dimanche 8 mai 2016

Sujet du Mercredi 11 Mai : Ne rien faire est déjà une défaite assurée.



                   Ne rien faire est déjà une défaite assurée.

Histoire d’un sujet : il est de tradition que les sujets du café philo soient proposés par les participants en fin de soirée. Ce jour là un sujet est proposé «  combattre est déjà une défaite ». La formulation de l’énoncé me parait immédiatement comme une ode à l’inaction (sur tous les plans, individuels ou collectifs), Certains auteurs appellent cela la philosophie de l’abstention. Dans la foulée je propose « Ne rien faire est déjà une défaite assurée » ; sujet retenu.

Il existe aux USA une « nouvelle philosophie » qui fait la promotion de la passivité et qui se fonde sur la faillite de certaines politiques publiques pour justifier l’inaction.
Le grand théoricien de cette « philosophie » est Michael Huemer, diplômé des universités Berkeley et Rutgers, il enseigne depuis quinze ans à l’Université du Colorado.
Florilège de ses idées sur la renonciation :
« La plupart des gouvernements cherchent à résoudre ce problème en interdisant l’usage des drogues douces. Mais nous n’avons aucune raison de croire que cette politique marche, nous savons en revanche qu’elle coûte cher. Donc le plus sage serait d’abandonner la guerre contre la drogue. »…. 
« Comme je l’ai mentionné, même les experts ont des connaissances limitées et ils ont leurs propres intérêts, distincts de ceux du reste de la société. Donc la seule solution, c’est d’avoir moins de gouvernance. »….
« Ne rien faire ne résout pas les problèmes sociaux, mais ça évite de les empirer. Et cela serait préférable à tout ce qui a été accompli jusqu’à présent »….
Cette tendance au détachement, cette abdication devant l’agir c’est en quelque sorte une forme d’hygiène personnelle. Il ne faut pas pouvoir sentir la crasse, la misère, la douleur, l’exploitation, le sang et le crime. Il faut flotter au-dessus des hommes avec la « conscience » claire et éclairée que donne à certains un certain usage de la …raison.
Pour ceux –là restent les idées. Ce ciel glacial des idées de Platon. Comme il est paisible de transformer la misère en « idée de misère », le crime en « idée de crime » …. C’est cela l’idéalisme philosophique, celui des universités. Celui que ne prend pas parti. Ainsi dans cette philosophie n’a t-on jamais tort (ou raison d’ailleurs). Tout tourne en rond, sagement.
Les maîtres aiment ces clercs qui racontent sans vexer, brutaliser. Polis et serviables ils finiront tôt ou tard à passer à la « bibliothèque Médicis » avec JP Elkabbach. La consécration pour qui que soit qui ait sacralisé une parole aussi éloignée que possible des Fils de la Terre !
« Souffler n’est pas jouer de la flûte. Il faut encore remuer les doigts. » Goethe.

Ne rien faire est déjà une défaite assurée :
L’essence même de l’homme est l’action. Et pas n’importe quelle action. L’histoire de l’évolution de l’homme montre qu’il est un créateur. Du simple silex taillé pour la chasse jusqu’aux remarquables découvertes scientifiques dont il est l’auteur, l’homme n’a jamais cessé de lutter, essayé de comprendre, appris à résister. Individu mais société, l’homme est tout à la fois savoir faire et faire savoir. Fabricant et transmetteur.

C’est cette particularité, long apprentissage, suivi de profondes modifications corporelles et mentales, qui fait de notre espèce celle qui est sortie du règne animal.
Alors affirmer comme certains que « combattre est déjà une défaite », comme cette nouvelle philosophie étasunienne, c’est ignorer des millions d’années d’évolutions et de révolutions (feu, langage, symbolique…) qui se sont faites grâce à l’assiduité, la ténacité, la curiosité, les combats pour lutter contre la faim et le « destin ».
C’est et cela reste la tâche que s’assigne la philosophie idéaliste. Celle qui tente de décentrer l’homme, pour n’en faire que le produit de lui-même. Un être « hors-sol », hors nature, hors société. Une monade isolée de Leibniz.

« Tout homme est politique. Mais ça, je ne l’ai découvert pour moi-même qu’avec la guerre, et je ne l’ai vraiment compris qu’à partir de 1945. Avant la guerre, je me considérais simplement comme un individu, je ne voyais pas du tout le lien qu’il y avait entre mon existence individuelle et la société dans laquelle je vivais… j’étais l’ ’homme seul’, c’est-à-dire l’individu qui s’oppose à la société par l’indépendance de sa pensée mais qui ne doit rien à la société et sur qui celle-ci ne peut rien, parce qu’il est libre » écrira Sartre en 1975.

Ne faites rien si vous voulez rester pur en vous-même. Virtuellement libres. Vous aurez les mains propres loin de la terre des hommes, Terre sur laquelle d’autres se les salissent dans la boue des champs et la graisse des machines. Pour vous.


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