lundi 19 décembre 2022

Sujet du Merc. 21/12/2022 : L’ETAT, C’EST LE PERE NOEL ?

 


                                L’ETAT, C’EST LE PERE NOEL ?   

Ceci serait-il un texte de « philosophie faible » ? L’État, c’est notre petit Papa Noël ou plutôt le Père fouettard ? Ou les deux à la fois ? A doses variables ? L’État ne s’institue-t-il pas à la faveur de l’émergence de la propriété privée -- récente par rapport aux débuts de l’espèce sapiens -- peu après l’apparition de l’agriculture, de la guerre, de l’esclavage, du patriarcat.

                                                                                                                                          

Les sociétés du paléolithique – la dernière ayant récemment disparu -- étaient très différentes de celles de l’agriculture. Les hommes étaient des prédateurs de la nature et non des producteurs de denrées alimentaires en surplus, conservées comme stocks représentant un capital de travail accumulé et donc à protéger d’éventuels prédateurs. Cette protection a requis la constitution d’un corps spécialisé de « gens d’armes », de guerriers constitués en une institution de guerre dominant tant leur propre société que des sociétés étrangères par le biais de la violence organisée, débouchant sur le meurtre de masse systématique d’hommes, de femmes et d’enfants.

 

Ainsi, l’État exerce la violence légale pour assurer a minima la pérennité de la société qu’il fonde et dirige. Il assure le « bien » de celle-ci et, par là en priorité, le sien propre. Les droits et fonctions régaliens incluent successivement la sécurité, la loi et la justice, la monnaie, la santé (alimentation, un toit, …), l’éducation, la provision de ressources énergétiques telles que bêtes de somme, esclaves et, si jugé utile, la mise au pas à bon compte d’une force citoyenne de travail et de guerre.

 

L’État devient à la fois le « Souverain Bien », Dieu sur terre et le Père Noël ; et son pendant, la force de coercition du Père fouettard. Ensemble, ne constituent-ils pas les facteurs de pérennité et de développement d’une société organisée post-paléolithique ? Dans ce contexte historique, voici quelques philosophies, aux conceptions partielles et largement contradictoires, relatives au pacte ou contrat social censé ordonner la société en Etat pour le bonheur des hommes.

 

Selon Hobbes, philosophe anglais du 17e siècle, les hommes sont foncièrement (de nature !) des propriétaires égoïstes et violents provoquant une guerre perpétuelle de tous contre tous. « L’homme est un loup pour l’homme ». Dès lors, l’État Tout-Puissant doit garantir la sécurité car l’état de nature n’est que violence sans sociabilité. Pour être heureux ensemble et garantir sa sécurité personnelle, il faut que chacun délègue le monopole de la violence à un Souverain absolu. Un pacte est passé avec lui selon lequel chacun renonce à sa liberté naturelle afin que la puissance publique s’exerce par la force et par la loi. Chacun peut alors, en contrepartie, chercher son bonheur en vaquant, sans crainte, à ses affaires personnelles et privées. En résumé, j’abandonne mes droits au souverain. Il ne me doit aucun compte.

 

Par contre pour Locke, le souverain garantit justice et liberté. L’état de nature correspond à une sociabilité naturelle. Pour être heureux en société chacun doit pouvoir jouir de sa vie, de sa liberté et de ses biens (propriété privée). Mais comme chacun pourrait alors empiéter sur les droits naturels de tout autre, l’État doit être capable de garantir le droit de chacun à la propriété. Un pacte social est passé entre chacun et le souverain. En contrepartie, je suis prêt à céder mon droit naturel à me faire justice moi-même. Je ne puis punir moi-même. C’est une condition de la concorde sociale. Néanmoins, le pouvoir du souverain est limité. Ses deux leviers pour garantir mes droits sont la justice et la police. L’État garantit mes droits naturels. Il me doit des comptes.

 

Pour Rousseau, le souverain est le peuple lui-même. L’état de nature prodigue abondance, indépendance et innocence. Sans propriété privée. Car c’est la société qui corrompt les hommes sans qu’ils puissent échapper à cette situation. Dès lors, comment chacun pourra-t-il approcher de sa liberté naturelle ? Réponse de Jean-Jacques : pour être heureux avec mes congénères, j’ai besoin d’égalité avec eux et de pouvoir jouir de ma liberté personnelle. Mais comment vais-je conjuguer ma liberté avec celle d’autrui ? Il faut instituer la création collective d’un cadre général. Comment ? Eh bien, en obéissant à des lois que nous nous donnerons en commun. Chacun et ensemble, nous respectons ce cadre légal fixé par une volonté générale, celle de la majorité d’entre nous. Chacun respecte ce contrat social Pour le bonheur de tous. Je trouve mon bonheur avec les autres dans le « bien commun ». En fait, je suis l’État ... Ou, pour le moins, une de ses parties intégrantes. Comme tout autre concitoyen.

 

Mill, philosophe et logicien anglais du 19e siècle, considère que prendre en compte les minorités participe à la constitution d’un bonheur collectif. (On voit ce qu’il en est aujourd’hui avec la déconstruction, voire la destruction, des valeurs majoritaires au profit des minoritaires.) Le danger serait l’immobilité d’une pensée majoritaire, figée et dominante. Comme s’il n’y avait qu’une seule Vérité. Ce qu’avait déjà démenti le « cas Galilée ». Tout comme plus tard, pendant la guerre 14-18, le fait que les femmes tiendraient tous les postes précédemment réservés aux hommes et donc aussi de nombreuses rênes des pays en guerre. Tout reste donc toujours à construire. La conclusion de Mill fut qu’une société créatrice, idéale, qui se dirige ainsi deux fois plus vite vers le bonheur est une société genrée et inclusive… Mais n’anticipe-t-on pas là un peu une funeste dérive actuelle ?

 

Après Rousseau, Marx et Mill, Thoreau (philosophe américain) put affirmer qu’il ne faut pas avoir peur de penser différemment des autres. Car on n’est pas seul à le faire ! Tiens, tiens. En effet, seul, je ne peux rien faire contre ce qui me révolte. Le bonheur serait atteint en faisant un pas de côté, hors de la société, en laissant parler ma conscience. Ensemble on peut alors passer à l’action. Marx, dans une thèse sur Feuerbach, n’avait-il pas déjà reconnu que les philosophes n’avaient jusqu’alors fait qu’interpréter le monde et qu’il s’agissait dorénavant de le transformer ? En passant à l’action !


Schopenhauer, Nietzsche, Kierkegaard saisirent l’occasion de la relativité du « penser » pour subrepticement passer à l’irrationalité du « tout se vaut ». Et tenter de déconstruire, voire ultimement anéantir les philosophies des Lumières du 18e siècle. Cela se poursuivit au siècle dernier jusqu’à Heidegger fondant le criminel irrationalisme nazi. Ne se perpétue-t-il pas aujourd’hui en version hypocrite et douce, déjà perçue en germe au 19e siècle par Alexis de Tocqueville en visite d’étude pratique en Amérique du nord. Les épigones de Heidegger -- les Deleuze, Guattari, Foucault, Lacan et bien d’autres – ont poursuivi cette déconstruction. Prêchant la « French philosophy » déconstructiviste dans des universités étatzuniennes, ils induisent des retombées qui pleuvent aujourd’hui sur le monde en mouvances politiques woke, LGBTQ+ et tutti quanti.

 

Il s’ensuit que le lien social se dissout en une collection d’individus consuméristes à outrance. Rivés à leurs écrans (soi-disant privés bien que parfaitement connus de leurs « maîtres »), ils dissolvent la société par leur parfait égoïsme, ignorant non seulement tout lien collectif mais aussi les « causes qui les déterminent » (Spinoza). Cela ne nous conduit-il pas actuellement à des Etats totalitaires à la Hobbes ? Ou, alors, au « tous en guerre contre tous » et au nihilisme nietzschéen instituant comme conséquence logique le règne des plus forts regroupés en gangs et mafias criminels ? Aujourd’hui, nous constatons cette évolution au quotidien.

 

La philosophie peut réfuter et dépasser tout ce fatras boulgui-boulga de propositions contradictoires, toutes plus indigentes les unes que les autres. Indigentes surtout parce qu’elles s’interdisent d’office toute remise en cause de la propriété privée et de l’accumulation induite des profits et du capital en toujours moins de mains. On a montré le rôle de l’État-Papa Noël-Père fouettard. Va-t-on s’atteler à une critique en règle des fondements historiques de l’Etat ? Peut-être en faisant aussi appel aux contributions de Marx ? Afin d’essayer de dégager les conditions « nécessaires et suffisantes » à la dissolution de l’État.

 

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