lundi 24 août 2020

Sujet du Merc. 26 Août 2020 : "Nul n'est aussi intelligent qu'il veut" Alain

 

                           "Nul n'est aussi intelligent qu'il veut"  Alain.

Alain est classé comme un philosophe moraliste et c’est en partie vrai. Il faut toutefois s’attacher à voir en quoi sa vision morale de la philosophie se distingue de ses prédécesseurs. “ C’est la volonté qui juge et pense ” (Lettre à Élie Halévy, du 3 avril 1901), dans la connaissance aussi bien que dans l’action, et c’est en quoi toute vérité, comme toute vertu, est “ de volonté ” (Abrégés p. 801). Si l’esprit “ met tout en ordre ”, comme disait Anaxagore, et dans la perception elle-même, c’est pour autant seulement que l’esprit est doué de volonté ou, mieux, est la volonté jugeant.

D’où la liberté, et le doute de Descartes. Penser c’est juger, juger c’est vouloir, et “ le seul devoir est d’être libre ”.

 

 On en sait toujours assez pour agir en homme : ce n’est pas l’intelligence qui est en défaut, c’est la volonté ce n’est pas la science qui manque, c’est le courage. “ … il n’est pas difficile de céder à la peur il n’y a qu’à la laisser faire. Comme pour dormir le matin, il suffit de s’abandonner. Le paresseux ne choisit point la paresse la paresse se passe très bien d’être choisie. La gourmandise de même, et la luxure, et tous les péchés cela va tout seul ”.

 

On dépasse ici le simple rappel à la morale en effet le but c’est d’être  un homme, mais cela ne va point sans choix. En effet le tyran ou l’assassin sont humains aussi. Trop humains ? Alain, qui n’aimait guère Nietzsche, dirait plutôt qu’ils le sont trop peu, ou trop mal, n’étant soumis qu’à la partie en eux la plus animale :  Être vaincu en soi-même par soi-même animal, c’est la faute ”. Faute contre l’esprit, contre l’humanité, et contre soi. À l’inverse, “… dès qu’un homme se gouverne bien lui-même, il se trouve bon et utile aux autres sans avoir seulement à y penser. C’est l’idée de toute morale le reste n’est que police de Barbares ”.

 

Peut-être retrouve-t-on ici le « connais-toi toi-même » socratique ? Loin de l’accumulation de connaissances, des diplômes empilés, Alain nous propose-t-il une « intelligence » qui résiderait principalement et avant tout dans le critère de son efficience pratique ?

Le danger serait alors de tomber dans le rejet de la connaissance et de la (ou des) méthode(s) pour fonder des vérités.

En effet in fine l’homme prouve par ses réalisations la justesse de ses idées, conceptions etc, et celles-ci ne tombent pas du ciel.

La volonté « nul n’est aussi intelligent qu’il veut » dit Alain est-elle vraiment le seul critère de l’intelligence telle que nous en avons proposé la définition ?

Question classique de la philosophie : on peut vouloir mais que faire de cette volonté si on n’a pas le pouvoir de l’accomplir ( force physique, argent, possibilité de se déplacer, de voir, de toucher …) ?

 

Peut être touchons nous là la limite de la proposition d’Alain ?

Certes il faut du courage pour se lever le matin, ou pour se lancer dans l’apprentissage de la menuiserie ou de la physique ; mais loin de la discussion biaisée sur les capacités « naturelles » de chacun, la réflexion d’Alain soulève aussi le problème de l’aliénation.    

On peut fort ordinairement penser qu’on est nul en maths ou en philo, mais quel est le fond de cette réflexion ? On serait « intelligent » pour les maths et pas pour la philo, et pourquoi donc ? Pourquoi être persuadé de cette « déficience », d’où vient cette amputation volontaire de nos propres capacités ?

Doués, pas doués, faibles, forts d’où sortent ces catégories qui rassurent car elles figent dans l’immuabilité les rapports entre les hommes ?

 

Si volonté nous devons avoir pour être intelligents, ne réside-t-elle pas justement dans cette première intelligence qui serait celle de décoder les certitudes, de renverser les évidences. De douter ?

 

Et au fond ne serait-ce point le socle qui nous permettrait de quitter la morale, y compris celle proposée par Alain d’ailleurs ! Cette morale du « courage ». Sauf à considérer que douter est courageux.

 

Au fait pourquoi pas ?

 

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