lundi 22 avril 2019

Sujet du Merc.24/04 : « La nature agit, l’homme fait » E. Kant


      «  La nature agit, l’homme fait » E. Kant

Par la notion de « la nature agit » Kant fait référence au  comportement  automatique  et  inconscient  des  animaux  caractérisé  par  un  ensemble  d’actions  déterminées,  héréditaires,  spécifiques,  ordonnées  à  la  conservation  de  l’espèce  ou  de  l’individu.         
 L’instinct exclut  la liberté.  La  fin  poursuivie par  l’animal  n’est  pas  choisie,  les  moyens  propres  à  la réaliser  sont des gestes  stéréotypés  que  l’animal  accomplit  sans  réflexion.  En  lui  la  nature  accomplit  sa  propre  nécessité  dans  des  opérations restant de part en part naturelles. Nulle invention, nul progrès dans le monde animal et cela est, en un sens, le  signe de sa perfection. Il n’a pas besoin de se perfectionner puisqu’il est d’emblée adapté. « Par son instinct un animal est déjà tout ce qu’il peut être, une raison étrangère a déjà pris soin de tout pour lui. Mais l’homme doit user de sa propre  raison. Il n’a point d’instinct et doit se fixer lui-même le plan de sa conduite ».        

En effet rien n’est « donné » à l’homme. Il doit tout conquérir à la sueur de son front. A l’aube de l’histoire de l’espèce humaine ou à la naissance de chaque individu,  l’homme est un candidat à l’humanité mais  un candidat seulement. Il a des dispositions mais  celles-ci  doivent  être  développées  pour  parvenir  à  la  pleine  réalisation  d’elles-mêmes.  Or  cet  accomplissement jamais achevé est œuvre collective. Il  implique un temps sans commune mesure avec celui qui est dévolu à l'existence individuelle.  Il  suppose  des  exercices,  des  apprentissages,  une  instruction  dans  lesquels  la  dimension  historique  est essentielle. Il n’est pas indifférent de naître à l’âge de Neandertal ou à celui de l’ordinateur. En cultivant ses aptitudes pour  atteindre  ses  fins,  l’homme  transforme  son  milieu,  produit  des  œuvres  techniques,  intellectuelles,  artistiques,  institutionnelles et par là se transforme lui-même. La longue suite des générations ne laisse pas l’homme inchangé. On  observe  une évolution  au  cours  du  temps  et même  un  progrès.  Les  outils  de l’homme moderne sont infiniment plus performants que les outils de Cro-Magnon, son mode de pensée moins frustre, ses mœurs plus raffinées. Il y a bien un mouvement permettant d’affirmer que par ses efforts, l’homme « s’élève de la plus grande rudesse d’autrefois à la plus  grande habileté, à la perfection intérieure de son mode de pensée ».

D’où l’inter-relation : la culture, l’histoire qui sont des produits de l’activité humaine sont en retour ce qui la modifie. L’homme est bien à lui-même sa propre production. Il tire tout de lui-même sauf ce par quoi cela est possible : sa raison et  sa  main,  mais  ces  aptitudes  portent  en  creux  le  mouvement  de  la  culture  et  de  l’histoire.  Comme  toutes  les dispositions, elles n’actualisent que progressivement leurs potentialités. Elles témoignent en tout cas que l'homme n'est pas déterminé à être ce qu'il est. Sa nature est originairement indéterminée. C'est une somme de possibles qu'il lui revient de déployer dans tel ou tel sens.

L’homme est donc bien libre de l’instinct. D’où l’urgence de réfléchir sur le sens de son aventure.

La raison est fondamentalement liée à la liberté. Certes  comme l’animal, l'homme doit assumer la nécessité vitale. Il est contraint  lui aussi de pourvoir  à  la satisfaction  de ses  besoins.  Si on  appelle  « bonheur »  (ou  bien-être pour  l’animal)  la satisfaction  des  besoins  et  des  désirs,  alors  il  faut  dire  que  l’aspiration  au «  bonheur »  est  une  tendance  commune  aux  hommes et aux animaux. Le « bonheur » serait une finalité propre aux espèces animales ?

Mais si le bonheur était la seule finalité de l’existence humaine, pourquoi la nature nous  aurait-elle engagés  dans la douloureuse aventure qui est la nôtre ? Car outre qu’avec la conscience, le besoin devient désir, c’est-à-dire dynamisme beaucoup  plus  difficile  à combler,  l’homme ne  peut atteindre  ses  buts  que par le  travail.  Or  travail  implique  efforts, souffrances.  La transformation de l’homme et du monde par le travail n’est pas  un chemin de délices. « Une foule de peines  attendent l’homme ». Il est dur de tout devoir tirer de soi. Songeons que même les divertissements qui peuvent rendre la vie agréable sont conquis de haute lutte.  Le moindre spectacle, les  plaisirs  du  sport, de l’art coûtent cher en sacrifices et en douleurs. 

La nature semble nous avoir destinés à la conquête plus qu’à la jouissance proprement dite des fruits  de  notre  labeur.  A  bien  observer  les  choses,  on  a  l'impression  qu'on  est  moins  fait  pour  être  heureux  que  pour promouvoir par notre effort les conditions d'un bonheur mérité. Et cette observation va dans le sens des requêtes de  la  conscience commune.  

 Pour  chacun  le bonheur  est  un  bien  et  une  aspiration  naturelle,  mais  on  s'indigne lorsqu'on  constate que tout réussit à un paresseux et à un méchant alors qu'un homme vertueux peut être accablé par les coups du sort. Cela ne signifie-t-il pas que les hommes conçoivent le bonheur comme ce qui devrait être la récompense du mérite moral?  
 
Ils subordonnent donc la finalité naturelle (le bonheur) à une finalité plus élevée, une finalité éthique, décrite comme « mérite », « estime de soi » ?

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