La guerre est-elle la
continuation de la politique
par d’autres moyens ?
par d’autres moyens ?
Le rabâchage habituel sur la guerre c’est
qu’elle est née de la « nature humaine », cette fameuse (fumeuse)
« nature humaine » qui nous enseigne (matraque) que l’homme est
égoïste et violent …. depuis toujours. Alors avant d’aller plus loin il semble
utile de jeter à la poubelle des croyances ce qui doit y être jeté : tout
discours non scientifique (c’est à dire non adossé à des faits) qui fait
« l’air ambiant » de tout discours sur la guerre.
En 2004 un anthropologue, R Brian Ferguson écrit « La guerre, selon les anthropologues, est un
type de violence potentiellement mortelle entre deux groupes, quels que soient
la taille de ces groupes et le nombre de victimes. Mais dans quelle mesure une
définition aussi large de la guerre ou, plus précisément, des cas de conflits
dans les sociétés humaines primitives peut-elle éclairer la genèse et les
enjeux des guerres modernes et des conflits qui ont éclaté en Iraq, au Kosovo,
au Rwanda, au Vietnam ou encore en Corée ? »
( Naissance de la guerre – Mensuel N° 373)
( Naissance de la guerre – Mensuel N° 373)
De nombreux autres anthropologues
étazuniens dont, Lawrence H. Keeley, archéologue de l'université de l'Illinois,
Steven A. LeBlanc, archéologue à l'université de Harvard déclarent : « La guerre est semblable au commerce et aux
échanges. C'est quelque chose que font tous les hommes. », « tout le monde a fait la guerre à toutes
les époques », pourquoi ? : pour eux, les peuples primitifs ne
furent jamais de « vrais conservateurs
». Ils dégradaient leurs ressources, et lorsque la population augmentait, ils
manquaient de nourriture, ce qui déclenchait des guerres, bref, du Malthus, à la sauce ethnographique !
Et R B Ferguson de
conclure : «Si la guerre était
courante dans les temps anciens préhistoriques, les abondants vestiges
archéologiques devraient en contenir les traces. Or, il n'en est rien. La collecte des données archéologiques, en
revanche, est riche d'enseignements. Elle révèle que la guerre n'a pas toujours
existé : elle est apparue il y a moins d'une dizaine de milliers d'années, à
des dates très différentes selon les continents et les régions Et nous ne
sommes pas dans un cas où « l'absence de preuve n'est pas la preuve de
l'absence ».
Le cadre étant posé reste à savoir
pourquoi la guerre est née à l’aube du néolithique (- 7000 en ce qui concerne
l’ouest européen). Plusieurs facteurs peuvent être mis en corrélation :
climat tempéré, passage du stade cueilleurs-chasseurs nomades à celui
d’éleveurs agriculteurs sédentarisés, accroissement de la population,
développement inégal des moyens de production de nourriture, pré-organisation
en micro cités (naissance du politique et du religieux comme associé du
politique) …….
Alors, foin des fables et mythes
ambiants sur notre prétendue « nature humaine » agressive !
L’archéologie, l’anthropologie entre autres sciences nous renvoient une image
de notre histoire bien différente.
Pour que la guerre apparaisse il faut
certaines conditions historiques, tout comme pour le moteur à explosion ou la
fission de l’atome. La guerre, telle que nous la connaissons nait avec le politique,
avec la gestion d’un territoire, des ressources, d’humains, réunis pour la
première fois en grand nombre (plus qu’une tribu primitive).
C’est ainsi que Carl von Clausewitz
(1770-1831) pourra déclarer dans une formule synthétique : « La guerre n’est que la simple continuation
de la politique par d’autres moyens. ... car le dessein politique est le but, la guerre est le moyen, et un
moyen sans but ne se conçoit pas. »
Grand militaire
et grand théoricien de la guerre, Clausewitz raisonne aussi, et c’est là sa
pertinence, en dialecticien. Il ne subordonne pas la politique à la guerre ou
l’inverse. Pour lui le phénomène « guerre » est un des éléments d’un
processus général comme le montre assez bien A D Beyerchen : « l'interprétation
non linéaire de Clausewitz nous oblige à approfondir notre compréhension de sa
maxime sur les rapports entre guerre et politique. L'idée que « la guerre est
simplement le prolongement, par d'autres moyens, de la politique » est souvent
comprise comme consacrant le privilège d'un continuum d'ordre temporel:
d'abord, la politique établit les objectifs, puis vient la guerre, avant que la
politique ne reprenne les commandes au moment où le conflit prend fin. Toutefois, dans une telle perspective, la
politique est traitée comme quelque chose d'extérieur à la guerre: c'est un
artifice produit par un modèle séquentiel linéaire. La politique est une
affaire de pouvoir, et les boucles rétroactives qui mènent de la violence au
pouvoir comme du pouvoir à la violence sont un aspect intrinsèque de la
guerre.
Cela ne signifie pas simplement que les considérations politiques pèsent
toujours sur les commandants militaires, mais que la guerre est par définition
un sous-ensemble de la politique et que tout acte militaire aura des
conséquences politiques, indépendamment du fait que celles-ci aient été voulues
ou non, voire même qu'elles soient sur le coup évidentes »
Au fond il est nécessaire de
comprendre la guerre et de ne pas en faire « une acte de folie des hommes ». Il faut, au contraire, la
réhabiliter comme fait politique, moyen politique. C'est-à-dire pratique humaine liée à des conditions
concrètes, une situation concrète.
Si nous observons alors quelques
éléments des guerres modernes :
1
la décision d'entrer en guerre dépend de la poursuite d'un intérêt
propre à ceux qui prennent effectivement la décision. Un conflit peut être
relié au problème des ressources alimentaires de base, mais il peut tout aussi
bien éclater à propos de biens accessibles uniquement à l'élite. La décision dépend
du rapport entre le coût de la guerre et d'autres risques potentiels, menaçant
la vie et le bien-être. Et de manière plus définitive, de la position dans la
hiérarchie politique interne : Présidents, dirigeants favorisent souvent la
guerre, car la guerre favorise les dirigeants.
2
Bien sûr, ceux qui poussent à la guerre ne font jamais état de leurs
propres intérêts. Les arguments qu'ils
invoquent sont ceux de dangers et de bénéfices collectifs. Ceux qui prônent la
guerre la définissent toujours en termes de valeurs élevées à défendre, qu'il
s'agisse de la nécessité de répliquer à des actes malveillants, de défendre la
seule vraie religion ou de promouvoir la démocratie. C'est comme cela que l'on
convainc les indécis et que l'on construit un engagement émotionnel. Et
toujours, c'est l'autre camp qui, d'une manière ou d'une autre, a amené la
guerre.
Ces roulements de tambour requièrent bien entendu
en préalable des manipulations cyniques, dont les mass média sont les vecteurs.
(Algérie, Vietnam, Iraq …)
Intérêts réels et intérêts symboliques
s’entremêlent car la guerre requiert de la chair humaine.
Apprécier Clausewitz c’est balayer les mythes
creux sur la guerre et mettre la politique aux postes de commande.
C’est balayer l’irrationnel apparent (et ressassé
par tous les manuels d’histoire). Clausewitz est certainement un des auteurs
qui permet de penser le politique dans sa version apparemment inavouable et soi
disant « incompréhensible » : la violence institutionnalisée.
Du même mouvement si la guerre est un moyen de la
politique elle doit être accessible à la raison. A ce titre a nous de reprendre
la politique en main et de cesser d’user de ce moyen. La guerre est née d’un
stade social de l’humanité. Il n’y a aucune raison que ce « moyen »
de la politique perdure sauf à penser et dire que nous en sommes à la
« fin de l’histoire »
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