La mort du roi entraine-t-elle l’avènement du peuple ?
Citoyens,
si le peuple romain, après six cents ans de vertu et de haine contre les rois;
si la Grande-Bretagne, après Cromwell mort, vit renaître les rois, malgré son
énergie, que ne doivent pas craindre parmi nous les bons citoyens amis de la
liberté, en voyant la hache trembler dans nos mains, et un peuple dès le
premier jour de sa liberté, respecter le souvenir de ses fers! Quelle
République voulez-vous établir au milieu de nos combats particuliers et de nos
faiblesses communes?
Pour
moi, je ne vois point de milieu: cet homme doit régner ou mourir. Il vous
prouvera que tout ce qu'il a fait, il l'a fait pour soutenir le dépôt qui lui
était confié; car, en engageant avec lui cette discussion, vous ne lui pouvez
demander compte de sa malignité cachée; il vous perdra dans le cercle vicieux
que vous tracez vous-mêmes pour l'accuser.
Citoyens, ainsi les peuples opprimés au nom de leur volonté s'enchaînent indissolublement par le respect de leur propre orgueil, tandis que la morale et 1'utilité devraient être l'unique règle des lois; ainsi, par le prix qu'on met à ses erreurs, on s'amuse à les combattre, au lieu de marcher droit à la vérité.
Citoyens, ainsi les peuples opprimés au nom de leur volonté s'enchaînent indissolublement par le respect de leur propre orgueil, tandis que la morale et 1'utilité devraient être l'unique règle des lois; ainsi, par le prix qu'on met à ses erreurs, on s'amuse à les combattre, au lieu de marcher droit à la vérité.
On ne
peut point régner innocemment: la est trop évidente. Tout roi est un rebelle et
un usurpateur. Les rois mêmes traitaient-ils autrement les prétendus
usurpateurs de leur autorité? Ne fit-on pas le procès à la mémoire de Cromwell?
Et, certes, Cromwell n'était pas plus usurpateur que Charles 1er, lorsqu'un
peuple est assez lâche pour se laisser mener par des tyrans, la domination est
le droit du premier venu, et n est pas plus sacrée ni plus légitime sur la tête
de l'un que sur celle de l'autre.
Voilà les considérations qu'un peuple généreux et républicain ne doit pas oublier dans le jugement d'un roi.
On nous dit que le roi doit être jugé par un tribunal, comme les autres citoyens... Mais les tribunaux ne sont établis que pour les membres de la cité; et je ne conçois point par quel oubli des principes des institutions sociales un tribunal serait juge entre un roi et le souverain; comment un tribunal aurait la faculté de rendre un maître à la patrie, et de l'absoudre, et comment la volonté générale serait citée devant un tribunal.
On vous dira que le jugement sera ratifié par le peuple. Mais si le peuple ratifie le jugement, pourquoi ne jugerait-il pas? Si nous ne sentions point tout le faible de ces idées, quelque forme de gouvernement que nous adoptassions, nous serions esclaves; le souverain n'y serait jamais à sa place, ni le magistrat à la sienne, et le peuple serait sans garantie l'oppression.
Citoyens, le tribunal qui doit juger Louis n'est point un tribunal judiciaire: c'est un conseil, c'est le peuple, c’est vous; et les lois que nous avons à suivre sont celles du droit des gens. C'est vous qui devez juger Louis; mais vous ne pouvez être à son égard une cour judiciaire, un juré, un accusateur; cette forme civile de jugement le rendrait injuste; et le roi, regardé comme citoyen, ne pourrait être jugé‚ par les mêmes bouches qui l'accusent. Louis est un étranger parmi nous, il n’était pas citoyen avant son crime; il ne pouvait voter; il ne pouvait porter les armes; il l’est encore moins depuis son crime: et par quel abus de la justice même en feriez-vous un citoyen, pour le condamner? Aussitôt qu'un homme est coupable, il sort de la cité; et, point du tout, Louis y entrerait par son crime. Je vous dirai plus: c est que si vous déclariez le roi simple citoyen, vous ne pourriez plus l'atteindre. De quel engagement de sa part lui parleriez-vous dans le présent ordre des choses?
Louis était un autre Catilina; le meurtrier, comme le consul de Rome, jurerait qu'il a sauvé la patrie. Louis a combattu le peuple: il est vaincu. C'est un barbare, c'est un étranger prisonnier de guerre. Vous avez vu ses desseins perfides; vous avez vu son armée; le traître n'était pas le roi des Français, c'était le roi de quelques conjurés. Il faisait des levées secrètes de troupes, avait des magistrats particuliers; il regardait les citoyens comme ses esclaves; il avait proscrit secrètement tous les gens de bien et de courage. Il est le meurtrier de la Bastille, de Nancy, du Champ-de-Mars, de Tournai, des Tuileries: quel ennemi, quel étranger nous a fait plus de mal? Il doit être jugé promptement: c'est le conseil de la sagesse et de la saine politique; c'est une espèce d'otage que conservent les fripons. On cherche à remuer la pitié; on achètera bientôt des larmes; on fera tout pour nous intéresser, pour nous corrompre même. Peuple, si le roi est jamais absous, souviens-toi que nous ne serons plus dignes de ta confiance, et tu pourras nous accuser de perfidie.
Voilà les considérations qu'un peuple généreux et républicain ne doit pas oublier dans le jugement d'un roi.
On nous dit que le roi doit être jugé par un tribunal, comme les autres citoyens... Mais les tribunaux ne sont établis que pour les membres de la cité; et je ne conçois point par quel oubli des principes des institutions sociales un tribunal serait juge entre un roi et le souverain; comment un tribunal aurait la faculté de rendre un maître à la patrie, et de l'absoudre, et comment la volonté générale serait citée devant un tribunal.
On vous dira que le jugement sera ratifié par le peuple. Mais si le peuple ratifie le jugement, pourquoi ne jugerait-il pas? Si nous ne sentions point tout le faible de ces idées, quelque forme de gouvernement que nous adoptassions, nous serions esclaves; le souverain n'y serait jamais à sa place, ni le magistrat à la sienne, et le peuple serait sans garantie l'oppression.
Citoyens, le tribunal qui doit juger Louis n'est point un tribunal judiciaire: c'est un conseil, c'est le peuple, c’est vous; et les lois que nous avons à suivre sont celles du droit des gens. C'est vous qui devez juger Louis; mais vous ne pouvez être à son égard une cour judiciaire, un juré, un accusateur; cette forme civile de jugement le rendrait injuste; et le roi, regardé comme citoyen, ne pourrait être jugé‚ par les mêmes bouches qui l'accusent. Louis est un étranger parmi nous, il n’était pas citoyen avant son crime; il ne pouvait voter; il ne pouvait porter les armes; il l’est encore moins depuis son crime: et par quel abus de la justice même en feriez-vous un citoyen, pour le condamner? Aussitôt qu'un homme est coupable, il sort de la cité; et, point du tout, Louis y entrerait par son crime. Je vous dirai plus: c est que si vous déclariez le roi simple citoyen, vous ne pourriez plus l'atteindre. De quel engagement de sa part lui parleriez-vous dans le présent ordre des choses?
Louis était un autre Catilina; le meurtrier, comme le consul de Rome, jurerait qu'il a sauvé la patrie. Louis a combattu le peuple: il est vaincu. C'est un barbare, c'est un étranger prisonnier de guerre. Vous avez vu ses desseins perfides; vous avez vu son armée; le traître n'était pas le roi des Français, c'était le roi de quelques conjurés. Il faisait des levées secrètes de troupes, avait des magistrats particuliers; il regardait les citoyens comme ses esclaves; il avait proscrit secrètement tous les gens de bien et de courage. Il est le meurtrier de la Bastille, de Nancy, du Champ-de-Mars, de Tournai, des Tuileries: quel ennemi, quel étranger nous a fait plus de mal? Il doit être jugé promptement: c'est le conseil de la sagesse et de la saine politique; c'est une espèce d'otage que conservent les fripons. On cherche à remuer la pitié; on achètera bientôt des larmes; on fera tout pour nous intéresser, pour nous corrompre même. Peuple, si le roi est jamais absous, souviens-toi que nous ne serons plus dignes de ta confiance, et tu pourras nous accuser de perfidie.
St JUST
13 Novembre 1792 (extraits)
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