samedi 5 mars 2016

Sujet du Merc. 09 Mars 2016 : L’insécurité sociale : asservissement ou opportunité ?



Linsécurité sociale : asservissement ou opportunité ?

« Avant ils marchaient tous sur des oeufs, ils vivaient dans la peur : je les tenais par les couilles. Depuis quils savent lannée, le jour et lheure de leur mort je ne maitrise plus rien, ils veulent profiter de leur vie. »   Dieu (joué par Benoît Poolvoerde)

Extrait du film Le tout nouveau testament, 2015, Réa. Jaco Van Dormael


Ici le personnage de Dieu dans le film se trouve désemparé. Depuis deux-mille ans il a une emprise sur les humains, grâce un pouvoir : la peur. Et notamment la peur de la mort. Les Hommes vivent dans lincertitude et se soumettent ainsi au tout puissant pour résoudre leurs problèmes existentiels. On peut également choisir de ne pas suivre le chemin de la dévotion, de saffranchir de toute force supérieure pour trouver les solutions en soi-même .


Insécurité sociale : source de peur dasservissement

Dans nos sociétés modernes, Dieu pourrait se substituer au travail. Le travail, ce qui fait quon est « inclu » ou « exclu » de la société. Notre métier nous défini en tant quindividu et à la question « que fais-tu dans la vie ? » on répond rarement « jaime dormir et cuisiner des risottos ».
On FAIT un travail, on EST un métier. Je suis dentiste - je suis prof - rien, je suis au chômage. Et linsécurité gagne lorsque lon dit « rien, je suis au chômage ». On espère ne plus y être, en sortir ; et ceux qui ny sont on peur de se retrouver à Pôle Emploi.

Ce rapport travail / chômage est un des exemples forts qui nous tient debout par des ficelles, qui nous fait marcher sur des oeufs, qui permet à celui qui veut sortir de cette peur de réaliser nimporte quelle tâche, y compris les travaux précaires les plus répétitifs / dangereux / sans aucun intérêt  pourvu quon gagne un peu dargent et quon puisse cocher la fameuse case « je suis ouvrier à lusine ».


Insécurité sociale : une opportunité dexpérimentation

Mais labsurdité de cette pression sociale est peu à peu démasquée par certains individus qui préfèrent prendre du recul et ne plus avoir peur. Ils expérimentent lactivité de vie en dehors de la forme marchande/salariale, on peut imaginer lexistence sociale sans le travail.

Ainsi cette insécurité sociale si ravageuse peut faire prendre conscience dune nouvelle voie à explorer : trouver qui lon est sans passer par cette peur qui nous oblige à travailler au sens « salarié ». Un véritable moyen de réalisation de soi. Linsécurité sociale financière fonctionne de la même manière, on peut se résigner de jamais avoir assez dargent, mais on peut aussi penser le monde autrement quavec des transactions consuméristes.

Est-ce que jai vraiment besoin dune voiture aussi grosse ? dune alarme dans ma maison ? est ce que jai besoin de travailler 9h par jour pour gagner de largent pour tenir ce système ? Est-ce que cest parce que je participe à cette terreur collective que jai limpression de tenir aussi debout ?


La contrainte te délivre et t'apporte la seule liberté qui compte.
Antoine de Saint-Exupéry ; Carnets (1953)

Eduquer, cest former à la liberté, cest à dire à lautonomie, par la contrainte.
Kant ; Traité de pédagogie (1803)

Réflexions de Robert Castel sur linsécurité sociale :

Lassociation de l’État de droit et de l’État social devait permettre de construire une « société de semblables » où, à défaut dune stricte égalité, chacun serait reconnu comme personne indépendante et prémuni contre les aléas de lexistence (chômage, vieillesse, maladie, accident du travail...) ; « protégé », en somme. Ce double pacte - civil et social - est aujourdhui menacé :

- Dun côté, par une demande de protection sans limites, de nature à générer sa propre frustration. - De lautre, par une série de transformations qui érodent progressivement les digues dressées par l’État social : individualisation, déclin des collectifs protecteurs, précarisation des relations de travail, prolifération des « nouveaux risques »...

Que signifie être protégé dans des « sociétés dindividus » ?

Il faut en convenir : alors que les formes les plus massives de la violence et de la déchéance sociale ont été largement jugulées, le souci de la sécurité est bien une préoccupation populaire, au sens fort du terme.

Comment rendre compte de ce paradoxe ?

Il conduit à faire lhypothèse quil ne faudrait pas opposer insécurité et protections comme si elles appartenaient à deux registres contraires de lexpérience collective. Linsécurité moderne ne serait pas labsence de protections, mais plutôt leur envers, leur ombre portée dans un univers social qui sest organisé autour dune quête sans fin de protections ou dune recherche éperdue de sécurité.

Quest-ce qu’être protégé dans ces conditions ?

Ce nest pas être installé dans la certitude de pouvoir maîtriser parfaitement tous les risques de lexistence, mais plutôt vivre entouré de systèmes de sécurisation qui sont des constructions complexes et fragiles, et portent en eux-mêmes le risque de faillir à leur tâche et de décevoir les attentes quils font naître.

Ainsi une réflexion sur les protections civiles et sur les protections sociales doit-elle conduire aussi à sinterroger sur la prolifération contemporaine dune aversion au risque qui fait que lindividu contemporain ne peut jamais se sentir totalement en sécurité. Car quest-ce qui nous protégera - à part Dieu ou la mort - si pour être pleinement en paix, il faut pouvoir maîtriser complètement tous les aléas de la vie ? Cette prise de conscience de la dimension proprement infinie de laspiration à la sécurité dans nos sociétés ne doit cependant pas conduire à remettre en question la légitimité de la recherche de protections. Cest au contraire l’étape critique nécessaire quil faut traverser afin de dégager la démarche aujourdhui requise pour faire face de la manière la plus réaliste aux insécurités : combattre les facteurs de dissociation sociale qui sont à lorigine de linsécurité civile aussi bien que de linsécurité sociale. On ny trouvera pas lassurance d’être affranchi de tous les dangers, mais on pourrait y gagner la chance dhabiter un monde moins injuste et plus humain.

Comment combattre cette nouvelle insécurité sociale ?


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