lundi 31 octobre 2022

Sujet du Merc. 2 Nov. 2022 : Etions nous avant d'exister ?

 Etions nous avant d'exister  ?


Nous sommes. Mais qu'est ce qu'être ? Les animaux, les végétaux, les roches sont. Ah, bien sûr "ils" ne sont pas comme nous ! Mais leur existence est indéniable. Qu'est ce qui ferait donc la spécificité de notre être ? La philosophie répond peut-être par un terme : l'essence.

Nous serions essentiellement différents des animaux et des choses. Mais sur quoi reposerait cette essence ? : le langage ? la conscience ? ….

Les conditions nécessaires de l'essence humaine pourraient être les suivantes : nous nous savons mortels (conscience), nous possédons un langage, nous sommes socialisés et nos sociétés ne sont pas figées comme celles des fourmis ou des abeilles.

Mais ces conditions nécessaires sont elles suffisantes ?

Et si nous nous ne faisions une idée fausse sur nous-mêmes ? Du plus profond de la préhistoire jusqu'à nos jours nous avons créé des outils extraordinaires qui nous ont permis de maîtriser la nature, de résoudre des problèmes scientifiques considérables. Nous avons créé des dieux et nous sommes mis à genoux devant eux. Tout cela, si l'on observe superficiellement les choses, est sorti de notre cerveau.

Mais quel cerveau ? Celui d'un génie ? d'un homme ou d'une femme providentiel ? Difficile à dire, mais ce qui semble certain c'est la place considérable que « l’esprit » a occupée dans la sphère de la compréhension du monde. Tout s'est mis à graviter autour de ce concept "spirituel", fondant en quelque sorte notre essence : la vérité, la justice, la beauté, l'homme lui-même …. Et tout ça avec des majuscules s'il vous plait. Des catégories en elles mêmes.

Et si nous faisions fausse route ? Car tout cela est bien beau, mais que serions nous si, au préalable nous n'existions pas ?

Le cerveau est matière, notre chair est matière et même nos influx nerveux qu'ils soient chimiques ou électriques sont une des formes de la matière. L'horreur (pour certains) de ces propos semble nous renvoyer à une sorte de matérialisme primitif et il faut donc bien dissiper les malentendus.

Que notre cerveau produise des idées, cela se constate tous les jours. Mais tous les jours, et à cela on n'échappe pas, il nous faut manger, boire. Pour penser, pour être en tant qu'ESSENCE, il nous faut - AU PREALABLE - résoudre certaines relations avec le monde qui nous entoure et dont la plus fondamentale est le fait de s'alimenter.

C'est notre existence, comme une plante qu'on arrose, ou un animal qu'on nourrit, qui fonderait donc notre essence ?

En partie probablement. Mais ce n'est, me semble t il pas tout. Il nous faut les autres humains. L'étude de ce qu'on a appelé les enfants loups a montré qu'au-delà d'un certain stade de désocialisation un être humain n'avait plus les capacités à vivre une vie sociale classique. Que son évolution intellectuelle était figée.

Le problème de l'essence et de l'existence ne peut donc pas être envisagé de manière séparée ou hiérarchisée. C'est le rapport entre la vie matérielle, ses conditions de développement et le rapport social qu'établissent les êtres humains entre eux qui fondent la spécificité de l'homme. Sans alimentation et boisson, pas d'homme car pas de vie. Pas d'existence ! Sans autres hommes, langage, échange, transmission des savoirs, pas d'essence, pas d'esprit.

" Etions nous avant d'exister ?". Nous existons avant que d'être, mais si cette condition est nécessaire – déterminante -, elle ne saurait fonder à elle seule l'humaine condition qui repose dialectiquement sur le deuxième terme : la socialisation par le langage et l'échange. Ce que nous appelons "l'esprit" agit en retour sur notre existence et peut par un effort de volonté, agir sur les déterminismes sociaux et culturels qui régissent notre existence sociale. On aboutit ainsi à ce qu'il est convenu d'appeler l'homme.

 

 

Blog du café philo  http://philopistes.blogspot.fr/

dimanche 23 octobre 2022

Sujet du Merc. 26 Octobre 2022 : NOTRE AMIE, LA CARTE BLEUE ?

 

NOTRE AMIE, LA CARTE BLEUE ?

 

Et zoum, je passe ma Carte ! Ah,oui, ‘sans contact’. Et zoum, non, vite mon doux portable « sans contact » ! Et bientôt, je suis sur tous les écrans. Et même plus : plus besoin de toute cette quincaillerie. L’adjonction d’un nano-élément à mon génome (!) me connecte à tout. Tout. J’ai dit tout. Et je suis débité « à l’insu de mon plein gré ». Indolore car inaperçu. Vive la bonne vie facile ! Pratique. Je suis le tout consumériste omnipotent en soi, l’individu-roi sui generis. Celui qui croit être sa propre création et non celle de la société. Mais en réalité, je ne suis néanmoins que par l’entremise de la connexion « tout numérique » ! En fait je suis le produit, l’objet d’un système conçu par d’autres, « anonymes » que j’ignore (toujours à l’insu de mon plein gré. Hé,hé !). Mais qui me déterminent de bout en bout (Spinoza). Je suis fier et heureux comme le chien domestique pataud de La Fontaine, Huxley, Fukuyama.

 

Dans la société du tout consumérisme, la Carte Bleue de paiement numérique n’offre-t-elle pas un univers sans limites à l’image de l’azur profond et infini d’un ciel serein et sans nuages ? En effet, y a-t-il meilleure amie que celle qui me donne un accès immédiat et illimité aux promesses sans bornes du marché capitaliste de toutes les pulsions et désirs marchands ? Surtout quand les dépenses que permet la Carte se font sans la moindre espèce monétaire (« Allons les poches vides ! ») et surtout ‘sans contact’ physique. Le Covid règne ! Comme si cette Carte était aussi immatérielle et immédiate que Dieu ou que l’instant présent aussitôt venu qu’évaporé. La technologie existe pour que la simple idée ou intention inconsciente d’un achat, sans que mon corps n’y participe aucunement, se fasse bientôt comme passent les anges. Corps et esprit seraient ainsi séparés. Cela sera encore plus et mieux une fois que sera acquise l’acceptation que la Carte se réduise en une imperceptible nano-trace numérique, stockée en tant que données de tout mon être sur une particule infime de mon génome. Je serai alors une marchandise totale. Par mes comportements n’ai-je pas implicitement accepté cette évolution ? Une fois encore « à l’insu de mon plein gré » ?

 

Mais avant cela, par un grand laisser-aller paresseux, ne me suis-je donc pas déjà réduit à régler tous mes achats par Carte Bleue ? La Carte fiche et code, mémorise et analyse en permanence son usager. Et, une fois sa puissance intégrée à celle d’un portable, elle le fait pour toutes mes envies, au gré de mes pérégrinations ou même sans que je bouge, y compris avant achat. Centrée sur l’ignorance généralisée des causes qui déterminent l’intégralité de la vie de l’usager (Spinoza), cette évolution ouvre grand la porte à une réalité numérique encore plus totalisante : le métavers Zuckerberg.

 

Le métavers est une gigantesque architecture d’espaces virtuels interconnectés (commerce, culture, famille,…) dans lesquels des milliards d’utilisateurs partageront leurs expériences (y compris des essais de matériels, de vêtements ou de santé, etc.) en se dotant de multiples personnalités. Ce sont celles d’avatars numériques, mais bien réels par leurs effets d’immersion, induits par un système de réalité virtuelle selon des effets marketing et de manipulation mentale et pulsionnelle ou de celle portant des peurs induites par une terreur concertée (conjectures du Covid, syndrome de fin du monde climatique, de biodiversité ou de ressources naturelles). Les enseignements d’Epicure sur le nécessaire tri des désirs, envies et passions sont mis à mal.

 

Ces progrès fulgurants et les problèmes attenants soulèvent d’immenses questions repoussant les limites de l’éthique. Serons-nous bientôt intégralement pris dans les filets des machines qui nous scrutent dans le but de nous identifier, de connaître toutes nos habitudes et nos pensées les plus intimes pour en tirer une valeur marchande et politique et nous réduire à des marchandises ? Le régime chinois y serait-il déjà presque parvenu par son Système de Crédit Social ? (cf la chaîne LCP : « Ma femme a du crédit »)

 

Dans l’immédiat, comme dans la caverne de Platon, la ‘Carte Bleue sans contact’ ne permet-elle pas d’infinis prodiges ? Même s’ils n’existent qu’à l’aune des possibilités de mes comptes, emprunts et dettes bancaires. D’une part, grâce à la Carte, la satisfaction de toutes mes envies a la vitesse de l’électron. Ce qui, face à mes pulsions, ne m’autorise pas le temps de la réflexion. C’est l’anti tétrapharmakon , quadruple remède d’Epicure menant à la vie la plus heureuse possible.

 

D’autre part – et ce n’est pas rien – au niveau des milliards d’hommes peuplant la terre cela permet potentiellement aux banques privées de surmultiplier indéfiniment l’argent, existant initialement sous forme de billets, tout en le supprimant en même temps que les contraintes que ce type de monnaie (fiduciaire) leur imposait. (Relisons bien cela.) Pour, par cette opération, le remplacer par une production presque infinie de monnaie scripturale électronique appartenant en propre au système bancaire qui la crée par les crédits-dettes que, dans sa grande mansuétude, il consent à nous accorder.

 

Ainsi ce système oriente, à l’infini et à l’insu de presque tous (Spinoza), potentiellement toutes les activités humaines selon les valeurs marchandes du capitalisme bancaire financiarisé. Ce processus réduit les hommes à des produits ou objets de même nature. Les hommes deviennent intégralement des marchandises. Ce n’est pas une mince affaire même s’ils la négligent à l’instigation des plaisirs et facilités innombrables que cette « bonne amie » leur prodigue.

 

Précédé de multiples crises toujours plus profondes, à terme ce processus est une impasse. Mais ces crises permettent néanmoins au capitalisme de se régénérer sans cesse (ce qui, au passage, nécessite guerres et conflits). Entre temps le système est géré avec doigté afin de bien exploiter les hommes (« puisqu’il n’y a de richesse que d’hommes » selon Jean Bodin, philosophe de la Renaissance) en les réifiant au niveau d’un « bien-être » consumériste supposé auquel on les induit à accéder avec avidité. Epicure, où es-tu ?

 

Pour échapper à ce sort, un premier acte d’autoprotection serait de refuser l’usage systématique et compulsif de la Carte de paiement dans nos transactions (depuis la boisson conviviale partagée au café jusqu’à infiniment plus) que les banques privées promeuvent activement par l’avantage pratique et immédiat du « sans contact ». Ce faisant elles font disparaître les billets (monnaie fiduciaire de banque centrale). Cela assujettit plus sûrement les populations à des inégalités sociales et politiques toujours plus grandes qu’on voit partout. Va-t-on stupidement te nourrir encore longtemps, Big Brother d’Orwell d’autant plus redoutable que tu es aujourd’hui devenu doux et souriant comme un grand panda géant ?

mardi 18 octobre 2022

Sujet du Merc. 19 Octobre 2022 : Peut on faire des hypothèses

 

Peut on faire des hypothèses sur le futur ?


 MARTINO : Non seulement on peut, mais on doit faire des hypothèses sur le futur, car c’est encore la meilleure façon de se préparer pour le vivre. Je te signale que le futur commence à l’instant et, si je n’avais pas fait l’hypothèse que nous allions prendre un verre ensemble au café-philo, peut être n’aurai-je pas eu le plaisir de débattre sur cette question avec toi.

 

ARTHURO : Oui mais le futur est contingent, imprévisible. Ce n’est pas seulement l’exemple de notre verre, proposition assez banale somme toute et à si court terme, et sachant que tu me dois ce pot depuis longtemps, qui me convaincra de la simplicité de la question.

 

MARTINO : Ah bon, c’est moi qui invite ? Je ne l’avais pas prévu.

 

ARTHURO : Tu vois bien que si tu émets une hypothèse, tu t’engages dans une action et rien ne permet de dire que celle-ci aura les effets prévus. Surtout s’ils te paraissaient « évidents ».

 

MARTINO : D’accord mais il faut savoir au préalable dans quel cadre métaphysique tu acceptes de placer la question de la prévisibilité de l’avenir ?

 

ARTHURO : Et toi, dans lequel ?

 

MARTINO : En ce qui me concerne je serais plutôt tendance Leibniz. Selon ce philosophe ayant inspiré le fameux Pangloss, il est un principe de raison suffisante selon lequel chaque chose existe nécessairement. En effet Dieu choisit, parmi tous les mondes possibles, le meilleur.

 

ARTHURO : Mais alors se pose le problème de la compatibilité d’un tel principe déterministe avec celui de la liberté humaine. Puisque le futur est tracé par la volonté de Dieu, toute action humaine, toute hypothèse impliquant cette action, ne pourraient qu’aboutir à un avenir finalisé, justifié à l’avance, prédestiné. On voit bien le danger de cette philosophie d’inspiration totalement métaphysique pour ne pas dire téléologique.

 

MARTINO : Pourquoi le danger ?

 

ARTHURO : Parce que, s’il y a une fin écrite à l’avance, cela donne du zèle à ceux qui cherchent à justifier les moyens qu’ils veulent utiliser pour y parvenir. Et surtout à ceux qui prennent le pouvoir de décrire cette fin, au prétexte qu’ils sont censés la connaître mieux que les autres. Tu veux des exemples ?

 

MARTINO : Mais on doit bien faire des hypothèses sur le futur, ne serait-ce que pour ne pas accepter forcément toutes celles qu’on cherche à nous imposer.

 

ARTHURO : C’est en effet un devoir, mais à condition de rectifier la méthode en inversant le raisonnement finaliste.

 

MARTINO : Et comment inverser le raisonnement ?

 

ARTHURO : La métaphysique de Leibniz qui conduit donc au finalisme (Le meilleur des mondes possibles) est basée sur une sorte de déterminisme à l’envers, un rétro déterminisme en quelque sorte, où l’effet précède la cause. Puisque Dieu a choisi notre futur, et si nous affirmons notre croyance en cette vérité transcendantale, toutes nos actions et hypothèses d’avenir s’inscrivent alors irrévocablement dans cette perspective. Dans ce cas de figure, l’hypothèse n’est qu’un effet, non une cause. Au contraire si nous croyons plutôt à un déterminisme scientifique positif et causal, nous pouvons effectuer une réflexion sur l’analyse des causes qui engendrent les phénomènes de la nature et du monde sans même chercher à savoir si celui-ci a une justification ou une signification qui préexisteraient à l’action humaine. C’est donc par ses libres choix et par la responsabilité de ses actes que chacun d’entre nous devrait décider du sens qu’il entend donner à sa vie pour contribuer à la marche du monde qui l’entoure.

 

MARTINO : C’est bien le point de vue de Sartre et de l’existentialisme athée que tu avances là.

 

ARTHURO : Peut être, mais cette position est le seul moyen de répondre au titre même de notre café-philo de ce jour (Peut-on faire des hypothèses sur le futur ?). Car ce n’est pas  « Doit-on … », mais « Peut-on … ». Alors je dois bien jouer Sartre contre Leibniz si je veux avoir la possibilité de répondre «  Oui, on peut …» et exprimer le pouvoir de ma liberté de penser, plutôt que «  Oui, on peut toujours essayer… », et n’exprimer que mon pouvoir de résignation.

 

MARTINO : Mais alors si la réponse est « Oui on peut… », çà écarte la possibilité de débattre sur le « Non on ne peut pas… ».

 

ARTHURO : A mon avis, et si l’on se place du point de vue sartrien, la question initiale peut être bonifiée et s’interpréter ainsi : « Peut on faire de bonnes hypothèses sur le futur ? ». Et à ce moment là la problématique tourne alors autour de la plus ou moins bonne pertinence de toute méthodologie utilisée lors de l’émission d’hypothèses.

 

MARTINO : Il est certain que si l’on écarte les considérations métaphysiques (sauf à considérer que la science est elle-même une métaphysique mais alors aucune philosophie positive ne serait possible), on peut essayer d’avoir une discussion critique sur le caractère plus ou moins rationnel de la valeur d’une hypothèse.

 

ARTHURO : Et rendre hommage à des gens comme Claude Bernard par exemple.

 

MARTINO : Bien sûr, mais que faire des « prévisionnistes » qui émettent toute une foultitude d’hypothèses sur le futur sans aucun recours à la science, ou alors en l’utilisant malhonnêtement ou comme science « infuse » ?

 

ARTHURO : Je te laisse te dépatouiller, sans moi, avec tous ces camelots de la connerie humaine, à commencer par ceux dont le nom commence par la lettre « a » : aéromanciens, alectromanciens, aleuromanciens, alphitomanciens, anthroposcopiens, arithmanciens,

anthroposcopiens, astrodianosticiens, astrognosiens, astrologues, astromanciens, axinomanciens…et tant d’autres.

 

MARTINO : Et c’est comment, selon toi, une bonne hypothèse sur le futur ?

 

ARTHURO : Une bonne hypothèse est une hypothèse modeste et raisonnable qui n’utilise que l’extrapolation des lois causales dans le respect du cadre de leur domaine de validité et qui est contrôlée en permanence, régulée en quelque sorte, par l’expérience du réel. Une hypothèse est en quelque sorte une idée préconçue, mais pas une idée fixe, qui guide l’investigation. Car il s’agit de « faire » une hypothèse, c'est-à-dire construire une proposition qui a le maximum de probabilité d’aboutir sur une réalité effective. Pas un charabia dont les conséquences ne sont même pas assumées par celui qui l’a prononcé.

 

MARTINO : Vu sous cet angle c’est certain qu’il est plus facile d’émettre des hypothèses finalistes, comme les prévisions catastrophistes dont on fait actuellement état pour nous plonger dans une psychose de peur.

 

ARTHURO : En effet. Et c’est pourquoi la plupart des hypothèses qu’on nous assène sur l’avenir de la planète sont aussi ridicules les unes que les autres, mais malheureusement elles ont une certaine audience tellement la bêtise humaine est infinie.

 

MARTINO : Et pourquoi ces hypothèses sont-elles ridicules, elles sont pourtant cautionnées par des « scientifiques » ?

 

ARTHURO : Parce qu’elles sont émises par des idéologues qui s’habillent en « scientifiques » et qui, pour mieux brouter le gazon qu’on leur laisse en récompense, se placent en réalité au service des grands maîtres du monde, sans ressentir le moindre besoin d’y ajouter un souci d’éthique. L’alliance du MEDEF et des Ecolos lors du dernier « Grenelle » de l’environnement en est un exemple qui ne semble même plus suspect. Mais tu me diras que «  suce  pet » ou « lèche cul » c’est du kif kif.

 

MARTINO : Je pensais que pourtant, le film de Al Gore…

 

ARTHURO : Un imposteur selon Allègre.

 

MARTINO : Et son Prix Nobel ?

 

ARTHURO : Sartre a refusé le sien.  

 

MARTINO : Et le CO2 ?

 

ARTHURO : Bon on arrête, je prends un Perrier. Avec beaucoup de bulles.

 

 

lundi 10 octobre 2022

Sujet du JEUDI 13 Octobre 2022 : D’où viennent les pensées ?

 

             D’où viennent les pensées ?    
« La production des idées, des représentations et de la conscience est d'abord directement et intimement mêlée à l'activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle. Les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore comme l'émanation directe de leur comportement matériel. Il en va de même de la production intellectuelle telle qu'elle se présente dans la langue de la politique, celle des lois, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc. de tout un peuple. Ce sont les hommes qui sont les producteurs de leurs représentations, de leurs idées, etc., mais les hommes réels, agissants, tels qu'ils sont conditionnés par un développement déterminé de leurs forces productives et des rapports qui y correspondent, y compris les formes les plus larges que ceux-ci peuvent prendre. La conscience ne peut jamais être autre chose que l'être conscient et l'être des hommes est leur processus de vie réel. Et si, dans toute l'idéologie, les hommes et leurs rapports nous apparaissent placés la tête en bas comme dans une camera obscure, ce phénomène découle de leur processus de vie historique, absolument comme le renversement des objets sur la rétine découle de son processus de vie directement physique.

A l'encontre de la philosophie allemande qui descend du ciel sur la terre, c'est de la terre au ciel que l'on monte ici. Autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s'imaginent, se représentent, ni non plus de ce qu'ils sont dans les paroles, la pensée, l'imagination et la représentation d'autrui, pour aboutir ensuite aux hommes en chair et en os; non, on part des hommes dans leur activité réelle, c'est à partir de leur processus de vie réel que l'on représente aussi le développement des reflets et des échos idéologiques de ce processus vital. Et même les fantasmagories dans le cerveau humain sont des sublimations résultant nécessairement du processus de leur vie matérielle que l'on peut constater empiriquement et qui repose sur des bases matérielles. De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l'idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d'autonomie. Elles n'ont pas d'histoire, elles n'ont pas de développement ; ce sont au contraire les hommes qui, en développant leur production matérielle et leurs rapports matériels, transforment, avec cette réalité qui leur est propre, et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience. Dans la première façon de considérer les choses, on part de la conscience comme étant l'individu vivant, dans la seconde façon, qui correspond à la vie réelle, on part des individus réels et vivants eux-mêmes et l'on considère la conscience uniquement comme leur conscience. …

C'est là où cesse la spéculation, c'est dans la vie réelle que commence donc la science réelle, positive, l'analyse de l'activité pratique, du processus, de développement pratique des hommes. Les phrases creuses sur la conscience cessent, un savoir réel doit les remplacer. Avec l'étude de la réalité la philosophie cesse d'avoir un milieu où elle existe de façon autonome.


En fait, le tour de force qui consiste à démontrer que l'esprit est souverain dans l'histoire (ce que Stirner appelle la hiérarchie) se réduit aux trois efforts suivants :

1.               Il s'agit de séparer les idées de ceux qui, pour des raisons empiriques, dominent en tant qu'individus matériels et dans des conditions empiriques, de ces hommes eux-mêmes et de reconnaître en conséquence que ce sont des idées ou des illusions qui dominent l'histoire.

2.               Il faut apporter un ordre dans cette domination des idées, établir un lien mystique entre les idées dominantes successives, et l'on y parvient en les concevant comme des "autodéterminations du concept". (Le fait que ces pensées sont réellement liées entre elles par leur base empirique rend la chose possible ; en outre, comprises en tant que pensées pures et simples, elles deviennent des distinctions que produit la pensée elle-même par scissiparité.)

3.               Pour dépouiller de son aspect mystique ce "concept qui se détermine lui-même", on le transforme en une personne — "la conscience de soi" — ou, pour paraître tout à fait matérialiste, on en fait une série de personnes qui représentent "le concept" dans l'histoire, à savoir les "penseurs", les "philosophes", les idéologues qui sont considérés à leur tour comme les fabricants de l'histoire, comme le "comité des gardiens", comme les dominateurs. Du même coup, on a éliminé tous les éléments matérialistes de l'histoire et l'on peut tranquillement lâcher la bride à son destrier spéculatif.

Dans la vie courante, n'importe quel boutiquier sait fort bien faire la distinction entre ce que chacun prétend être et ce qu'il est réellement ; mais notre histoire n'en est pas encore arrivée à cette connaissance vulgaire. Pour chaque époque, elle croit sur parole ce que l'époque en question dit d'elle-même et les illusions qu'elle se fait sur soi. »

K. Marx, L’Idéologie Allemande 1845(extraits)

 

Alors d’où viennent les pensées, les idées ?

« Tombent-elles du ciel ? Non.

Sont-elles innées ? Non.
Engagés dans des luttes diverses au cours de la pratique sociale, les hommes acquièrent une riche expérience, qu'ils tirent de leurs succès comme de leurs revers. D'innombrables phénomènes du monde extérieur objectif sont reflétés dans le cerveau par le canal des cinq organes des sens - la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût et le toucher ; ainsi se constitue, au début, la connaissance sensible.        
Quand ces données sensibles se sont suffisamment accumulées, il se produit un bond par lequel elles se transforment en connaissance rationnelle, c'est-à-dire en idées.            

C'est là un processus de la connaissance. C'est le premier degré du processus général de la connaissance, le degré du passage de la matière, qui est objective, à l'esprit, qui est subjectif, de l'être à la pensée. A ce degré, il n'est pas encore prouvé que l'esprit ou la pensée (donc les théories, la politique, les plans, les moyens d'action envisagés) reflètent correctement les lois du monde objectif ; il n'est pas encore possible de déterminer s'ils sont justes ou non.   
Vient ensuite le second degré du processus de la connaissance, le degré du passage de l'esprit à la matière, de la pensée à l’être : il s'agit alors d'appliquer dans la pratique sociale la connaissance acquise au cours du premier degré, pour voir si ces théories, politiques, plans, moyens d'action, etc. produisent les résultats attendus. En général, est juste ce qui réussit, est faux ce qui échoue ; cela est vrai surtout de la lutte des hommes contre la nature.      

En passant par le creuset de la pratique, la connaissance humaine fait donc un autre bond, d'une plus grande signification encore que le précèdent.

Seul, en effet, ce bond permet d'éprouver la valeur du premier, c'est-à-dire de s'assurer si les idées, théories, politiques, plans, moyens d'action, etc. élaborés au cours du processus de réflexion du monde objectif sont justes ou faux ; il n'y a pas d'autres moyen de faire l'épreuve de la vérité.

Pour que s'achève le mouvement qui conduit à une connaissance juste, il faut souvent mainte répétition du processus consistant à passer de la matière à l'esprit, puis de l'esprit à la matière, c'est-à-dire de la pratique à la connaissance, puis de la connaissance à la pratique. »

Mao Ze Dong  D’où viennent les idées justes 1963 - Extraits

 

mardi 4 octobre 2022

Sujet du Merc. 06 Octobre 2022 : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » Héraclite.

 

« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » Héraclite.

 

L'expression : « la vie est un long fleuve tranquille » nous renvoie à un image paisible et surtout linéaire de la vie. Notre naissance ( voire notre conception pour certains ) prendrait sa source dans de hautes cimes. Notre vie consciente serait le gonflement progressif de notre entendement, tout comme un fleuve s'enrichit de ses affluents. Notre mort, un mélange final dans le « grand tout » de la « grande bleu ».

 

C'est un point de vue qui, philosophiquement parlant, renferme une conception du monde particulière. Tout est normé, stable. Le fleuve ne sort pas de son lit, nous ne sortons pas de notre destin et, goutte immuable, nous finissons irrémédiablement comme goutte unique dans un océan infini.

 

La marque du destin imprime à l'homme sa fatalité.

 

Nous avons oublié Héraclite. Six siècles avant « notre » ère, il y a 2600 ans Héraclite nous avait pourtant averti :

 

« Ce monde ci, le même pour tous, aucun des dieux ni des hommes ne l'a créé, mais il a toujours été, est et sera ‑feu toujours vivant, s'allumant à mesure et s'éteignant à mesure »

 

On comprend que ces propos marquent une rupture dans la pensée archaïque dominée par les mythes : pas de création, pas de fin, le mouvement est l'explication de tout ; le mouvement est le Tout.

 

On comprend aussi l'acharnement des penseurs qui vont suivre et qui, des siècles plus tard, avec en particulier Platon, vont tenter de remettre l'homme dans sa caverne et ne lui proposer que les ombres, les reflets de son existence.

 

Rien de tel chez Héraclite. C'est le logos de l'homme ( à la foi, raison, pensée et langage ) qui donne vie et sens au monde. Le logos est recherche, il n'est pas figé comme chez Platon ou plus tard chez les monothéistes ou il s'appellera « verbe ».

 

Autre démarcation importante de la pensée héraclitéenne : l'unité des contraires : « Le contraire est accord, des discordances naît la plus belle harmonie et tout devient dans la lutte ». Les catégories figées de la métaphysique qui naîtra après Héraclite sont balayées par lui. La journée n'est conçue que comme alternance du jour et de la nuit.

 

Ainsi le fleuve n'est il qu'une image de la vie, une parabole. Nous vivons et le monde semble tourner autour de nous alors que nous ne sommes qu'une poussière du cosmos. Faut il pour cela se lamenter 9

 

Nous ne nous baignons jamais deux fois dans le même fleuve : notre vie est l'addition contradictoire, brutale, de notre dimension dramatique en ce sens ou le philosophe se doit d'en révéler le fond des agissements et des actions, et de notre dimension tragique, puisque philosophiquement parlant, nos devons nous envisager non pas sous un aspect fragmentaire, unique, mais sous le prisme de l'universalité, universalité qui inclut failles et déchirures de toute totalité..

 

Etre philosophe, et pour Héraclite, devenir homme, c'est refuser ceux/ce qui nous amènent à nous lamenter, pour simplement vivre notre vie : « Si le bonheur consistait dans les jouissances corporelles, nous devrions appeler heureux le bœufs quand ils trouvent des pois à manger, les porcs qui se baignent dans la boue, la volaille dans la poussière ou dans la cendre ».

 

Submergés par des siècles de philosophies et de théologies qui ont fait de nous des dualités corps/esprit, âme/matière, brisant cette unité homme/cosmos qu'avait mis en relief Héraclite, nous est il possible, aujourd'hui, d'aller à contre courrant dans ce torrent où nous nous sommes oubliés les uns les autres ‑ les uns avec les autres ‑ à force de trop nous regarder le nombril ?.

 

« Il ne faut pas agir et parler comme des dormeurs, car dans le sommeil aussi nous croyons agir et parler » Héraclite.

Sujet du Merc.27/03/2024 : PEUT - ON SE PASSER DE SPINOZA ?

         PEUT - ON SE PASSER DE SPINOZA ? Ce texte est contre-intuitif et peut passer pour une vanne. Mais non, blague à part, il est une ...