dimanche 28 avril 2019

EXCEPTIONELLEMENT LE CAFE PHILO SE TIENDRA LE MARDI 30 Avril (heure habituelle) : sujet : « Tout le passé pèse sur le présent » F. Braudel


ATTENTION CAFÉ PHILO CE MARDI 30/04 à 20H30



« Tout le passé pèse sur le présent » F. Braudel

Fernand Braudel est considéré comme l’historien qui a révolutionné  la discipline historique en particulier en introduisant le concept de « temps long » ou encore la prise en compte des éléments matériels d’une civilisation.
Dans cette citation il semble y avoir une évidence. Pour nous tous, individus ou collectif il parait évident que les événements du présent sont les conséquences d’un passé qui peut être très ancien. Mais cela se manifeste le plus souvent sous des formes extérieures, superficielles et nos contemporains s’ils restent fascinés par ces traces du passé n’en demeurent pas moins ignorants de l’importance sous-jacente d’éléments historiques juste bons (pour eux) à figurer dans les livres d’histoire (ou ce qu’on appelle aujourd’hui livre d’histoire !).

La langue, l’architecture, la gastronomie, les rites, sont très facilement perçus comme issus d’un passé parfois lointain. En ce sens on peut aisément déclarer que le passé pèse sur le présent.

Mais cela est moins évident pour l’histoire collective des hommes en action. Puisqu’on parle de l’Europe, qui aujourd’hui retrace les premiers liens qui fondèrent l’Europe des matières premières dès le 19ième siècle ? Alors qu’on nous vend une histoire de l’Europe post-Libération ou Monnet et Schumann seraient les pères fondateurs.
Comment comprendre la situation au Proche-Orient si on ignore les manœuvres ds grandes puissance dès le début du 20 ième siècle ? C'est pour ces quelques raisons, données en simples exemples qu’il me semble trop sibyllin  de parler comme le fait Braudel du poids du passé sur le présent.

Les intellectuels sont souvent dans des tours d’ivoire. Le passé et le présent ne sont pas des données neutres. Tout le monde sait que l’histoire est écrite par les vainqueurs. Et Braudel semble l’ignorer et vouloir passer à côté. Cela est particulièrement visible dans son ouvrage «Civilisation matérielle, économie et capitalisme ». La question centrale qui sert de fil conducteur à Braudel est celle des conditions de formation du capitalisme en Europe au cours des temps modernes (du XVIe au XVIIIe siècle). Il tente d’y répondre en recourant au concept d’économie-monde.

 En définitive, pour Braudel, c’est pour être parvenue, à la faveur de son expansion commerciale et coloniale, à constituer autour d’elle et à son bénéfice une économie-monde à l’échelle planétaire que l’Europe occidentale a eu le privilège de constituer le berceau historique du capitalisme.

Soit, admettons qu’il ait raison pour l’Europe, mais Braudel va plus loin il prétend étendre son modèle en une sorte de notion « tout terrain », qui le conduit à l’étendre à différents espaces et à différentes époques, au risque d’en compromettre l’unité : le monde romain antique centré sur la Méditerranée, le monde méditerranéen puis toute l’Europe occidentale au Moyen Age, la Russie d’avant Pierre le Grand, l’empire ottoman jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, l’Inde, l’Insulinde et la Chine, avant l’arrivée de Européens et même longtemps après, ont été pour lui autant d’économies-mondes.

Cela s’explique en définitive par le déficit de définition en compréhension du concept, que Braudel réduit à l’énumération de quelques caractéristiques descriptives. Mais rien ne nous est dit ni des conditions minimales requises pour que se constitue une économie-monde, ni de ses processus générateurs ou de ses dynamiques internes, encore moins de ses éventuelles contradictions.

Le passé est beaucoup plus divers que le schéma braudélien. Faute d’en déceler la complexité en restant à la surface des phénomènes. Braudel travaille l’histoire en la réduisant soit à un ensemble de choses (réification) soit à une série de dispositions subjectives (personnification), Ignorant qu’elle est d’abord un rapport social de production qui transforme ces choses en moyens de valorisation et ces dispositions en pratiques de valorisation.

lundi 22 avril 2019

Sujet du Merc.24/04 : « La nature agit, l’homme fait » E. Kant


      «  La nature agit, l’homme fait » E. Kant

Par la notion de « la nature agit » Kant fait référence au  comportement  automatique  et  inconscient  des  animaux  caractérisé  par  un  ensemble  d’actions  déterminées,  héréditaires,  spécifiques,  ordonnées  à  la  conservation  de  l’espèce  ou  de  l’individu.         
 L’instinct exclut  la liberté.  La  fin  poursuivie par  l’animal  n’est  pas  choisie,  les  moyens  propres  à  la réaliser  sont des gestes  stéréotypés  que  l’animal  accomplit  sans  réflexion.  En  lui  la  nature  accomplit  sa  propre  nécessité  dans  des  opérations restant de part en part naturelles. Nulle invention, nul progrès dans le monde animal et cela est, en un sens, le  signe de sa perfection. Il n’a pas besoin de se perfectionner puisqu’il est d’emblée adapté. « Par son instinct un animal est déjà tout ce qu’il peut être, une raison étrangère a déjà pris soin de tout pour lui. Mais l’homme doit user de sa propre  raison. Il n’a point d’instinct et doit se fixer lui-même le plan de sa conduite ».        

En effet rien n’est « donné » à l’homme. Il doit tout conquérir à la sueur de son front. A l’aube de l’histoire de l’espèce humaine ou à la naissance de chaque individu,  l’homme est un candidat à l’humanité mais  un candidat seulement. Il a des dispositions mais  celles-ci  doivent  être  développées  pour  parvenir  à  la  pleine  réalisation  d’elles-mêmes.  Or  cet  accomplissement jamais achevé est œuvre collective. Il  implique un temps sans commune mesure avec celui qui est dévolu à l'existence individuelle.  Il  suppose  des  exercices,  des  apprentissages,  une  instruction  dans  lesquels  la  dimension  historique  est essentielle. Il n’est pas indifférent de naître à l’âge de Neandertal ou à celui de l’ordinateur. En cultivant ses aptitudes pour  atteindre  ses  fins,  l’homme  transforme  son  milieu,  produit  des  œuvres  techniques,  intellectuelles,  artistiques,  institutionnelles et par là se transforme lui-même. La longue suite des générations ne laisse pas l’homme inchangé. On  observe  une évolution  au  cours  du  temps  et même  un  progrès.  Les  outils  de l’homme moderne sont infiniment plus performants que les outils de Cro-Magnon, son mode de pensée moins frustre, ses mœurs plus raffinées. Il y a bien un mouvement permettant d’affirmer que par ses efforts, l’homme « s’élève de la plus grande rudesse d’autrefois à la plus  grande habileté, à la perfection intérieure de son mode de pensée ».

D’où l’inter-relation : la culture, l’histoire qui sont des produits de l’activité humaine sont en retour ce qui la modifie. L’homme est bien à lui-même sa propre production. Il tire tout de lui-même sauf ce par quoi cela est possible : sa raison et  sa  main,  mais  ces  aptitudes  portent  en  creux  le  mouvement  de  la  culture  et  de  l’histoire.  Comme  toutes  les dispositions, elles n’actualisent que progressivement leurs potentialités. Elles témoignent en tout cas que l'homme n'est pas déterminé à être ce qu'il est. Sa nature est originairement indéterminée. C'est une somme de possibles qu'il lui revient de déployer dans tel ou tel sens.

L’homme est donc bien libre de l’instinct. D’où l’urgence de réfléchir sur le sens de son aventure.

La raison est fondamentalement liée à la liberté. Certes  comme l’animal, l'homme doit assumer la nécessité vitale. Il est contraint  lui aussi de pourvoir  à  la satisfaction  de ses  besoins.  Si on  appelle  « bonheur »  (ou  bien-être pour  l’animal)  la satisfaction  des  besoins  et  des  désirs,  alors  il  faut  dire  que  l’aspiration  au «  bonheur »  est  une  tendance  commune  aux  hommes et aux animaux. Le « bonheur » serait une finalité propre aux espèces animales ?

Mais si le bonheur était la seule finalité de l’existence humaine, pourquoi la nature nous  aurait-elle engagés  dans la douloureuse aventure qui est la nôtre ? Car outre qu’avec la conscience, le besoin devient désir, c’est-à-dire dynamisme beaucoup  plus  difficile  à combler,  l’homme ne  peut atteindre  ses  buts  que par le  travail.  Or  travail  implique  efforts, souffrances.  La transformation de l’homme et du monde par le travail n’est pas  un chemin de délices. « Une foule de peines  attendent l’homme ». Il est dur de tout devoir tirer de soi. Songeons que même les divertissements qui peuvent rendre la vie agréable sont conquis de haute lutte.  Le moindre spectacle, les  plaisirs  du  sport, de l’art coûtent cher en sacrifices et en douleurs. 

La nature semble nous avoir destinés à la conquête plus qu’à la jouissance proprement dite des fruits  de  notre  labeur.  A  bien  observer  les  choses,  on  a  l'impression  qu'on  est  moins  fait  pour  être  heureux  que  pour promouvoir par notre effort les conditions d'un bonheur mérité. Et cette observation va dans le sens des requêtes de  la  conscience commune.  

 Pour  chacun  le bonheur  est  un  bien  et  une  aspiration  naturelle,  mais  on  s'indigne lorsqu'on  constate que tout réussit à un paresseux et à un méchant alors qu'un homme vertueux peut être accablé par les coups du sort. Cela ne signifie-t-il pas que les hommes conçoivent le bonheur comme ce qui devrait être la récompense du mérite moral?  
 
Ils subordonnent donc la finalité naturelle (le bonheur) à une finalité plus élevée, une finalité éthique, décrite comme « mérite », « estime de soi » ?

dimanche 14 avril 2019

Sujet du Mercredi 17 Avril 2019 : Le rôle de la violence dans l’histoire.


                           Le rôle de la violence dans l’histoire.

Il est souvent admis que la violence de l’homme est dû à sa « part d’animalité »,  la violence serait  intrinsèque à l’homme.

Les études de deux cousins éloignés de l’homme qui sont séparés par le fleuve Congo apportent certains éléments de réflexion : 

Les Bonobos vivent dans la boucle du fleuve.  Ils ont un moyen pacifique de résoudre les conflits en interne et avec les autres groupes de bonobos.
Les  chimpanzés qui vivent sur les berges externes de la boucle du fleuve, sont plus agressifs et peuvent, en cas de conflit avec une autre tribu, pratiquer le cannibalisme.
Pourquoi pour des cousins germains ont-ils une telle différence de comportement ? Il faut partir des conditions d’existence de ces espèces. le bonobo n’a pas de concurrent dans sa strate écologique. Le chimpanzé, lui,  est en concurrence avec le gorille des. il doit donc être plus agressif pour défendre son territoire contre les autres groupes de chimpanzés pour assurer la subsistance du groupe. Le régime de la hiérarchie dans les deux groupes est différent , une femelle chez les bonobos, un mâle chez les chimpanzés . Chez les animaux il n’y a pas de violence gratuite mais les conditions de survie de l’espèce déterminent l’agressivité.

Pour l’homme, qui est un primate supérieur, comment s’explique la violence ?  
Nous devons avoir une démarche scientifique et pour cela nous allons partir des premières manifestations connues de l’homme par les traces paléoanthropologiques qu’il a laissé.
L’homme apparaît en Europe au paléolithique ancien en venant de l’est de l’Europe et du Proche Orient, il y a un million d’année (il ne deviendra Homo Sapiens que vers -150 000 ans). Il pratique une économie de prédation, c’est à dire qu’il prélève sur la nature  en fonction de ses besoins à court terme. Il est nomade cela ne veut pas dire qu’il se déplace de manière constante mais en fonction des saisons et aussi des refroidissements et des réchauffements climatiques (cinq épisodes en un million d’années).          
Les paléontologues estiment leur population à 1 million sur l’ensemble de l’Europe. Ils vivent par petits groupes entre 30 à 50 personnes. Ils ont peu d’enfants (durée de vie brève et sélection naturelle à la naissance).
L’étude de leurs nécropoles montre qu’il n’y a pas un homme au-dessus des autres. Chaque individu est assigné à une tache qui sert le collectif  (ce que montrent aussi les études ethnographiques sur les tribus isolées à notre époque). Ils collaborent aussi avec d’autres groupes et se reproduisent entre groupes. Nous n’avons pas de trace de batailles (pas de traces sur les ossements de blessures contondantes). Il leur arrive de pratiquer le cannibalisme de manière très occasionnelle. Il n’y a pas de trace de violence sur les personnes ingérées. Ces hommes avaient un grand respect pour les animaux qu’ils considéraient comme faisant un tout avec eux et la nature. Certain paléontologue émettent l’hypothèse qu’étant donné  l’importance de chaque individu dans le groupe, le sacrifice est exceptionnel  mais aucune trace ne vient corroborer cette hypothèse très « moderne ». Durant cette période, sur les peintures rupestres nous ne voyons que des animaux.

Au Mésolithique (- 10 000 ans) nous avons un réchauffement climatique qui va découvrir de nouveaux territoires et un climat tempéré. La sédentarisation va se faire à partir de l’élevage. Un moyen de chasse nouveau va  se développer ; l’arc. La domestication du porc va amener des épidémies dont les populations sédentaires ne comprennent pas l’origine, les tombes collectives apparaissent suggérant une augmentation des sacrifices humains ; mais de nombreux chercheurs infirment ces points de vue : Rupert A. Housley, professeur en archéologie à l'université de Glasgow n'est pas aussi affirmatif: «si le sacrifice est une explication possible il y en a d'autres. Je dirais que ce n'est qu'une possibilité parmi beaucoup d'autres.»; conduisant une étude dans le sud de la Russie sur les liens entre l'homme de Neandertal et l'homme Moderne, il souligne que les inhumations multiples étaient courantes à cette l'époque et que de nombreux enfants mouraient à un jeune âge.        
L’agriculture va apparaître, une production qui peut-être stockée  d’une année sur l’autre voire sur plusieurs années. Le matriarcat fait place au patriarcat, les dieux dominants deviennent des dieux guerriers et masculins. Sur les peintures rupestres du néolithique des hommes avec des arcs apparaissent, non seulement ils chassent mais parfois ils combattent d’autres hommes. Dans les sépultures, grottes, dolmens, on voit apparaitre les blessures par flèches, coups etc.. .

Que s’est-il passé ? Avec l’augmentation de la production due à l’agriculture il y a une augmentation de la population. La surproduction de céréales et le développement inégal du néolithique à l’échelle d’un vaste territoire, vont amener à la formation d’une caste de guerriers avec un chef. Peu à peu la propriété qui était collective va être privatisée aux profits des guerriers. La caste des guerriers ne travaille pas aux champs. Il faut produire plus pour les entretenir.  Ils vont prendre le pouvoir, les opposants sont dominés ou éliminés. La violence se fait d’abord au sein du groupe. Puis il faut trouver de la main d’œuvre donc ils vont réduire par la guerre d’autres populations en esclavage.  C’est la période du néolithique final
En  Europe vers - 800 avant notre ère les chasseurs cueilleurs disparaissent totalement.

Au moyen orient l’évolution est plus rapide et bien antérieure à celle de l’Europe en particulier dans la zone en le Tigre et l’Euphrate : la Mésopotamie  (Irak actuel). La violence de petit groupe (tribu) va se transformer peu à peu en une violence d’état qui va apparaître avec les premiers royaumes et empires. L’écriture, le droit vont être inventés pour contrôler la propriété et la production aux profits des classes dirigeantes qui vont confisquer à leur profit la surproduction.

C’est le XIX siècle occidental qui va créer cette vision que la violence est le côté animal de l’homme pour justifier par la violence la colonisation des « sauvages » auxquels les occidentaux vont amener la « civilisation » (ce qui était déjà le discours des conquistadors exterminant les indiens des Amériques au 16ième siècle).

Références : sur youtube conférence de Marylène Patou « Préhistoire de la violence et de la  guerre ». Sur youtube encore, « L’état ce n’est pas vous » une explication avec beaucoup
d ‘humour du néolithique

Ouvrages : Marylène Patou -  Préhistoire de la violence et de la guerre.  Marx et Engels  l’origine de la famille de la propriété et de l’état Engels : le rôle de la violence dans l’histoire.
Engels Anti-Dühring  économie politique chapitre  II , III , IV

Âge de pierre, âge d'abondance. L'économie des sociétés primitives
Trad. de l'anglais (États-Unis) par Tina Jolas. Préface de Pierre Clastres

Du même auteur et GRATUIT :

La nature humaine : une illusion occidentale par Marshall Sahlins, 2008

Version PDF N° 75 de 62 pages – Composé comme suit ;

La Nature humaine, une illusion occidentale Avertissement ► P.    4
La Nature humaine : une illusion occidentale ► P.    5
Hobbes et Adams : deux thucydidéens ► P.    6
La Grèce ancienne ► P.   12
Une autre conception de la condition humaine ► P.   26
La monarchie médiévale ► P.   31
Les Républiques de la Renaissance ► P.   36
Les Pères fondateurs ► P.   40
Quand la morale s’empare de l’égoïsme ► P.   46
D’autres mondes humains ► P.   48
Voici venu le temps de pleurer sur notre sort ► P.   53
La culture est la nature humaine ► P.   56



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