Ne rien faire est déjà
une défaite assurée.
Histoire d’un sujet : il est
de tradition que les sujets du café philo soient proposés par les participants
en fin de soirée. Ce jour là un sujet est proposé « combattre est déjà
une défaite ». La formulation de l’énoncé me parait immédiatement comme
une ode à l’inaction (sur tous les plans, individuels ou collectifs), Certains
auteurs appellent cela la philosophie de l’abstention. Dans la foulée je
propose « Ne rien faire est déjà une défaite assurée » ; sujet
retenu.
Il existe aux USA une
« nouvelle philosophie » qui fait la promotion de la passivité et qui
se fonde sur la faillite de certaines politiques publiques pour justifier
l’inaction.
Le grand théoricien de cette
« philosophie » est Michael Huemer, diplômé des universités
Berkeley et Rutgers, il enseigne depuis quinze ans à l’Université du Colorado.
Florilège de ses idées sur la
renonciation :
« La plupart des gouvernements cherchent à résoudre ce problème en
interdisant l’usage des drogues douces. Mais nous n’avons aucune raison de
croire que cette politique marche, nous savons en revanche qu’elle coûte cher.
Donc le plus sage serait d’abandonner la guerre contre la drogue. »….
« Comme je l’ai mentionné, même les experts ont des connaissances
limitées et ils ont leurs propres intérêts, distincts de ceux du reste de la
société. Donc la seule solution, c’est d’avoir moins de gouvernance. »….
« Ne rien faire ne résout pas les problèmes sociaux, mais ça évite de les
empirer. Et cela serait préférable à tout ce qui a été accompli jusqu’à présent »….
Cette tendance au détachement,
cette abdication devant l’agir c’est en quelque sorte une forme d’hygiène
personnelle. Il ne faut pas pouvoir sentir la crasse, la misère, la douleur,
l’exploitation, le sang et le crime. Il faut flotter au-dessus des hommes avec
la « conscience » claire et éclairée que donne à certains un certain
usage de la …raison.
Pour ceux –là restent les idées.
Ce ciel glacial des idées de Platon. Comme il est paisible de transformer la
misère en « idée de misère », le crime en « idée de crime »
…. C’est cela l’idéalisme philosophique, celui des universités. Celui que ne
prend pas parti. Ainsi dans cette philosophie n’a t-on jamais tort (ou raison
d’ailleurs). Tout tourne en rond, sagement.
Les maîtres aiment ces clercs qui
racontent sans vexer, brutaliser. Polis et serviables ils finiront tôt ou tard
à passer à la « bibliothèque Médicis » avec JP Elkabbach. La
consécration pour qui que soit qui ait sacralisé une parole aussi éloignée que
possible des Fils de la Terre !
« Souffler n’est pas jouer de la flûte. Il faut encore remuer les doigts. »
Goethe.
Ne rien faire est déjà une défaite
assurée :
L’essence même de l’homme est
l’action. Et pas n’importe quelle action. L’histoire de l’évolution de l’homme
montre qu’il est un créateur. Du simple silex taillé pour la chasse jusqu’aux
remarquables découvertes scientifiques dont il est l’auteur, l’homme n’a jamais
cessé de lutter, essayé de comprendre, appris à résister. Individu mais
société, l’homme est tout à la fois savoir faire et faire savoir. Fabricant et
transmetteur.
C’est cette particularité, long
apprentissage, suivi de profondes modifications corporelles et mentales, qui
fait de notre espèce celle qui est sortie du règne animal.
Alors affirmer comme certains que
« combattre est déjà une défaite », comme cette nouvelle philosophie
étasunienne, c’est ignorer des millions d’années d’évolutions et de révolutions
(feu, langage, symbolique…) qui se sont faites grâce à l’assiduité, la
ténacité, la curiosité, les combats pour lutter contre la faim et le
« destin ».
C’est et cela reste la tâche que
s’assigne la philosophie idéaliste. Celle qui tente de décentrer l’homme, pour
n’en faire que le produit de lui-même. Un être « hors-sol », hors
nature, hors société. Une monade isolée de Leibniz.
« Tout homme est
politique. Mais ça, je ne l’ai découvert pour moi-même qu’avec la guerre, et je
ne l’ai vraiment compris qu’à partir de 1945. Avant la guerre, je me
considérais simplement comme un individu, je ne voyais pas du tout le lien qu’il
y avait entre mon existence individuelle et la société dans laquelle je vivais…
j’étais l’ ’homme seul’, c’est-à-dire l’individu qui s’oppose à la société par
l’indépendance de sa pensée mais qui ne doit rien à la société et sur qui
celle-ci ne peut rien, parce qu’il est libre » écrira Sartre en 1975.
Ne faites rien si vous voulez rester pur en vous-même. Virtuellement
libres. Vous aurez les mains propres loin de la terre des hommes, Terre sur
laquelle d’autres se les salissent dans la boue des champs et la graisse des
machines. Pour vous.
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