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COMMENT SE DÉSHUMANISE L’ÉVOLUTION DES HOMMES ?
Tout être
s’adapte en permanence aux changements de son environnement ou disparaît. C’est
le principe même de l’évolution du
vivant.
Une problématique majeure du sujet qui nous occupe est de définir avec précision la nature du processus
évolutif par lequel en toujours moins de temps les hommes modifient
radicalement leur milieu de vie, induisant en retour une évolution qui, par son
caractère si humain mais « artificiel », correspond paradoxalement à
une auto-sélection déshumanisante.
Ou alors au contraire, faut-il considérer que cette auto-sélection est le processus d’humanisation par excellence ?
Menée avec conscience et raison, une démarche intermédiaire est-elle une solution
d’humanisation à préciser ? Les hommes sont en effet sans cesse en devenir par le truchement de leurs
actes dans un milieu qu’ainsi ils modifient et qui rétroagit sur leur devenir
par une « sélection naturelle » qu’ils induisent
« artificiellement » : en somme, une dialectique en marche. Si cela
pouvait être le cas, la philosophie épouserait bien le réel.
Mais aujourd’hui
on ne sait plus trop ce qu’il en est de la détermination des hommes par le
rythme sidérant de leurs multiples constructions. Nous sommes faits de matière
comme les choses et les animaux qui ne sont que l’effet de divers regroupements
fonctionnels de particules matérielles qui caractérisent les formes propres à
leurs natures intrinsèques. A cet égard et pour partie au moins, les hommes ne
font pas exception.
1. Sauf
précisément que les hommes construisent eux-mêmes sans cesse
l’agencement des éléments qui les constituent dans un rapport dialectique de
co-évolution tant avec le milieu ambiant qu’avec la société qu’ils
constituent en une structure évolutive s’édifiant au fil du temps. Le rapport
évolutif cyclique initial de la main aux objets et au cerveau a produit la
lente émergence d’Homo sapiens qui a persisté par la suite dans
cette voie : les hommes se meuvent sans cesse dans un équilibre instable (de
« type vélo » qui chute s’il s’arrête) toujours vers un ailleurs à ce
qu’ils sont déjà devenus. Ils se transforment par émergences en un mouvement
incessant. Ils passent d’une forme à une autre dans l’apparition de fonctions
nouvelles et inédites.
2. Ainsi par
exemple, les hommes ont créé un rapport de co-opération évolutive avec les
chiens et, actuellement, avec les GPS et autres smartphones qu’ils ont conçus,
et surtout avec les multiples « institutions » en correspondance évolutive
rapide avec eux mais aussi entre elles. L’évolution historique s’emballe depuis
quelque dix générations de révolution technique. Mille prothèses compensent
nos limites : dents, membres et organes artificiels; gènes nouveaux
incorporés au génome humain; connexions diverses au cerveau, même subliminales;
mécanismes sociétaux à prégnance tous azimuts dont nous nous convainquons de
« l’horizon indépassable ». C’est la science et les technologies, la
création monétaire alliée à la privatisation du vivant et des besoins vitaux,
notre transformation en troupeaux de bestiaux, c’est le capitalisme renaissant
de ses crises successives dans un processus en cascade dialectique avec elles.
La science
et les techniques, dont font partie la finance et la monnaie, ne reposent-elles
pas sur le principe fondateur de séparation en éléments discrets et disjoints ? Cette démarche de
dissociation analytique en modules d’appréhension du réel distincts ne
présente-t-elle pas un danger majeur pour les organismes vivants qui ont, au
contraire, le caractère opposé de structures systémiques enchevêtrées
intégrant les fonctions vitales ? A cet égard, s’imposent au moins
deux remarques majeures : 1) par exemple, la sélection statistique par
Google de seulement quelques caractéristiques distinctes de clients construit
des profils en vue d’une prédiction de leurs comportements futurs
de consommateurs au lieu de rechercher une connaissance
intégrée des hommes comme le fait la démarche philosophique matérialiste et
la science et 2) la complexité intégrée du vivant humain rend vulnérable à la démarche analytique qui le scinde en parties disjointes dont les liens structurels qui les unissent sont ainsi
niés ?
Il y a bien
des particules qui s’agrègent pour arriver à un tout. Mais on ne connaît pas
cette unité intégrée qu’est la vie.
Ce ne sont donc pas les technologies nano-bio-info-cognitives (NBIC) qui
pourront, à partir de cette ignorance, fidèlement
modéliser la vie humaine et
encore moins l’augmenter sans dommages par l’amélioration ciblée de ses
agrégats disjoints et distincts alors que les NBIC nient les liens qui les
unissent. En fait, ces technologies s’approprient le vivant et le nie en
tant que tel. Le pouvoir recherché serait-il de faire marcher les
paralytiques, parler les muets, entendre les sourds et faire que les hommes se
consument d’amitié ou d’amour pour un robot informatique (sur Facebook) ?
N’est-ce pas tenter de recréer le vivant (trans)humain, tels des Christ et
Platon technologiques assurant l’hybridation de l’humain par des artefacts (ou
son extinction ?), véritable mutation (ou éradication ?) accélérée de
masse à l’instar de nouvelles « applications » smartphoniques ? Les hommes qui se veulent dieu
s’humanisent-ils ?
3. Ne s’agit-il
pas là d’une évolution dirigée et finalisée par une main
divinement humaine portant des critères d’efficacité et de performance
compétitives ? Alors que la nature a, au contraire, toujours agi au hasard. Quelque 99% des espèces ont
disparu au cours de l’évolution par sélection naturelle survenue au hasard. La
même proportion de nos cellules disparaît également ainsi. La nature exploite
les possibles, mais au hasard et sans finalité.
Actuellement,
nous produisons le contraire. Nous créons une finalité par l’usage des lois de
la physique. Quelles qu’elles soient, les hypothèses sous-jacentes à cette hybridation
humaine fulgurante sont absurdes. La première serait le suicide de l’espèce une
fois pervertie par le transhumanisme. C’est une déshumanisation. La seconde
postule déjà que les hommes resteraient des hommes malgré d’innombrables
artefacts incorporés. C’est comme se convaincre que les chiens et les hommes
peuvent survivre une fois séparés après avoir cédé certaines de leurs fonctions
naturelles par l’échange réciproque d’avantages comparatifs. Le chien n’a-t-il
pas renoncé au pouvoir de se nourrir par lui-même dans la nature après s’être
repu des déchets que les hommes lui concèdaient pour que, originellement loup,
ce canidé ne les attaque plus et qu’au contraire il leur prodigue des services
d’olfaction et d’ouïe fines que les hommes ont perdues dans un processus
adaptatif de co-opération par co-évolution mutuelle et réciproque ? Il s‘agit de mécanismes physiologiques
profonds issus d’une sélection finalisée
par les hommes. Ces changements fonctionnels des sens remplacent le lien physiologique
existant par une autre fonction organique. Cette co-évolution dirigée fait que
les hommes et les chiens ne peuvent plus exister les uns sans les autres. Une
évolution analogue n’émerge-t-elle pas aujourd’hui par la relation hommes-GPS-smartphones-etc. ?
4. A l’opposé du
slogan mensonger de libération, on
conclut qu’on n’est pas augmenté mais plutôt réduit par ces prothèses.
N’en perd-on pas rapidement le sens tant de l’orientation que du rapport de
proximité multiforme en faveur d’intimations GPS binaires et réductrices du
cerveau et d’une virtualisation du lien humain par médiation smartphonique ?
Les moins de quarante ans seraient-ils
déjà hybridés ?
De plus, en
vingt ans la production industrielle d’aliments de démesure et le
« fast-food » n’ont-ils pas créé en France des maladies inédites et accru,
tout d’abord, la taille par hormones de croissances puis la rondeur adipeuse
par inflation de portions toujours plus caloriques. De telles mutations en
corps surdimensionnés ne sont-elles pas tout profit, non seulement pour les
industries alimentaires et pharmaco-médicales, mais surtout par la perte générale des valeurs, rythmes
et traditions culinaires qui « libèrent » tendanciellement
les individus-monades de toute valeur ? Dès lors
n’allons-nous pas demain (ou est-ce déjà fait ?) exiger nous-mêmes notre
augmentation prothésique de type NBIC, en nous transformant en objets
décervelés sans plus de possibilité de prise de conscience ?
5.
La chosification de l’humain par aliénation renforcée est là. L’histoire devient la continuation
de l’évolution biologique des Sapiens
par d’autres moyens. De quelque type qu’ils soient, les modes de production des
deux derniers siècles - fondés sur
des innovations majeures en matière de technologies, de communications,
d’organisation sociale et de puissance militaire - sont au cœur de l’évolution humaine. Ces mutations ne sont pas
survenues par elles-mêmes ni par hasard.
Comme l’analysait déjà Marx, les forces matérielles et culturelles et les rapports de production ne sont
pas séparables. Ce sont des activités d’hommes faisant leur propre histoire
mais pas dans le vide, pas en dehors de la vie matérielle ni en dehors de leur
passé historique. Il s’agit de comprendre
comment agissent les forces responsables de la transformation récente de Sapiens.
6. Une dérive culturelle et civilisationnelle
alarmante saute aux yeux. C’est la marchandisation généralisée de
l’humain au titre de chose ou de bête, forme hautement favorable à la vente
d’abord de travail non payé puis de tout l’être et de son devenir, jusqu’aux
« institutions » et à l’art qu’il a créés et qui ensemble sont la
source de la vie en société. L’homme étant un animal social, il est politique (Aristote). Si cette capacité
était dissoute, il ne serait plus.
Toute
richesse ne provient de rien d’autre que des hommes. Le profit sans limite a
fait, à l’inverse, de la richesse une dérive
déshumanisante. L’apparemment incontrôlable évanouissement du sens qui en découle tend à priver les hommes
de toute pensée positive. Ceci tend à les confiner à l’impossibilité de l’action
et à l’impuissance à trouver les causes de cette situation et à les combattre. En fait, la richesse-capital est censée « donner »
du travail aux hommes, quand en vérité c’est le salarié qui est contraint de
donner du travail gratuit et même sa force vive toute entière au capitaliste,
alors même qu’il devient failli et
« jetable », comme mouchoir de papier souillé, une fois qu’il ne
peut plus contribuer à son propre asservissement. La richesse-capital devait
servir la société quand c’est elle, aujourd’hui, qui le sert en se niant
elle-même.
7.
Quelles sont les causes de cette dérive et quels en sont les mécanismes directeurs, le comment de la
chose ? Allez donc me les trouver tous. Cette recherche philosophique
sera vitale pour nous. Car si les hommes se mettent à dégénérer, on ne donne plus cher de nous ni du sort du genre
humain…
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