mardi 9 avril 2019

Sujet du mercredi 10 Avril 2019 : Avons-nous besoin d’une élite ?


                               Avons-nous besoin d’une élite ?

Définitions (du « Robert ») : Elite en français moderne s’emploie à propos de personnes considérées comme les meilleures dans un groupe, une communauté. Élitiste mot devenu usuel pour évoquer la tendance à maintenir et développer les hiérarchies socio-intellectuelles.

C’est sur l’élitisme de nos gouvernants que je m’interroge.
En effet je n’ai aucune raison de m’interroger sur l’intérêt des élites : les meilleurs scientifiques, les meilleurs médecins, les meilleurs artisans, les meilleurs sportifs…Ils ne constituent pas une catégorie sociale et leur apport à la société humaine est bénéfique ou neutre selon que l’on s’intéresse à leurs performances. Je peux ne pas m’intéresser aux championnats de foot ou au meilleurs chefs cuisiniers sans que ma vie quotidienne n’en soit bouleversée. Je m’intéresse plus volontiers aux scientifiques dont les découvertes ouvrent des champs d’application bénéfiques à l’homme, telles les découvertes pasteuriennes ou einsteiniennes…
Donc quand je parle d’élite je pense au groupe social qui nous gouverne, c’est à dire la classe sociale dominante. Cette question n’est pas nouvelle : Platon (428-348 avant J.-C.) prônait déjà dans sa cité idéale décrite dans la « République » le gouvernement des meilleurs, et ceux-ci étaient les philosophes-rois, un monarque philosophe roi avait sa faveur…

Sans être exhaustif, esquissons le rapport de l’homme du peuple à son élite politique au cours de l’histoire occidentale et plus particulièrement dans notre pays depuis l’antiquité, en somme d’où venons-nous ?

  La condition des esclaves, ils sont considérés comme des « meubles » et laissés comme tels au bon vouloir de leurs maîtres. C’est eux qui travaillent, produisent, ils peuvent assumer des responsabilités économiques (gestionnaire de domaine), ils peuvent être affranchis. Ce statut évoluera en hommes « non-libres » au VIème siècle de notre ère, et perdurera longtemps.

  La Démocratie athénienne établie par Solon en 594 avant J.-C.  sera une démocratie directe réservée aux citoyens masculins athéniens. Un conseil de cinq cents citoyens ou Boulé, renouvelé chaque année par tirage au sort sur des listes de citoyens volontaires, seules conditions d’éligibilité : limite d’âge et honorabilité. Elle reste une référence historique.

  La Rome antique : succéda à la monarchie étrusque, en 509 avant J.-C., la Res Publica (le bien commun). Le « populus », c’est à dire l’ensemble des citoyens romains masculins interviennent par les assemblées ou comices dans la vie politique de Rome. L’égalité civile entre plébéiens et patriciens (familles aristocratiques) est à peu près réalisée au IIème siècle. Les magistratures suprêmes : deux consuls l’exercent pendant un an, l’un au moins est issu de la Plèbe. La Plèbe élit dix tribuns inviolables qui ont un droit de veto et un fort pouvoir religieux, ils peuvent intervenir en faveur de n’importe quel plébéien devant le sénat ou le consul. Le sénat (300 aristocrates) détient l’autorictas et conseille les consuls. Ceci jusqu’à la crise déclenchée par les généraux ambitieux (Marius, Sylla, Pompée, César) qui la feront tomber en 31 avant J.C., Octave prendra le titre d’Auguste, c’est à dire de guide vénéré. Dès lors le conseil de l’empereur sera un groupe formé d’amis, de parents, les pouvoirs traditionnels notamment le sénat entreront en décadence au profit du régime du Principat puis du Dominat autoritaire des IIIème et IVème siècle.

  Pendant le moyen âge qui n’est pas une période monolithique, s’est constituée surtout depuis les carolingiens, au VIIIème siècle, une société aristocratique élitiste, dont l’idéologie chrétienne devient la colonne vertébrale. Comme le dit Jacques Le Goff les structures qui ont fonctionné en Europe du IVème siècle (Constantin le premier empereur chrétien) au XVIII ème (la Révolution) délimitent un long moyen âge avec une société reposant sur trois ordres les « oratores » ceux qui prient les clercs, les « bellatores » ceux qui combattent et ceux qui peinent les « laboratores ». C’était alors l’ordre tangible et non transgressif de ce monde temporel établi par Dieu, dirigé par un monarque sacré.

  La révolution française, préparée par les philosophes des « Lumières », dans sa déclaration des droits de l’homme « Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. », affirme donc que la carrière est ouverte aux talents, en opposition à la société d’ordres de l’ancien régime (le tiers état, le clergé, les Nobles). Ainsi nait le principe de la « méritocratie ». C’est la procédure des concours et non plus la naissance qui permettra d’accéder aux postes clés de l’État, haute administration, armée…Dans l’esprit des révolutionnaires le mérite remplace l’héritage.

  Après le retour des régimes despotiques : deux empereurs et trois rois, une défaite militaire cuisante en 1870, de 1875 à 1884 la IIIème république s’installe. Il s’agit d’une démocratie parlementaire : les citoyens français masculins élisent des députés qui font les lois et élisent le gouvernement. La IVème, régime semblable, mais les femmes obtiennent le droit de vote, succèdera en 1946 à l’épisode sombre du « régime de Vichy » (40-44), qui l’avait abolie.
En 1958 la constitution de la Vème république instaure un régime présidentiel avec élection au suffrage universel du président de la République à qui l’essentiel des pouvoirs échoit. Pouvoirs retirés à l’Assemblée Nationale, qu’il peut en outre décider de dissoudre.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

La France a de grandes écoles (polytechnique, HEC, ENA, etc.) qui forment une élite endogamique. Seuls les enfants de parents ayant passés avec succès ces concours peuvent espérer les réussir. Ceci est lié à l’acquisition de codes comportementaux, à l’environnement culturel et géographique, que l’enfant né de parents privilégiés par la richesse ou la situation sociale héritera. La méritocratie ne permet pas d’éviter ces biais. 

Les inégalités ne sont pas naturelles mais le produit de l’histoire (Proudhon)
.
Si l’on considère l’élite comme groupe social, représenté par ceux qui gouvernent ou ceux qui dirigent les grandes entreprises ou ceux qui détiennent l’essentiel des richesses. Sachant que le rôle d’un chef d’état n’est pas seulement d’assurer la sécurité de la population (Hobbes) mais aussi de permettre aux citoyens d’être heureux (Aristote). Pourquoi ce dysfonctionnement inégalitaire existe-t-il après plus d’un siècle de démocratie ?  

Car l’élite ce sont les plus riches et ceux qui les soutiennent. De plus ils ne sont pas forcément dénués de talent et agissent pour conserver leur position privilégiée en tentant d’inféoder la représentation politique. Enfin la mondialisation du système économique a aggravé les inégalités et touche une population, jusqu’alors consentante qui ne l’admet plus, car « l’ascenseur social » ne lui permet plus d’espérer mieux pour sa descendance.

Oui nous avons besoin des meilleurs dirigeants pour que notre société fonctionne harmonieusement, donc d’une élite, mais pas d’une nouvelle aristocratie pro-financière dirigeante, quasi dynastique ou au mieux cooptée. 
Cela pose une double question : 

la première est politique comment le peuple peut-il se réapproprier le pouvoir démocratiquement ? 

La seconde est éducative, doit-on favoriser les mesures dites de discrimination positive pour compenser le déficit social lors des concours (des essais en ce sens ont été menés pour le recrutement de l’ENA) ?


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