénéficie encore de la réputation de l’excellence
culturelle qu’il serait utile, préférable votre vitale de conserver. Et
ce n’est pas en gonflant un jouet à la mode que l’on va y parvenir.
Il
convient de s’interroger sur la pertinence de telles dépenses publiques,
quand on sait que Notre-Dame de Paris souffre d’un manque de
financement, que certains ponts sont en décrépitude, et que l’on rase
des quartiers historiques entiers, pour cause de vétusté. Voudrait-on
détruire mille ans d’histoire de France ?
Culturez-vous !
Mais votre
serviteur avait oublié de préciser qu’il venait de province, et qu’en
bon inculte, il lui était impossible de comprendre les subtilités de
l’ « art » contemporain.
Quelle différence, comme l’écrivait dernièrement Luc Ferry, entre un « authentique Soulages et un lambris de Castorama », si ce n’est le nombre de zéros sur l’étiquette des prix et la soumission du lambris à la TVA ? N’en
déplaise à certains, il est difficile pour nous d’avoir la moindre
admiration pour ces œuvres. Peut-être une affaire de goût ? Pourtant, on
reste perplexe devant cette soi-disant créativité et ce, dans tous les
domaines.
Pour avoir vu des pièces de Shakespeare « made in 2014 » il
est difficile de comprendre pourquoi Roméo tire sur son ennemi juré
avec un revolver, vêtu d’un jean et d’un blouson en cuir, le tout
chaussé par de magnifiques Nike bicolores. De
même concernant les mises en scène modernes de Racine ou de Corneille :
pourquoi des cubes et des épées suspendues au plafond ? On a le
sentiment que pour faire artistique, il faut faire extravagant, il faut
faire étrange : faut-il faire laid pour exister ?
Et loué soit le jour où fut mis en scène le Roi Lear (Shakespeare) avec des costumes d’époque, des décors d’époque, ce fut une exception de grâce dans le tumulte du bizarre.
Un artiste, généralement, crée pour la postérité, non pour l’excentricité.
L’art contemporain, medium de la société néolibérale
Aujourd’hui,
n’importe qui a le droit de se définir comme un artiste, c’est la
désignation qui compte. De même, n’importe qui peut écrire un livre, ou
encore se définir comme philosophe. Le propre de l’artiste n’est plus de
« créer par son génie », comme l’aurait défini Emmanuel Kant,
mais bien désormais d’avoir du génie parce qu’il a créé : ce n’est plus
le processus qui est mis en valeur, mais l’objet, devenu œuvre d’art car
défini comme tel, et reflet de la marchandisation de la culture.
Quand les livres de Musso ou de Lévy se vendent comme le dernier jeu vidéo à la mode ; quand on érige en référence littéraire Cinquante Nuances de Gris,
on se demande si le marché et sa logique n’ont pas réellement fini par
primer sur la création culturelle, que le nivellement par le bas
occasionné par l’utilitarisme du marché a triomphé. Pour faire simple :
que la société individualiste néolibérale est devenue reine.
L’ « art » contemporain est un « art neutre »,
si l’on s’en réfère aux orientations de la politique culturelle
américaine post-1945. Selon Clement Greenberg, théoricien de l’Action Painting,
il fallait imposer une hégémonie culturelle pour mieux imposer la
domination économique des États-Unis. On venait donc d’inventer une
mesure pernicieuse du « Soft Power ».
L’art
contemporain a pour fonction principale de véhiculer les valeurs du
néolibéralisme : en pratiquant un élitisme non plus culturel (à savoir
la connaissance pratique des œuvres) mais bien un élitisme social, de
compte en banque, la culture (Bildung en allemand, soit le savoir) est devenue la Kultur (Culture au sens de civilisation, toujours en allemand). Cette Kultur revêt
le manteau de la civilisation, en le sens où il ne s’agit plus de
critiquer l’œuvre d’un artiste, mais le vernis culturel qui la
recouvre : on critiquera plus en réalité l’hégémonie culturelle,
l’uniformité et l’étrange ressemblance des nouvelles œuvres, que les
œuvres en elles-mêmes.
L’accessibilité
universelle a accentué cette logique néolibérale : découvrir les œuvres
sur Internet ou dans des revues a rendu cette Kultur apparemment
universelle, alors qu’il n’en est rien. C’est désormais plus la
possession de l’œuvre qui lui confère un statut d’œuvre d’art. Le fait
que l’on achète un tableau blanc, avec un point rouge au milieu, peut
paraître invraisemblable. Mais comprenons que si nous le faisions
nous-même, nous n’aurions pas la symbolique de l’achat derrière : le
prix fait l’œuvre d’art. Autrement dit, le marché lui confère son
statut. L’offre, comme dirait Say, crée, peut-être, ainsi sa propre
demande.
Et
contrairement à ce que l’on pense, l’ « art » contemporain est loin
d’être l’héritier de l’art moderne. La société néolibérale cherche le
tout conforme, elle cherche le lisse, comme l’entrepreneur cherche la
rationalisation de sa production et met en branle la chaîne de
production. Elle cherche en vérité ce qui est radicalement différent,
tout en étant clone. Le contenu ne change pas, la forme très peu, mais
la symbolique varie toujours.
L’art moderne, que l’on pourrait (grossièrement) réduire aux courants « Art Nouveau » et « Art Déco »,
se caractérisait bien au contraire par le rejet des carcans et du
classicisme. Leur formidable créativité se trouvait bien dans le primat
de la pratique sur le primat de l’objet fini : ce qui compte, c’est la
création, non l’œuvre ; c’est l’invention d’un système, et non l’objet
en lui-même: ainsi naquirent des courants où tous les domaines de l’art
étaient approchés (architecture, sculpture, peinture etc.), pensés,
comme si les maîtres Majorelle ou Auguste Perret avaient projeté une
vision systémique de la société. Le
nouvel art, quant à lui, n’approche pas le monde ni la vie, il ne porte
aucune critique à leur égard, mais les conforte et les confirmes. Le
Nouvel Art, c’est Queteris Paribus : on change les œuvres, mais
le monde autour ne change pas. Cet art n’influe pas sur la société. Il
institue cette même société du « moi », alors qu’il aurait tant à lui
reprocher.
Ainsi, la
production formaliste n’est pas engagée à transformer la réalité, mais à
la reproduire, tout en faisant croire qu’elle la transforme. Elle ne
peut donc jouer que par la surenchère : un peu à l’image d’une bulle qui
grossit de l’intérieur, comme spéculative. Et pour exister dans
l’univers médiatique, il faut une violence, une forme de choc
émotionnel, devenu critère de la « créativité » et par conséquent de la
valeur artistique. C’est ainsi que l’on paiera des milliers d’euro un
étron gonflable en plein Hong Kong. Que l’on n’hésitera pas à aller vers
l’obscène, l’amoral, au nom de l’art et de la culture, pour mieux
satisfaire les exigences d’un marché devenu gaster.
La
vocation première du Nouvel Art Mondial, incarné ici par McCarthy, est
donc d’anesthésier affectivement l’individu le plus faible d’esprit (et
par conséquent le plus vulnérable). Montrer
la zoophilie ou la pédophilie au nom de l’art, n’est qu’une manière de
promouvoir un nouvel opium du peuple, comme pour anesthésier l’inculte
population qui n’apprend plus à reconnaître les tableaux du Caravage, ni
à les analyser.
Non ! Cette culture est réservée à une élite sociale que l’on qualifiera par la suite d’illuminée. Mieux vaut l’idéologie de la Kultur, beaucoup accessible pour la masse, et par conséquent beaucoup plus intrusive.
Non ! Cette culture est réservée à une élite sociale que l’on qualifiera par la suite d’illuminée. Mieux vaut l’idéologie de la Kultur, beaucoup accessible pour la masse, et par conséquent beaucoup plus intrusive.
Ce dernier
permet ainsi à l’idéologie mondialisée de pénétrer le petit
consommateur, qui de manière inconsciente, n’hésitera pas à cautionner
la société où lui et ses semblables, sont atomisés. La société
néolibérale, est sans doute le totalitarisme du XXIème siècle.
Henry Wotton
http://lenouveaucenacle.fr/pluggate-la-societe-neoliberale-contestee
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