vendredi 7 juillet 2023

Sujet du 12 Juil. 2023 : D'ici à la Comédie il n'y a rien, ni là, ni à la Comédie ? Ni nous-mêmes ?

 D'ici à la Comédie il n'y a rien, ni là, ni à la Comédie ? Ni nous-mêmes ?


Ceux qui disent cela devraient lire Berkeley.  En effet, rien ne paraît plus abscons que cet intitulé. Pourtant majoritaires sont ceux qui aujourd’hui en disent autant par scepticisme, relativisme ou nihilisme.  La confusion des esprits est si grande que les choses jugées utiles à nos vies sont de nos jours souvent dépourvues de toute réalité tangible ; choses du virtuel ou de la fiction qui, dans un monde artificiel, deviennent plus réelles que le réel lui-même.  En effet puisqu’on nous a habitués à admettre sans examen – certes de façon plutôt implicite que méthodique - que d’ici à là il n’y a rien de tangible parce qu’on n’y trouve que matière qui est chose si générale et abstraite dans son principe qu’elle ne saurait être perçue en aucune manière ni donc même exister.  Ainsi, il n’y a rien en la matière ; rien qu’une illusion qui prétend pourtant lui faire tout constituer.  Dès lors, rien devient tout et A n’est pas A.  Le principe d’identité et la possibilité d’une quelconque rationalité sont niés en bloc. 

Ainsi il n’y aurait rien puisqu’une distance n’est qu’une succession de points que la géométrie abstraite affirme n’avoir aucune dimension ni forme que ce soit.  La virtualité des choses bien concrètes en vient alors à s’imposer à nos esprits qui dérapent dans la co-existence de contraires incompatibles.  Car « les chevaux sont bien dans le pré et les livres dans la bibliothèque ».  Mais une image 3D nous offre son absence tangible (bien que les couleurs visibles qui la composent nous donnent l’illusion d’une chose réelle) au même titre que si nous avions imaginé cette chose dans l’abstraction irréelle d’un fantasme de notre esprit. 

Par une telle conception des choses, les scientifiques, mathématiciens et autres savants financiers, métaphysiciens, théologiens, férus d’informatique ou d’images virtuelles, tous adeptes d’abstraction désincarnée et algorithmique ont induit -  outre d’énormes progrès technologiques et humains -  une dislocation de la pensée et les servitudes, elles bien concrètes, qui en découlent.  Le principe philosophique du nouveau monde ainsi créé (qui ose encore questionner l’utilité pratique de la philosophie ?) est de croire l’absurdité que l’entité conceptuelle de matière pourrait exister abstraction faite des corps perceptibles et sensibles qui nous entourent.  Eux, les corps, ils sont bien là.

Y a-t-il concept plus idéaliste que cette Idée générale abstraite et absolue de matière ? La matière, imperceptible donc absente et inintelligible, rien en somme, seule serait et serait tout (philosophie de l’être). Ce qui à nouveau est la contradiction même du principe d’identité, base de toute rationalité. A l’opposé, le monde perceptible ne serait qu’apparences et, à proprement parler, n’existerait donc pas.  Pas plus que nous-mêmes, qui ne serions que des ombres de zombies, signes de signes: rien aussi.  Et d’ici à là, il n’y aurait rien non plus sauf la matière impalpable, irréelle et virtuelle, sans dimension ni forme.  Et puisque nous n’existerions pas, la matière existerait donc hors de nous ; elle serait ainsi non perçue et non pensée.  Telle est l’incohérence première de la vision idéaliste qui baigne nos vies, les religions, la plus grande part des philosophies et les sciences depuis des millénaires.  Rien grand-chose aurait-il changé en ces domaines depuis la Renaissance ?  Concrètement, notre subconscient ainsi induit ne nous a-t-il pas transformés jusqu’à ce jour en âmes divagantes d’abstraites chimères ? Et le ciel ne s’obscurcit-il pas, les arbres ne se penchent-ils vers nous lorsque nous sommes tristes ?  Cela n’est pourtant que si nous voulons bien le croire. 

Déjà fin 17ème et début 18ème siècles, Berkeley dénonçait-il l’abstraction idéaliste prévalente de Locke et Newton qui affirmait l’existence d’un espace absolu, homogène et infini, et de forces qui se transmettraient instantanément (temps nul ou infiniment petit) à des distances sans borne, qui plus est au sein de l’éther, « corps le plus subtil et élastique », puisque la lumière ne saurait atteindre des vitesses de transmission infinies.  Alors qu’il n’est d’espace sans corps, de corps qui ne soit senti et perçu, de sensations qui ne soient transmises au cerveau sous forme d’idées qui ne peuvent ainsi exister que par et dans l’esprit.  Le monde réel n’est pas une abstraction : il n’a d’existence effective que parce qu’il est perçu par notre esprit via nos sens.  Autrement dit : il n’est pas de « substance matérielle », d’abstraction appelée matière. « Il n’est de choses réelles qui auraient une existence rationnelle absolue, distincte de la perception sensible qu’en a un esprit … L’erreur vient de la langue … Les mots réel, étendue, existence, pouvoir, matière, ligne, infini, point et bien d’autres mots ont peu de clarté, de précision et de sens dans notre entendement … Sottise, chez les hommes, que de mépriser les sens.  Sans eux, l’esprit ne pourrait avoir absolument aucune connaissance, aucune pensée … Il ne faut pas oublier de constamment bannir la métaphysique. » (Berkeley).

Car sans la métaphysique, ses idéologies et inventions abstraites fumeuses et irréelles couplées à la croyance des hommes en elles, y aurait-il soumission possible à ceux qui la propagent -  alors qu’ils en connaissent l’inanité  -  à la seule fin d’assurer leur prééminence par le décervelage conduisant plus sûrement à l’obéissance générale nécessaire à la réalisation de fins privées particulières le plus souvent contraires au bien collectif ?  N’est-ce pas là la tâche de la philosophie pratique et donc politique, qu’elle soit  
1)  idéaliste au service de certains et crue par ses victimes désignées,  ou  
2)  « de l’acte » au service tant d’intérêts particuliers que de la collectivité prenant son avenir en main ?

Pour être encore plus clair afin d’assurer des bases conceptuelles fortes pour l’action en philosophie politique, voici quelques mots sur l’abstraction et certains de ses méfaits actuels, outre par ailleurs son utilité évidente pour le progrès : 

1.  Si l’abstraction de la division à l’infini avait un sens et une quelconque réalité, le point n’existerait pas, pas plus que « les dérivées à l’infini de vitesses de vitesses qui dépassent l’entendement ».  L’écriture mathématique ne correspond donc à rien de pensable, rien. Outre le nombre imaginaire égal à la racine carrée de moins un (i =  √-1 ) contraire à l’arithmétique, les concepts abstraits bien qu’imaginaires et irréels sont pourtant utiles aux hommes : les sciences actuelles reposent sur l’usage des intégrales et des équations différentielles.  Il en est de même des algorithmes sur lesquels sont construits les produits dérivés occultes de la finance qui aujourd’hui transmuent nos vies, assurant tant la fortune des uns que le dénuement et la servitude de tous. Tout cela est effets réels concrets de choses abstraites.

2.  Il en est de même de l’objet abstrait de matière qui sous-tend les progrès fulgurants des sciences débouchant sur les technologies modernes.  Nous n’entendons ni ne signifions rien d’intelligible quand nous parlons de matière substance inerte, imperceptible par les sens et abstraite dans laquelle néanmoins l’étendue, la forme et d’autres qualités sensibles subsisteraient effectivement.  Il s’en suit que la notion de matière est une contradiction en soi et ne saurait rien signifier ni même exister.    

Elle est tout et rien à la fois, elle a toutes les qualités de la Divinité absolue qu’elle remplace, peut-être à l’insu même des athées.  Dès lors, la question est celle de la possibilité d’évacuer la philosophie de l’être ou de l’essence, tant métaphysique que théologique.     

Une solution serait-elle de ne considérer la matière, définie comme substrat de tout l’univers, que comme outil ou instrument utile à la société des hommes et à son évolution ?  Et non comme l’essence ou l’être (ultimement divin) de toutes choses dont les hommes n’ont pas à s’embarrasser ni même à considérer, car cette notion d’ « être » est inutile voire néfaste in fine. En effet, elle conduit aux idéologies et aux croyances le plus souvent génératrices de domination.


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