"QUE NUL N'ENTRE ICI S'IL N'EST GEOMETRE"
Ce texte figurait parait-il au
fronton de l’école de philosophie que créa Platon, école qui s’intitulait «
Académie ».
Imaginons un instant qu’à l’entrée
du café philo figure cette phrase. Il est probable que beaucoup rebrousseraient
chemin. Mais que peut-on entendre par « géomètre » ? Pour
Platon, la géométrie, pas plus que les autres sciences mathématiques, n'est une
fin en soi, mais seulement un préalable destiné à tester et développer
la capacité d'abstraction de l'étudiant. Il s’agissait, pour lui, d’apprendre à
dépasser les sensations qui nous maintiennent dans l’ordre du visible (des
sens) et du matériel pour s’élever vers un intelligible transcendantal.
Dans ce cadre la géométrie est
une science qui n’autorise guère de fantaisies et on comprend peut-être mieux
la préoccupation de Platon. Des lignes des courbes, de segments, des angles ….
Si toutes les activités humaines pouvaient ainsi être abordées, si la vertu, le
courage, la beauté … pouvaient se mesurer pour arriver un absolu de Vertu,
Courage, Beauté.
Pour lui le réel n’existe pas, au
dessus du réel il y a le monde des idées et si, pour reprendre un exemple
classique, nous avons des lits ce ne sont que des répliques du lit
« premier » qui est le lit de dieu. D’où aussi la haine de Platon
pour les arts. Pour reprendre l’exemple ci-dessus Platon acceptait qu’un
artisan puisse « reproduire » le lit de dieu pour notre usage, mais qu’un
peintre puisse montrer un lit sur un tableau, cela avait une valeur de
sacrilège. En effet l’artiste proposait une « idée » du lit, alors
que la seule idée possible était l’idée supérieure, celle formulée par le dieu.
( voir philopiste : « Anaximandre ou la fin du mythe » ), la
géométrisation du cosmos avait permis de développer une philosophie
d’explication du monde fondée sur le rejet d’une « naissance », d’une
création et un projet d’organisation sociale prenant en compte isonomie et
contradiction; avec Platon nous assistons à une reprise en main de la pensée
mythique, une remise en cause de toute la philosophie de la nature et une
conception politique basée sur l’inégalité et le « mensonge
nécessaire ».
Platon allait être le penseur de cette époque.
En réaction à la décadence rien de tel qu’une dose de croyances revues et
corrigées. En réaction à la philosophie de la nature, elle qui partait du réel
pour en tirer des lois et transformer ce réel, quoi de plus logique que de nier
le réel et d’en revenir « au bon vieux temps » celui des mythes et
des explications cosmologiques fondées sur de la pure spéculation :
Pour Platon, le monde s’appuie sur cinq
éléments essentiels : le Feu, l’Air, l’Eau, la Terre et l’Univers. En réaction à l’idée d’un
univers incréé, le dieu créateur ressuscite « Ainsi, le Dieu a placé l'air et l'eau au milieu, entre le feu et la
terre, et il a disposé ces éléments les uns à l'égard des autres, autant qu'il
était possible dans le même rapport, de telle sorte que ce que le feu est à
l'air, l'air le fût à l'eau, et que ce que l'air est à l'eau, l'eau le fût à la
terre. De la sorte, il a uni et façonné un Ciel à la fois visible et
tangible." (Platon – Le Timée)
La philosophie va désormais se
tourner vers la métaphysique. Les choses « en soi », les concepts à
majuscules (Vérité, Beauté …) vont dominer le débat théologico-philosophique. Les
atomistes comme Epicure, Démocrite… ne purent s’imposer face à une philosophie
qui proposait aux puissants un tel corpus idéologique. Il faudra un Spinoza,
puis un Descartes pour voir commencer à émerger une pensée différente. 18
siècles pour un renouveau de la pensée philosophique.
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