Le travail est l’essence de
l’homme.
« On peut distinguer les hommes des animaux par la conscience, par la religion et par tout ce que l’on voudra. Eux-mêmes commencent à se distinguer des animaux dès qu’ils commencent à produire leurs moyens d’existence. » En 1845, Karl Marx et Friedrich Engels avaient exprimé cette théorie – l’homme, c’est le travail – dans leur Idéologie allemande (1845-1846). C’est en produisant ses moyens d’existence que l’homme se transforme lui-même et s’arrache aux conditions naturelles.
Dans les sociétés primitives, le travail se réduisait à des activités de survie : la chasse, la cueillette et la fabrication des quelques outils rudimentaires. Puis, avec l’invention de l’agriculture, de l’élevage, la poterie, l’histoire humaine était entrée dans une nouvelle phase : les humains sont devenus pleinement possesseurs et maîtres de la nature. Mais en même temps ils ont aliéné leur liberté. Car la période de domestication des plantes et des animaux fut aussi celle de l’asservissement des hommes, des débuts de l’asservissement des uns et la domination des autres, de la division de la société entre maîtres et esclaves.
Puis viendra ensuite l’invention des métaux, de l’écriture, consécutifs à l’émergence des villes et des États, bientôt des empires. Puis l’essor de l’industrie, du machinisme, du commerce et des activités financières : le capitalisme est né… Voilà à grands traits l’histoire que raconte Marx, dans l’Idéologie allemande. Telle est sa conception matérialiste de l’histoire.
Pour Marx, le développement des capacités de production (qu’il nomme « forces productives ») est lié à la division du travail : entre hommes et femmes (dans l’économie primitive), entre maîtres et esclaves (dans l’économie antique), entre paysans et chevaliers (dans la société féodale) et enfin entre prolétaires et bourgeois (dans la société capitaliste). La lutte des classes sociales, pour la maîtrise des moyens de production est le moteur de l’histoire.
La marche de l’histoire n’est autre que l’histoire du travail humain, qui est à la fois libérateur et aliénant. Libérateur en tant qu’il permet de créer des richesses, d’inventer des techniques nouvelles et donc de s’émanciper des contraintes de la nature. Mais aliénant, car le travail devient à son tour source d’asservissement quand les ressources du travail ne servent qu’un petit nombre au détriment de tous. Quand la division du travail dans les usines ou les bureaux, dépossède le salarié de ses capacités créatives, pour le confiner dans une tâche limitée et sans intérêt.
Pour Marx, l’essence de l’homme, c’est donc le
travail. Un travail à la fois libérateur et aliénant. Cette vision prométhéenne
se retrouvera chez nombre de penseurs qui, s’ils ne sont pas tous marxistes,
conçoivent l’humain à partir de sa capacité à s’émanciper des lois de la nature
par le travail et l’usage des techniques.
La théorie du travail, propre de l’homme, se heurte
cependant à une objection : les humains ne sont pas les seuls à travailler !
Beaucoup d’espèces animales travaillent Les fourmis construisent et réparent
leurs fourmilières qui sont des édifices complexes avec leurs galeries,
entrepôts, couveuses et lieux de stockage de nourriture. Certaines espèces (du
genre Atta présentes en Amérique) pratiquent l’agriculture depuis des millions
d’années (en cultivant des champignons issus de la moisissure de feuilles).
D’autres fourmis pratiquent l’élevage : elles protègent et entretiennent des
pucerons qui leur fournissent du miellat dont elles se nourrissent.
Architecture, agriculture ne sont donc pas des inventions humaines.
D’autres espèces passent aussi du temps à travailler pour aménager leur environnement : c’est le cas du castor qui construit de grands barrages ou des oiseaux qui fabriquent leur nid ou de l’araignée qui tisse sa toile.
Pour autant le travail des fourmis, des castors et des humains est-il de même nature ? Marx avait bien remarqué qu’il existait une différence de taille entre la façon dont l’abeille construit sa ruche avec ses alvéoles, et la façon dont un architecte construit une maison.
D’autres espèces passent aussi du temps à travailler pour aménager leur environnement : c’est le cas du castor qui construit de grands barrages ou des oiseaux qui fabriquent leur nid ou de l’araignée qui tisse sa toile.
Pour autant le travail des fourmis, des castors et des humains est-il de même nature ? Marx avait bien remarqué qu’il existait une différence de taille entre la façon dont l’abeille construit sa ruche avec ses alvéoles, et la façon dont un architecte construit une maison.
« Notre point de départ
c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme. Une
araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et
l’abeille confond par la structure de ses cellules de cire l’habileté de plus
d’un architecte. Mais ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte
de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête
avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit
préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur» (Karl Marx, Le Capital,
1867).
L’abeille comme l’homme construisent tous les
deux leur habitat. Mais, alors que les insectes le font guidés par leur
instinct, les humains le font en planifiant leur activité et en ayant recours à
leur capacité d’anticipation et d’imagination. Plutôt que le travail, voilà
donc ce qui finalement marquerait la différence principale entre l’abeille et
l’architecte, entre les humains et les autres animaux : l’imagination créatrice.
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