dimanche 28 octobre 2018

Exceptionnellement : JEUDI 01 Novembre « La tolérance est la vertu des faibles » A. D. de Sade


« La tolérance est la vertu des faibles » A. D. de Sade
« La notion de vertu connote celle de force et de qualité morale. Pour les Grecs, l’homme vertueux est l’homme qui accomplit son humanité dans son excellence. Le vice au contraire renvoie à l’idée de faiblesse, de défaut moral. La question est de savoir ce qu’il en est de la tolérance sous le rapport de la force ou de la faiblesse morale. On entend par tolérance une attitude consistant à accepter des croyances, des conduites que l’on n’approuve pas. Dans l’idée de tolérance il y a à la fois l’idée d’une acceptation et celle d’une réprobation D’ou les problèmes :           

Si ce qui est réprouvé l’est en raison, la vertu humaine ne consiste-t-elle pas à le dénoncer et à le combattre?  Il nous semble que la vocation de l’homme est de lutter contre l’erreur et le mal moral, non de s’en accommoder. Inversement, si ce qui est réprouvé a sa légitimité, il n’y a pas à le tolérer mais à le respecter.
Qu’est-ce donc qui peut conduire les hommes à s’accommoder de l’inacceptable ou bien à avoir une attitude condescendante là où le respect serait de rigueur? Ne faut-il pas admettre que ce sont des principes peu honorables rejetant la tolérance du côté du vice

Seuls sont en situation de tolérer ceux qui sont en situation d’interdire
Les majorités tolèrent les minorités, pas l’inverse. Elles s’abstiennent de sanctionner des opinions ou des conduites qu’elles condamnent pourtant S’il va de soi que ce blâme est parfois légitime, cette attitude fait problème lorsqu’elle vise une manière de penser ou d’agir dont le seul tort est d’être différente. Par exemple, y a-t-il sens à dire que les Edits de tolérance au XVI° siècle témoignent de la vertu des catholiques? Non, car ceux-ci condescendent à admettre sur le territoire français le culte protestant, ils ne reconnaissent pas le droit des protestants à la liberté de croyance. Le tort de la tolérance est ici d’offrir comme un don gracieux de la charité ce qui est un dû, en vertu du principe de justice. Elle cache sous une façade de tolérance une intolérance foncière consistant à refuser à l’autre un droit égal à la liberté de penser et à la détermination autonome de sa conduite. 

On tolère souvent ce que l’on n’a pas le pouvoir d’empêcher. Tolérance vient du latin tolero: endurer; supporter; souffrir
Le citoyen des quartiers où sévit la délinquance tolère la dégradation des locaux; le bruit la nuit. La femme battue; l’enfant martyr tolèrent les sévices aussi longtemps qu’ils n’ont pas le pouvoir

En ce sens Sade pouvait dire que «la tolérance est la vertu des faibles;». La faiblesse, l’impuissance ne sont pas des motifs de vertu
On tolère souvent parce que l’on fait preuve d’une grande compréhension à l’égard des faiblesses et des vices des hommes. Il y a dans cette facilité à accepter les fautes des autres, sans doute beaucoup de commisération pour notre misérable condition mais aussi un brin de complaisance. Cette motivation est très ambiguë. Qualité des grandes âmes, souvent sévères avec elles-mêmes mais indulgentes aux autres; elle peut aussi caractériser des êtres peu exigeants, enclins à flatter chez les autres les vices qu’ils s’autorisent.

Qu’est-ce que la tolérance? disait Voltaire; c’est l’apanage de l’humanité. Nous sommes tous pétris de faiblesse et d’erreur. Pardonnons-nous réciproquement nos sottises, c’est la première loi de la nature

Ne pas tolérer c’est toujours prendre parti, s’engager, combattre ce que l’on condamne et cela ne va pas sans risque. Ne pas tolérer la délinquance c’est, dans certains quartiers s’exposer aux représailles. Cela demande du courage or le courage n’est pas la chose du monde la mieux partagée. Beaucoup ferment les yeux par peur, pour ne pas s’exposer aux dangers qu’implique la lutte contre l’intolérable. Lorsque l’on a perdu le sens des différences, lorsque l’inertie spirituelle fait que pour les hommes, tout se vaut, on se croit tolérant là où en réalité on est indifférent. Etrange tolérance qui ne coûte rien et qui est vidée de toute substance puisque seul peut se sentir tenu de tolérer des convictions différentes des siennes, celui qui en a de fermes.

Si c’est l’intolérance, l’impuissance, la lâcheté ou l’indifférence qui fondent une attitude tolérante, il n’y a guère de sens à la célébrer. 

Si c’est la compréhension, le pardon, elle nous redevient sympathique mais où tracer la frontière la séparant de la complaisance voire de la complicité? Il y a beaucoup de vertu dans la personne magnanime mais enfin, la tolérance consiste dans le premier cas à nier le droit des autres et dans les autres à s’accommoder de ce qui fait injure à l’humanité, l’erreur dans les paroles, la faute dans les conduites et cela fait problème. 

Alors comment comprendre que la tolérance puisse jouir d’un tel prestige et qu’elle puisse revêtir le visage de la vertu? Suffit-il de dire  qu’elle permet aux hommes de vivre en paix? Mais que vaut une paix si c’est la paix de la peur, de la lâcheté et de la démission spirituelle

C’est ailleurs qu’il faut chercher et il semble bien que la tolérance se soit imposée comme une vertu parce qu’elle est le contraire de l’intolérance et là, pas d’ambiguïté possible, c’est bien le pire des vices. »         
              
Par S. Manon

dimanche 21 octobre 2018

Sujet du Merc. 24/10/2018 : L’homme est-il bon par nature ?


L’homme est-il bon par nature ?

Dans  son  œuvre  Rousseau  juge  de  Jean-Jacques  (1772-1776),  le philosophe écrivait : «  La nature a fait l’homme heureux et bon, mais la
société le déprave et le rend misérable ». Rousseau critique tout au long de
sa vie la société de son temps et l’oppose continuellement à l’état de nature de l’homme.
 
 L’état de nature n’est pas à interpréter comme une vérité historique
mais comme un outil de réflexion créer par et pour les philosophes. Cette
notion  de  philosophie  politique,  qui  s’oppose  à  l’état  civil,  désigne  la situation dans laquelle l'humanité se serait trouvée avant l'émergence de la société et avant l’institution du droit.

Si cette hypothèse d’un état de nature  ayant  précédé  l’apparition  d’une  société  ne  fait  nullement  l’objet  d’une  véracité historique, il est utile d’en avoir une idée pour distinguer en l'homme ce qui vient de sa nature de ce qui vient de la société. 

Dans  un  état  de  nature  ou  seul  les  aptitudes  physiques  viennent
restreindre la liberté de l’homme, ce dernier serait-il bon ou instaurerait-il un état de guerre universelle ? 

Selon  Rousseau,  l’homme  naturel  est  animé  par  deux  passions  :
l’amour de soi, c’est à dire l’instinct de conservation, et la pitié que l’auteur définit comme la «  répugnance naturelle à voir périr ou souffrir tout être sensible et principalement nos semblables ».

C’est à partir de cette réflexion qu’il tire son idée maitresse selon laquelle l’homme est naturellement bon et que c’est la société qui le corrompt : «  J’ose presque assurer que l’état de réflexion est un état contre nature et que l’homme qui médite est un animal  dépravé.  » Rousseau Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755). Cela signifie que l’instinct de l’homme le pousse à faire le bien et ce même si il est libre de toutes lois pouvant le contraindre.

Cependant, il faut dissocier la bonté de l’homme de sa moralité. Dans la  théorie de Rousseau, l’homme naturel n’est pas moral car pour accéder à une forme de moralité il devrait développer une conscience du bien et du mal et entretenir des relations constantes et durables avec ses semblables,
ce qu'il ne peut faire qu'en accédant à l'état social. 

 Thomas Hobbes est l’un des premiers à introduire la notion d’état de
nature et il la décrit comme un « état de guerre de chacun contre chacun »,
Léviathan (1651). Il expose dans ses oeuvres sa conviction que l’absence de loi et de chef inspirant la peur entrainerait nécessairement la guerre entre les individus. 
La volonté de nuire en l’état de nature est aussi en tous les hommes : mais
 elle  ne  procède  pas  toujours  d’une  même  cause,  et  n’est  pas toujours également blâmable” Hobbes.

Le philosophe insiste sur le fait que la guerre entre les hommes à l’état de
 nature  ne  serait  pas  le  fruit  d’une  haine  incontrôlé  et  instinctive  mais résulterait de 3 principaux facteurs :
 La  rivalité  :  les  hommes  convoiteraient  les  biens  de  leurs  pairs  (qu’il s’agisse de biens matériels, des femmes, de la force de travail…).
La  méfiance  :  les  hommes  n’ayant  pas  de  lois  pour  les  protéger,  ils
pourraient attaquer leur semblables dans un objectif de sécurité.
La fierté : les hommes pourraient se battre avec leur pairs pour acquérir
 une réputation.

 L’état de nature dans la philosophie de Hobbes n’est donc pas viable, à long terme, pour les hommes et il montre la nécessité d’instaurer un contrat social garantissant des droits et des devoirs la nécessité d’un chef (Léviathan) inspirant une peur suffisante pour le garantir.

samedi 13 octobre 2018

Sujet du Mercredi 17/10/2018 : Réussir sa vie.


                                                Réussir sa vie.

Philosopher c’est distinguer les concepts ; une action authentique exige un recul critique pour éviter tout comportement programmé et stéréotypé ; sans ce recul, le pouvoir d’agir se trouve diminué. La philosophie se veut un examen critique et attentif des lieux communs et idées toutes faites ;

Réussir sa vie est une expression « lieu commun » qui parle à nos émotions, une expression convenue dont chacun pense comprendre la signification, une ambition globale annoncée qui ne dit rien de précis ; cela peut être « gagner de l’argent », du pouvoir, des honneurs, sa famille….

Si l’on prend les termes 1 à 1 pour analyser le sujet…Qu’est-ce que la Vie ? Il ne s’agit donc pas ici véritablement de la vie mais de la prospérité personnelle. C’est un usage réducteur du terme Vie, on prend la vie par le petit bout (lié à un effort particulier, un engagement du moment…), traité comme la Vie elle –même.
 
La formule « Réussir sa vie » réduit la Vie à ses succès, mesurables de surcroit.
Quelques citations sur la Vie selon les grands philosophes :
Pascal : Qu'une vie est heureuse quand elle commence par l'amour et finit par l'ambition. ...
Camus : Le sens de la vie supprimé, il reste encore la vie.
Jean Paul Sartre : Dans la vie, on ne fait pas ce que l'on veut mais on est responsable de ce que l'on est.
Nietzsche, quant à lui, prône l’acceptation de la Vie en rupture avec les philosophes grecs.

Donc il s’agirait de réussir  l’ensemble des événements et des activités qui constituent le cadre et le contenu de son existence sur le plan individuel
Ceci dit, la Vie s’entend dans un cadre collectif car les interactions entre les existences sont multiples et permanentes ; Démocrite a dit que tout est hasard et nécessité.

De plus dans la phrase « réussir sa vie », on ajoute Sa Vie, comme un mode de propriété. Pourtant, la Vie ne peut pas être mienne comme des objets sont miens. La Vie n’est pas une action, un acte, ni un objet que je me suis approprié.

On ne peut pas réussir Sa Vie tout seul ; l’autre peut être un partenaire ou pire, un adversaire. Dans la lutte de la Vie, il y aura une sélection naturelle, la survie des individus les plus aptes (concept darwinien)
Réussir : Dépend d’une ambition particulière dans lequel on s’est projeté. Le vocabulaire de la réussite fait référence à l’objectif visé et aux moyens mis en œuvre.

Par exemple, si on gagne au loto, on ne dit pas j’ai réussi à gagner au loto ; le vocabulaire renvoie à celui des moyens et fins, le tout proportionné ; il y a donc normalement corrélation entre objectif et moyens mis en œuvre pour l’atteindre.

La Vie n’est pas un exploit à réaliser ; Il nous est donné de vivre sans que nous ayons à nous mobiliser ; Il nous est donné de vivre sans que nous ayons eu à mettre en place un projet. La vie est advenue sans moyens, projet, ambition. Dans cette logique, ce serait plutôt réussir une Vie  heureuse.
Mais une Vie heureuse est-elle liée à nos succès, professionnels et privés ; et selon l’avis de qui sera-t-elle heureuse, ou bonne ?

Cette analyse par mot pour détailler la phrase « réussir sa vie » nous permet de prendre nos distances, il s’agit de mettre de l’ordre dans le réel.

La vie se vit et ne se conçoit pas ; notre rapport naturel et spontané à la vie n’est pas un rapport conceptuel mais vital ; la Vie est d’abord ce que nous vivons ;
Pourtant deux grands courants expliquent le concept de la vie : la biologie et la philosophie. Pourtant, la biologie, science de la Vie et de la terre, ignore la Vie, car il s’agit surtout de regarder ses manifestations sous forme du vivant.

La vie est le grand à penser de notre tradition philosophique occidentale ; dès Aristote par exemple on s’est intéressée au vivant, politique, hommes illustres, ce sont des manifestations phénoménales de l’existence ;

Confucius : La nature fait les hommes semblables, la vie les rend différents.

La vie est si proche de nous, nous sommes « collés » à la vie en tant que vivant, doués de raison et de parole (logos) ; il serait curieux qu’un vivant doué de logos soit incapable de dire quelque chose de pertinent sur la vie ; il y a un naturel spontané qui se donne à voir, à connaitre, que nous prétendons connaitre de la vie. Ce n’est pas nous qui allons à elle, c’est elle qui vient à nous ; donc reconnaitre qu’elle nous a toujours précédé ; elle advient de manière absolue. La vie me donne à moi. La vie est un déjà là qui advient indépendamment de nous, c’est une aventure. Rien ne peut être programmé. La vie est un don ; Accueillir la vie, accepter de la recevoir ne requiert ni effort ni volontarisme.           

Il s’agirait donc de réussir à donner un sens à sa vie de manière à ce qu’elle soit une vie bonne et heureuse.

Gandhi : la vie est un mystère qu’il faut vivre et non un problème à résoudre


Sujet du Merc. 17 Avril 2024 : L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme …

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