lundi 13 juin 2022

Sujet du merc. 15 Juin 2022 : Qu'est ce que penser ?

 

                      Qu'est ce que penser ?

La pensée est l’une des productions de l’esprit. Les définitions concernant l’action de penser sont multiples. Il s’agit avant tout de former et de combiner des idées, de construire des raisonnements.

Penser par soi-même, c’est ne pas sen remettre au jugement dautrui, c’est se forger sa propre opinion, en s’éloignant autant que possible des croyances ou des idées reçues. C’est savoir se donner des champs de réflexion. Penser, c’est imaginer par avance, prévoir, évaluer les conséquences avant dagir. 

Penser est difficile, parce quune telle activité nous oblige à voir le monde en face, à ne plus nous soustraire à ce quil est, mais aussi à ce que nous sommes. Penser, cest accepter, cest chercher à comprendre. Rien nest plus délicat que de poser ses yeux sur les beautés comme sur les horreurs des Hommes et du monde. Mais penser cest aussi aspirer à la liberté. Exercer sa liberté dans sa pensée, cest accepter, encore, que cette dernière puisse se perdre dans des chemins tortueux. Cest accepter lidée même de la responsabilité d’être à lorigine de ses pensées et l’idée d’être responsable tout court.

Le reste du monde ne vient plus plaquer dans notre cerveau des idées préconçues. Non, ces idées sont retravaillées par un processus intellectuel, sont interrogées, passées au filtre de nos convictions les plus profondes. Sextirper de la dépendance, devenir autonome : tout ceci est déjà délicat matériellement, alors comment ne pas s’étonner de la difficulté à le devenir complètement ? La pensée vient gonfler un peu plus encore langoisse existentielle qui nous habite. Oui, penser en soi est dangereux. Tout le processus est une prise de risque perpétuelle. Penser fait peur, inquiète, parce que ce que nous aimons occulter dhabitude, le Mal, le Chaos, la complexité. Le reste du monde auquel nous sommes assimilés nous contraint à agir en interaction avec les autres. Peu à peu, une pensée collective remplace la conscience qui s’éteint et lhomme disparaît.

 On pourrait affirmer ici que sont négligés les sentiments. On pourrait en effet penser quil est nécessaire d’éteindre le cerveau pour laisser parler son cœur. Les émotions seraient alors plus pures et transmissibles avec davantage daisance. Lamour et lamitié seraient alors débarrassés de la conscience pour pleinement sexprimer.  De même, que dire de lArt, de la Création, de la Culture, si tout devait être intellectualisé? Seraient-ils tués dans l’œuf ? Faudrait-il, à linstar des sentiments, laisser libre cours à la virtuosité, « sans cerveau », pour créer’ inventer, imaginer, contempler’ atteindre ce qui fait de nous des êtres humains ?

La pensée reste un préalable à toutes nos actions. Cest en cela quelle est dangereuse. Parce que nous sommes humains, nous ne pouvons pas aimer, créer, jouir, sans penser. Cest en laissant lesprit vagabonder, contempler, imaginer, que la création sengage. Nietzsche appelle à une forme divresse dans lArt. ne peut-on pas latteindre dans une ivresse de liberté ? dans le chaos de nos pensées contradictoires, dissonantes ? dans langoisse existentielle qui croît chaque jour un peu plus à force de pensées? L’état supérieur auquel nous aspirons dans la création comme dans la jouissance ne sera jamais pleinement vécu en absence de pensée : il sera contenu, retenu par les pensées du monde extérieur immiscées dans nos cerveaux. Les détricoter, les faire nôtres est le seul moyen de nous extirper de l’état actuel et datteindre cet état personnel désiré, inaccessible sil est censuré par la vision des autres.

Cesser de penser nest rien dautre que linterruption de jugement qui conduit à la banalité du mal, tels que vus et revus avec Arendt et Terestchenko. Le risque saccroît chaque jour davantage. Le place que nous avons accordée au travail dans nos sociétés comme dans nos vies ne risque pas de changer la donne. Pire, lintérêt du travail, et linvestissement que nous lui offrons, conditionnent de plus en plus notre souhait de liberté, alors même que le travail et la société consument peu à peu les autres espaces de notre vie. La seconde cherche à simposer dans nos cerveaux pendant que le premier les occupe.

Nos cerveaux devraient être en veille. Non pas placés en veille, cest-à-dire à un état de conscience minimal. Penser « un peu » reviendrait à avoir seulement conscience des grands mécanismes qui cherchent à structurer nos vies, mais sy soumettre tout de même. Penser pour être libre, Mais à quel prix ? Au prix de langoisse, de la peur, de la pleine conscience dun monde incompréhensible? Arendt  répondrait que le plus dangereux restera toujours de ne pas penser.

A l’extérieur, les contradictions qui nourrissent notre époque ne sont pas si éloignées de celles connues par Hegel. Il se demandait comment définir les critères qui nous permettraient de nous assurer de la correspondance entre ce que l’on pense et ce qui est vraiment? Rien n’est vrai par soi-même, tout doit s’avérer, se vérifier. Dans cette logique de négation, chaque nouvelle figure de l’esprit, supérieure à la précédente, en suppose la suppression. Ce mouvement dialectique serait la vie même de l’esprit.

A l’intérieur, Pascal considère que chaque homme est soumis à une guerre des sens qui fait naître en lui une insatisfaction fondamentale conduisant les philosophes à l’orgueil des stoïciens ou au désespoir de sceptiques. Nombre d’obstacles empêche la pensée d’être livrée à elle-même. L’amour-propre centre l’homme sur lui-même et l’empêche de penser au néant, l’imagination permet de meubler le vide qui hante notre condition, le divertissement nous empêche de penser à la mort. Et pourtant, sa pensée, bien que bornée, confère à l’homme une dignité inégalable en le rendant capable de méditer sur sa condition, si misérable soit-elle.

 


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