Est-ce que voter c’est être en démocratie?
La fameuse définition du mot démocratie d’Abraham Lincoln, la démocratie est « le gouvernement du
peuple, par le peuple, pour le peuple » se rapproche idéologiquement le
plus de la définition purement littéraire de ce mot à savoir Demos (peuple) et
Kratos (pouvoir). Néanmoins, il me parait sage d’observer la frénésie quasi
protéiforme qu’ont pu prendre les régimes politiques dits démocratiques au
cours de l’histoire, tout autant que les personnages s’en étant adoubé la
paternité ou l’essence la plus profonde.
L’histoire des démocraties est une vieille dame et
nous taisons souvent, de nos jours, que c’est bien sous des régimes démocratiques
qu’ont eu lieu des suffrages censitaires, où l'esclavage était autorisé, où les
noirs n’étaient pas considérés comme des citoyens, où les colonies (et leur
peuple) n’avaient pas les mêmes droits civiques que le pays métropolitain et où
les femmes n’avaient aucun droit de discuter politique. Cette apparente image
de pureté que tire à son cou le drap de la démocratie ne doit pas occulter le
fait que voter, dans une démocratie, a parfois été une aberration humaniste.
Quel est donc le point commun de toutes ces démocraties qui ont traversé
l’histoire sous ce même nom, si tant est qu’il y en ait ?
Pour Tocqueville, la démocratie est un « mouvement
historique vers cette égalité des conditions », qu’il considère comme « universelle
et inéluctable ».
Quant à Marx, celui-ci n’a eu cesse de critiquer
ces démocraties qui, sous couvert de protection de l’individu, n’engendrent que
discrimination (économique), domination et égoïsme. C’est ainsi que dans une
critique du droit à la propriété mentionné dans la constitution de 1793,
constitution se voulant éminemment démocratique de par son article 7 [Le
peuple souverain est l'universalité des citoyens français]
celui-ci nous explique que “Le droit de propriété est donc le droit de jouir
de sa fortune et d’en disposer à son gré, sans se soucier des autres hommes,
indépendamment de la société ; c’est le droit de l’égoïsme”. Ce serait donc
une démocratie bourgeoise perpétuant le maintien d’une classe prolétarienne
diffuse dans la société.
Mais quelle est donc finalement cette démocratie qui
nous échappe, qui glisse entre nos doigts sans que l’on arrive à la
nommer...Est-ce celle des USA autorisant la ségrégation, ou la démocratie
populaire de l’URSS niant les droits de presse et d’opinions? Ou peut-être
celle de 2005 qui vit la décision du peuple français bafoué à l’insu de son
plein gré forcément malveillant. Le peuple est-il prêt à accepter le jeu du
référendum sans mettre un carton rouge au gouvernement en place? Périclés
disait « bien que peu d'hommes sont capables
d'imaginer des politiques plausibles, tous les hommes sont à même de juger un
programme politique et les conséquences de sa mise en application ». Pourquoi donc, alors, une peur panique des
gouvernements à utiliser le référendum ? Le peuple qui les élit n’est-il pour
eux qu’une masse aliénée impropre à penser, bonne à voter pour un nom, mais
dont il faut priver d’autodétermination? Et
puis d’ailleurs, le pouvoir au peuple...mais c’est quoi le peuple ? En effet,
il n’y a plus besoin d’être citoyen d’un état pour y voter. La notion de peuple
a-t-elle encore un sens? Nous dirigeons nous d’ailleurs vers une sorte
d’universalité démocratique?
De plus, sommes-nous toujours en démocratie quand un parlementaire dispose
d’une immunité totale l’empêchant d’être mis en garde à vue sur demande d’un
juge...immunité d’ailleurs contrôlée par ses pairs? Karl Popper aurait-il
ainsi raison lorsqu’il nous explique la nécessité d’établir
une limite au pouvoir du peuple? Que seule la démocratie représentative est bonne,
la démocratie directe étant collusive…”car dans la démocratie directe, le
peuple est responsable devant lui-même. Il ne peut donc se destituer”, la
destitution du pouvoir en place sans violence étant un des critères fondamentaux
de la démocratie selon lui.
Pour finir, la démocratie est-elle vraiment ce que l’on pense d’elle?
Thomas Jefferson, fier combattant de la monarchie et fervent partisan de la
république n’a t’il pourtant pas dit “qu’il
existe une aristocratie naturelle, fondée sur le talent et la vertu, qui semble
destinés au gouvernement des sociétés, et de toutes les formes politiques, la
meilleure est celle qui pourvoit le plus efficacement à la pureté du triage de
ces aristocrates naturels et à leur introduction au gouvernement”. Cela laisse un arrière-goût de promotion Voltaire
dans la bouche n’est-il pas…
Alors finalement...voter est-ce bien être en
démocratie?
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