Comment faire pour ne rien savoir ?
Le verbe savoir
est lié à l’idée d’enseignement. On l’emploie lorsque la connaissance que l’on
a d’une chose résulte d’un apprentissage ou de la communication d’une
information. Ce verbe signifie être instruit dans quelque chose
ou être informé de quelque chose. On peut donc
utiliser ce verbe pour parler de faits, de capacités, d’informations reçues,
etc.
Ne rien savoir, c’est rester dans
l‘opinion, ou le relativisme des idées. Mais pour en arriver là il ne pas faut
une attitude passive. Il faut « apprendre » l’ignorance. Et le lieu,
par excellence de cet apprentissage, c’est l’école ! Paradoxe ?
L’école est le premier lieu (dans les pays qui en ont les moyens) où l’individu se frotte aux savoirs : compter, lire, écrire, socialisation, etc …. Cela a été longtemps globalement vrai – il n’y a qu’à lire les lettres de poilus de 14-18 pour comprendre comment des gens qui possédaient le certificat d’études (14 ans) avaient accès à une pensée et une expression claires.
L’école est le premier lieu (dans les pays qui en ont les moyens) où l’individu se frotte aux savoirs : compter, lire, écrire, socialisation, etc …. Cela a été longtemps globalement vrai – il n’y a qu’à lire les lettres de poilus de 14-18 pour comprendre comment des gens qui possédaient le certificat d’études (14 ans) avaient accès à une pensée et une expression claires.
Mais Mai 68 est passé
par là avec son cortège d’utopies pédagogiques ineptes et de réformes profondes
de l’enseignement de la pédagogie. J.C Michéa, enseignant de philosophie à
Montpellier, écrivait en 1999 :
« L’élève qui débarque aujourd’hui en classe perçoit celle-ci, généralement, comme une sorte de cafétéria dont il est le client. Et dans la société marchande, c’est le client qui est roi. Les « pédagogues », d’ailleurs, cherchent à renforcer ce dispositif psychologique essentiel au fonctionnement du capitalisme avec, en priorité, l’idée que « L’enfant doit être au centre de l’école ».
La plupart des élèves modernes seraient ainsi profondément choqués si je n’acceptais pas les devoirs qu’ils me rendent avec parfois deux à trois semaines de retard. Mais si j’avais le malheur d’être en retard d’un jour lorsqu’il me faut à mon tour rendre les copies corrigées, j’aurais droit à une belle leçon de morale.
Je me souviens d’une élève, fort sympathique du reste qui, m’ayant rendu avec le retard habituel un devoir avec ratures monumentales et taches de whisky, avait joint ce mot d’excuses : « Je suis désolée de rendre le devoir dans cet état mais je n ’ai pas eu envie de le recopier ».
En bonne cliente elle n’avait effectivement pas douté un seul instant, que l’envie ou l’absence d’envie sont les seuls moteurs raisonnables de l’action humaine et que son excuse était donc parfaitement légitime.
Je suppose, en revanche, que si je lui avais répondu que, moi aussi, je n’avais aucune envie de corriger son devoir elle aurait vu là une atteinte insupportable à ses droits fondamentaux et, peut-être, engagé une procédure auprès de la Cour européenne de Justice.
Concrètement ils ressemblent donc de plus en plus au monde de Bill Gates, Nike, Mc Donald, Coca Cola et à ses diverses traductions médiatiques de Skyrock aux « Guignols de l’info », de N.T.M. à « Hélène et les garçons », de la « Loveparade » à la Gay Pride. Bref à toute cette culture de la consommation, que l’adolescent, qui lui est assujetti, vit toujours comme un comportement « rebelle » et « romantique », alors même qu’elle assure sa soumission réelle à l’ordre médiatique et marchand.
« L’élève qui débarque aujourd’hui en classe perçoit celle-ci, généralement, comme une sorte de cafétéria dont il est le client. Et dans la société marchande, c’est le client qui est roi. Les « pédagogues », d’ailleurs, cherchent à renforcer ce dispositif psychologique essentiel au fonctionnement du capitalisme avec, en priorité, l’idée que « L’enfant doit être au centre de l’école ».
La plupart des élèves modernes seraient ainsi profondément choqués si je n’acceptais pas les devoirs qu’ils me rendent avec parfois deux à trois semaines de retard. Mais si j’avais le malheur d’être en retard d’un jour lorsqu’il me faut à mon tour rendre les copies corrigées, j’aurais droit à une belle leçon de morale.
Je me souviens d’une élève, fort sympathique du reste qui, m’ayant rendu avec le retard habituel un devoir avec ratures monumentales et taches de whisky, avait joint ce mot d’excuses : « Je suis désolée de rendre le devoir dans cet état mais je n ’ai pas eu envie de le recopier ».
En bonne cliente elle n’avait effectivement pas douté un seul instant, que l’envie ou l’absence d’envie sont les seuls moteurs raisonnables de l’action humaine et que son excuse était donc parfaitement légitime.
Je suppose, en revanche, que si je lui avais répondu que, moi aussi, je n’avais aucune envie de corriger son devoir elle aurait vu là une atteinte insupportable à ses droits fondamentaux et, peut-être, engagé une procédure auprès de la Cour européenne de Justice.
Concrètement ils ressemblent donc de plus en plus au monde de Bill Gates, Nike, Mc Donald, Coca Cola et à ses diverses traductions médiatiques de Skyrock aux « Guignols de l’info », de N.T.M. à « Hélène et les garçons », de la « Loveparade » à la Gay Pride. Bref à toute cette culture de la consommation, que l’adolescent, qui lui est assujetti, vit toujours comme un comportement « rebelle » et « romantique », alors même qu’elle assure sa soumission réelle à l’ordre médiatique et marchand.
Toute une part de notre métier
consiste donc, de plus en plus, à « réhumaniser » l’élève, c’est-à-dire à lui
apprendre à être autre chose qu’un consommateur pour qui toute invitation à la
réflexion critique doit viser à une utilité immédiate, ou bien ne constitue
qu’une fâcheuse « prise de tête » …
L’épreuve de philosophie, si elle existe encore, pourrait être remplacée par un QCM du genre : « Qui était Schopenhauer : a) un philosophe allemand ? b) le libéro du Bayern de Munich ? c) une marque de bière ? »
L’épreuve de philosophie, si elle existe encore, pourrait être remplacée par un QCM du genre : « Qui était Schopenhauer : a) un philosophe allemand ? b) le libéro du Bayern de Munich ? c) une marque de bière ? »
Et c’est bien ce que nous vivons,
aussi, au sein même du café philo depuis maintenant plusieurs années. Une sorte
de « pensée faible »,
comme le faisait remarquer un intervenant, est venue peu à peu recouvrir les
discussions critiques qui ont meublé quelques centaines de nos rencontres.
Opposés à la culture du lire, de plus en plus d’intervenants nous disent qu’ils
ont « leurs » sources ; ou encore qu’ils n’ont pas besoin de
penser (et surtout refusent toutes critiques constructives) car ils sont
« nés avec la connaissance », jouant sur une étymologie bricolée du
verbe connaitre :(cum nascere = naître avec).
« Leurs » sources, neuf fois sur 10 c’est youtube avec ses délirants habiles (qui ont parfois la faveur des medias de masse !) dans les domaines des pseudo sciences, comme les fameux one man show d’Aberkane, citation «…l'école est le lieu de « l’impuissance apprise » selon « le mécanisme mis en pratique depuis des siècles par les tortionnaires et les preneurs d'otages », celui des animaux captifs soumis à des électrochocs : « c'est Einstein qu'on assassine ! » Les notes doivent être abolies « comme l'abolition des sacrifices humains, comme l'abolition de la peine de mort, comme l'abolition de l'esclavage » car, à travers elle… « L’école tue … ».
« Leurs » sources, neuf fois sur 10 c’est youtube avec ses délirants habiles (qui ont parfois la faveur des medias de masse !) dans les domaines des pseudo sciences, comme les fameux one man show d’Aberkane, citation «…l'école est le lieu de « l’impuissance apprise » selon « le mécanisme mis en pratique depuis des siècles par les tortionnaires et les preneurs d'otages », celui des animaux captifs soumis à des électrochocs : « c'est Einstein qu'on assassine ! » Les notes doivent être abolies « comme l'abolition des sacrifices humains, comme l'abolition de la peine de mort, comme l'abolition de l'esclavage » car, à travers elle… « L’école tue … ».
En politique ils citent (entre autres) Soral dont ils ne
soupçonnent pas un instant qu’il ne soit pas raciste.
En babacoolisme standard
on nous ressort le dalaï lama, Rahbi, les religions et… les petits hommes
verts, dont Roswell est l’archétype
Bref le café philo devient le
lieu transitoire ou l’opinion tente
de se faufiler, furtive comme une flatulence, et il faudrait que l’on prenne
cela comme le dernier parfum à la mode !
Transitoire, dis-je, car il y a
au moins un avantage – au demeurant devenu classique – à ces
« références » de haute volée, c’est que leurs auteurs ne
voulant ne pas savoir et sûrs de nous éclairer - alors que ce ne sont
que des allumés - nous quittent assez rapidement.
Ils ne savaient pas que la philosophie est inconvertible, qu’elle est l’opposée de la croyance et de l’opinion. Ils voulaient notre bien, étaler leurs flatus vocis (expression latine relative à des paroles sans intérêt, sans signification), ils ignoraient que les philosophes ne cherchent pas le bien, mais la vérité et que d’Anaximandre à Épicure en passant par Descartes, Spinoza, Hegel et Marx ils n’ont qu’un but : révéler les supercheries, desceller les certitudes.
Voici donc, en contrepoint,
comment faire pour ne rien savoir (en laissant croire qu’on sait) : ne pas
lire, se fier à la parole des « réseaux – soi-disant -sociaux », prendre les élucubrations qui sont
déversées sur youtube (ou France info, France culture, etc …) pour de l’argent
comptant. Ne rien vérifier. Ne pas démontrer mais se livrer à de simples
incantations. Pour ne rien savoir, en fait, il suffit d’une bonne couche de
fainéantise et une bonne dose de prétention.
Mais tout cela ne tombe pas du ciel. Une réunion tenue sous l’égide de la fondation Gorbatchev en septembre 1995, à l’Hôtel Fairmont de San Francisco, où cinq cents hommes politiques, dirigeants économiques et scientifiques de premier plan confrontèrent leur vue sur le destin de la nouvelle civilisation. L’assemblée ayant diagnostiqué que, dans le prochain siècle, deux dixièmes de la population active suffiraient à maintenir l’activité de l’économie mondiale, la question fut posée pour l’élite mondiale de la manière de maintenir la gouvernabilité des 80 % d’humanité surnuméraire dont l’inutilité a été programmée par la logique libérale.
Mais tout cela ne tombe pas du ciel. Une réunion tenue sous l’égide de la fondation Gorbatchev en septembre 1995, à l’Hôtel Fairmont de San Francisco, où cinq cents hommes politiques, dirigeants économiques et scientifiques de premier plan confrontèrent leur vue sur le destin de la nouvelle civilisation. L’assemblée ayant diagnostiqué que, dans le prochain siècle, deux dixièmes de la population active suffiraient à maintenir l’activité de l’économie mondiale, la question fut posée pour l’élite mondiale de la manière de maintenir la gouvernabilité des 80 % d’humanité surnuméraire dont l’inutilité a été programmée par la logique libérale.
La solution qui s’imposa comme la plus
raisonnable fut le « tittytainment » proposé par ZBIGNIEW BRZEZINSKY. Il s’agit
en l’occurrence de définir un cocktail de divertissement abrutissant et
d’alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population
frustrée de la planète.
Un tel système devrait conserver un secteur
d’excellence, destiné à former au plus haut niveau les différentes élites scientifiques,
techniques et managériales qui seront de plus en plus nécessaires, à mesure que
la guerre économique deviendra plus dure et plus impitoyable. Un savoir
utilitaire et de nature essentiellement algorithmique – c’est-à-dire, qui ne
fait pas appel de façon décisive à l’autonomie et à la créativité de ceux qui
l’utilisent – pourrait être appris seul chez soi, par ordinateur.
D’où la
généralisation probable de l’enseignement multimédia à distance. Mais ce que
la machine peut inculquer, c’est, au mieux, un savoir coupé de ses supports
affectifs et culturels et par conséquent privé de sa signification humaine et
de ses potentialités critiques.
Pour « l’école du grand nombre », « l’ignorance devra être enseignée de toutes
les façons concevables ». Les experts en « sciences de l’éducation », dont
le rôle sera de définir et d’imposer ce que DEBORD appelait « la dissolution de la logique »,
c’est-à-dire « la perte de la possibilité
de reconnaître instantanément ce qui est important et ce qui est mineur ou hors
de la question ; ce qui est incompatible ou, inversement, pourrait bien être
complémentaire ; tout ce qui implique telle conséquence et ce que, du même coup
elle interdit ». Un élève ainsi dressé se trouvera, si l’on suit DEBORD,
placé « d’entrée de jeu au service de
l’ordre établi, alors que son intention a pu être complètement contraire à ce
résultat ».
Quant aux enseignants, ils devront abandonner leur statut
actuel de « sujets supposés savoir » au profit de celui d’animateurs de
différentes activités d’éveil ou transversales, celui de l’école ensuite, « en
lieu de vie démocratique et joyeux ».
C’est
ce que beaucoup ne veulent pas savoir ! Ou s’en accommodent ….
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