jeudi 16 mai 2013

Sujet du Mercredi 22 Mai : Doit-on croire à la mondialisation ?

Doit-on croire à la mondialisation ?




La prophétie du sociologue canadien Mc. Luhan est en train de se réaliser : le « village planétaire » se parcourt en quelques heures et communique en temps réel grâce aux technologies de l’information et de la communication qui ont contribué à « raccourcir les distances », à rendre proche les choses lointaines. Il est reculé le temps où 90% des biens que consommait un paysan du Moyen âge étaient disponibles dans un cercle de rayon de 5 kilomètres autour de son habitat. L’interdépendance de nos politiques, de nos décisions et la mobilité des hommes, des idées, des données offrent par la réalité des situations ainsi créées une véritable mutation dans un processus d’internationalisation des économies. Les souverainetés des Etats s’inscrivent alors dans un vaste mouvement fait de multipolarisation et de multilatéralisation. Nous vivons plus que jamais dans le cadre de cette économie monde chère à Fernand Braudel avec plusieurs centres et plusieurs périphéries.

Les économies des différents pays relèvent désormais d’un vaste mouvement de mondialisation. Phénomène récent ? Pas tout a fait peut-être.



De l’internationalisation à la mondialisation



La mondialisation semble apparaître comme étant l’aboutissement, à l’échelle de la planète, d’un mouvement de globalisation qui se réfère plutôt à la création de marchés et d’entreprises couvrant de vastes territoires, elle-même découlant d’une démarche d’internationalisation qui plonge ses racines dans la nuit des temps. En fait, « l’intégration croissante des parties constituant le tout de l’économie mondiale donne à celle-ci une dynamique propre, échappant de plus en plus au contrôle des Etats et portant atteinte à certains attributs (…) tels le contrôle monétaire et la gestion des finances publiques » [J.Adda, La mondialisation des économies, p8]

Les échanges entre pays remontent à la plus haute antiquité. Les Phéniciens sillonnaient la Méditerranée, les Romains pratiquaient le commerce mais aussi les délocalisations d’activités afin de réduire déjà les coûts de production par l’utilisation d’une main d’œuvre bon marché et la recherche d’économie d’échelle. Avec le Moyen âge, ce sont les foires qui se développent, les grandes routes commerciales qui se dessinent, des villes qui s’affirment, à Venise la route des épices et à Gènes celle de la soie. Vers la fin du XVème siècle la naissance des grandes compagnies maritimes assure le développement du capitalisme marchand et des grandes puissances coloniales. D’ailleurs, comme le souligne Fernand Braudel dans « La dynamique du capitalisme », bien avant le XX ème siècle, l’exportation de capitaux était une réalité quotidienne pour Florence dés le XIII ème  puis pour Anvers et Gènes au XVI ème    . Au XVIII  ème, les capitaux couvraient l’Europe et le Monde.

Plus récemment entre 1870 et 1913, dans le contexte du « pacte colonial » éclairé notamment en 1885 par la conférence de Berlin qui partage l’Afrique entre les grandes puissances, ces dernières avaient porté à un haut niveau le commerce international et l’investissement à l’étranger . Ainsi le ratio exportation / PIB est supérieur ou très voisin, à la veille de la première guerre mondiale, de celui atteint en 1973 au Japon, aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, en France et en Allemagne et le stock d’investissement direct à l’étranger représente en 1913, 9% de la richesse mondiale soit autant qu’en 1989. Aujourd’hui les investissements à l’étranger sont de l’ordre de 2000 milliards de dollars, soit un chiffre multiplié par 40 sur les 40 dernières années. C’est donc finalement davantage l’ampleur du phénomène actuelle qui peut surprendre que la mondialisation en elle-même.



La mondialisation des économies : du G7 au G20.



Longtemps, l’essor du commerce a été le fait, jusqu’au début des années 80, des pays de la « triade » : Amérique du Nord, Europe occidentale, Japon qui concentraient les 2/3 des imports/exports mondiales. Désormais, des pays que l’on qualifie d’émergents mais qui en réalité retrouvent une place qui était simplement la leur il y a plusieurs décennies, affirment leur puissance économique voire même politique à l’échelle souvent de leur continent et, contrecarrent les pays du nord anciennement industrialisés. Le G20, en succédant au G7 rassemble alors 80% du PIB mondial et représente les 2/3 de la population planétaire. La libéralisation et l’ouverture de l’ensemble des économies soutiennent leurs expansions respectives.

Toutefois, le modèle économique à l’échelle mondiale repose surtout et de plus en plus sur des firmes multinationales qui réunissent à elles seules ¼ de la richesse internationale et 1/3 des exportations mondiales. Dépassant les analyses traditionnelles ricardiennes de l’échange international, les firmes avancent, dans ce concert d’internationalisation croissante, l’argument de la recherche de rendement croissant et d’économie d’échelle. Comment ? Par l’innovation et la conquêtes de marchés, conséquence directe d’un transport qui a pu voir ses coûts baisser constamment depuis la révolution industrielle, occasionnant aussi bien la mobilité des facteurs de production que des situations de « concurrence monopolistique ».

Cette course en avant, cette quête de marchés entretiennent les tensions internationales et plongent les Etats dans une concurrence inévitable pour attirer les capitaux et les investissements porteurs d’emplois.



Libéralisation, le maitre mot sur lequel repose la mondialisation ?  



Au-delà de cette évolution qui semble quasiment mécanique quand elle apparaît comme l’ultime étape d’un processus dérivant de l’internationalisation des économies puis de leur globalisation, nous pouvons relever quelques faits majeurs qui ont provoqué un tel changement.

Cette série d’éléments peut s’interpréter comme à la fois des causes mais aussi des conséquences alimentant dans ce cas une véritable spirale « mondialisatrice ». Nous pouvons en conséquence être tenté d’expliquer plus précisément la mondialisation par :

1.     L’explosion des marchés financiers suite aux réformes impulsées par Reagan dans les années 80. Trois termes illustrent cette période : désintermédiation, décloisonnement, déréglementation. D’une façon générale, dans pratiquement tous les pays, le financement de l’économie a évolué d’une situation où les crédits bancaires dominaient à celle où les marchés financiers puis monétaires les ont progressivement dépassés. La primauté des marchés financiers sur le marché des biens et services, associée à l’interconnexion des places boursières dans le monde, accentue les interdépendances tout en créant des risques systémiques forts.

2.     L’effondrement des systèmes politiques à économie centralisée et planifiée, symbolisé par la chute du mur de Berlin en 1989, qui a contribué à l’instauration d’un nouvel ordre mondial et qui tourne le dos à la bipolarisation établie au lendemain de 1945.

3.     L’avènement de l’Organisation Mondiale du Commerce en 1995 qui consolide les acquis du GATT puis les surpasse, entretenant par la même cette nouvelle configuration politique post guerre froide renforçant la globalisation néo-libérale et très imprégnée du modèle de développement économique des Etats-Unis.

4.     la convergence des modèles de consommation de masse avec l’émergence d’un socio style mondial. Une finale de coupe du monde de football a désormais un retentissement planétaire, elle intéresse des milliards d’individus. Avoir douze ans aujourd’hui débouche sur des habitudes de vie, des réflexes souvent identiques quel que soit son lieu d’habitation.

5.     Des intégrations régionales, à l’image de l’Union Européenne, qui touchent tous les continents, qui amenuisent l’autorité relative des Etats les composant par la perte de l’efficacité des politiques nationales et l’affirmation des questions économiques.





Tout cela a été rendu possible par le formidable courant de libéralisation qui parait avoir inspiré tous les points précédemment cités.

Une question se pose toutefois :

Ce mouvement de mondialisation est-il irréversible ? Autrement dit : quels sont les facteurs potentiellement limitant ?



Le mieux n’est-il pas l’ennemi du bien ?



L’émergence d’un marché mondial nous a souvent été exposée d’une part comme inéluctable mais aussi et surtout d’autre part comme finalement un facteur de bien être, de prospérité pour l’ensemble des citoyens du monde aux motifs que le libre échange est présenté comme un élément  de gain en pouvoir d’achat, comme synonyme de paix dés lors qu’échanger devrait permettre d’éviter les tensions antérieures connues entre Etats soit donc la guerre. Or que constatons-nous ?

1.     Que des tensions politico militaires demeurent un peu partout sur la planète : Moyen Orient, Afrique, Asie voire même en Amérique du Sud.

2.     Que les inégalités s’accentuent aussi bien à l’intérieur de chaque pays, qu’entre les pays. Les 1200 premières grosses fortunes du monde concentrent l’équivalent du revenu de 3,5 milliards d’individus les plus pauvres.

3.     Que la question de la gestion des ressources est posée à partir du moment où nos modes de vie reposent sur de féroces appétits de consommation.

4.     Qu’après 40 années de keynésianisme et d’Etat providence, bon nombre de compromis sociaux sont mis à mal dans les pays développés : chômage, retraite, exclusion…



Dans ces conditions est-il toujours possible de trancher entre pour ou contre la mondialisation ?

Le problème se pose-t-il réellement en ces termes ?

A-t-on les moyens et la possibilité de choisir ?



Soyons donc plus modestes, évitons de tomber dans des approximations et des approches manichéennes et essayons de faire appel au bon sens.
Dés lors n’est-il pas raisonnable :

1.     de demander plus de régulation, plus de réglementation devant les turbulences financières, monétaires et économiques ? Avec par exemple des taux de change reposant davantage sur une véritable unité de compte reconnue internationalement. Comment concilier l’inconciliable triangle de Mundel c’est-à-dire : stabilité des taux de change, autonomie des politiques monétaires et libre circulation des capitaux ?

2.     de ne pas maintenir artificiellement l’emploi dans des secteurs que l’on sait déjà parfaitement être condamnés au détriment de secteurs d’avenir à forte valeur ajoutée ?

3.     D’éviter peut-être de soumettre toute chose à l’unique loi de la valeur, de sortir de la tutelle des marchés financiers, de faire attention à ce que les principes de concurrence ne dominent pas ceux d’organisation ?

4.     De tout mettre en œuvre pour échapper au délitement des tissus sociaux ?





Les objectifs ne manquent bien sûr pas, leurs réussites dépendent de notre faculté à dépasser certains antagonismes, certaines peurs, certaines craintes comme la crainte de l’autre, de l’étranger. Il convient de ne pas ranimer les querelles d’autrefois, de ne pas désigner automatiquement le voisin comme coupable de notre incapacité à faire les bons choix et de prendre les décisions qui s’imposent. A ce propos, conservons à l’esprit cette citation de Mark Twain lorsqu’il dit :

« L’Histoire ne se répète pas, mais elle rime parfois »


Par Philippe Mallaroni








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