lundi 13 avril 2015

Sujet du MARDI 14/04 : Ni dieu(x), ni maître(s)



                                     NI  DIEU(X), NI  MAITRE(S) ?  (Bakounine)

« Le grand livre de la vie et de la nature » serait la compréhension la plus complète qu’on puisse avoir des processus du vivant végétal et animal. Et donc des hommes. Or nos maîtres et s(a)eigneurs nous ont produit d’autres livres, composés de fatras si imaginaires et de fictions si échevelées que la vie réelle ne s’y trouve pas. Ils les ont appelés « Le Livre ». Celui des vérités absolues révélées aux hommes par un dieu, indubitables et imprescriptibles. C’est Le Livre des trois religions monothéistes. La science infuse et absolue l’habite de part en part même si, ironiquement, elle y est auto-contradictoire. Ce qui est un comble.

D’autres recueils concernent d’autres dieux, multiples cette fois mais tout autant « maîtres de vérités infuses ». Le monde que nous habitons fut créé de toute pièce, tel qu’en lui-même une fois pour toutes. Parfois il repose sur le dos d’une sage tortue ou d’un éléphant, c’est selon. Ou encore tourne-t-il par la main motrice d’un dieu, logé hors du cosmos en une symphonie harmonique de sphères amandines concentriques et solides que traverse pourtant le vol d’anges éthérés et dont les hommes, créés à l’image de leur « Seigneur Dieu et Maître », occupent le centre immobile et éternel. Narcisse, dédis-toi !
Ces « Contes et légendes de grand-mères » animent des mythes abandonnés il y a 25 siècles par les premiers philosophes grecs. Mais ils sont aujourd’hui encore promus par les « chiens de garde » de dogmes religieux qui brûlent vifs ou égorgent comme pourceaux en ferme les hérétiques, infidèles, apostats, athées et laïcs qui refusent depuis des millénaires de se soumettre à leurs sornettes. Le pouvoir de vie et de mort des maîtres et de leurs dieux est si grand qu’il imprime dans les esprits, les cœurs et les corps un quelconque ordre du monde factice de leur choix, assorti des vérités foutraques qu’ils imposent.
Il s’agit bien d’ordre, pour éviter le chaos. Cela est bien. Car sans point de comparaison ni unité de mesure rien n’est intelligible, les hommes sont désarmés. Mais il s’agit ici de l’ordre d’idéologies hors sol et éloignées du réel, à l’instar de celle de Platon et de ses innombrables héritiers spirituels répartis sur des millénaires jusqu’à ce jour. Un sacré tour de maîtres ! Ce ne sont pourtant que métaphysiques bien prégnantes qui soumettent toutes choses par la force, ou par une persuasion manipulatrice et mille mécanismes liberticides. Ce sont dénis d’humanité.

Un déni majeur, tout neuf et d’ampleur potentiellement infinie dans le temps et l’espace, apparut au détour de la Renaissance. Moyen d’une fin omni-liberticide, ce fut une monnaie fictive bien que réelle et qui se reproduit alors qu’elle est inerte ! Un miracle comme venu du « rien divin », mais perpétré de « mains de maîtres » humains bien réels. Sur cette base apparaissait en Angleterre en 1694 la première banque centrale dont les notables s’étaient institués « Dieu et Maître » de tous les hommes, de la totalité du vivant et de la nature par le mécanisme occulte de la réserve fractionnaire assurant la création monétaire « ex nihilo et ad infinitum » par interposition de dettes à intérêts composés. Hum, revoyons notre arithmétique. C’est le principe directeur originel du capitalisme. Cette imposture perdure, arnaque omnipotente utile à certains, meurtrière des autres. 
Elle tend in fine à épuiser le vivant, l’espace et le temps. Examinons-la ensemble à fond (si vous me le demandez).
Une fois écartés ces dénis d’humanité (ce qui nous est presque impossible après des millénaires d’endoctrinement), reste à savoir si la destruction anarchiste du « ni dieux, ni maîtres » peut être une solution, sauf celle du chaos entraînant la dissolution de la société. Or les hommes sont « des animaux politiques » (Aristote) qui ne peuvent vivre qu’en société. Ils établissent nécessairement des relations d’interdépendance fonctionnelle entre eux qui les conduisent à les régler selon un accord sur des valeurs élaborées en commun ; ou alors imposées et finalement « acceptées » de gré ou de force. Avant l’éclat d’une révolution.

Allons-nous dès lors accepter l’une de deux choses ? Ou aucune ? Et alors devoir rechercher une quatrième voie ? D’abord l’une de deux choses :   1.  Soit opter pour la facilité des écarts dommageables pour tous de la démesure, de l’hubris et du flot des passions non contenues ; tous éléments également dissipateurs de tout ordre qui forcent au chaos ?   2.  Soit, à l’opposé, cristalliser des valeurs  - - sans doute hâtivement retenues dans l’ignorance des débuts - - en un ordre pétri d’apriori présomptueux, ou alors intentionnellement inique parce qu’il promeut des intérêts particuliers opposés au bien commun de la société dans son ensemble ?
Les troisième et quatrième choix :   3. La réponse aux deux premières voies est négative. En effet, il est nécessaire d’éviter la destruction tant 1) par la démesure de l’anarchie ou des passions débridées, que 2) par un ordre fixe exploiteur ou arcbouté sur ses erreurs et imperfections.  4.  L’usage d’une saine maîtrise rationnelle du réel    hors des ordres métaphysiques de « maîtres et de dieux » ou plus ordinairement de simples quidams, aujourd’hui si nombreux et outrageusement narcissiques dans le culte exclusif du soi « petit maître-dieu  --  n’est-il pas le chemin de liberté qui institue un ordre humain bénéfique à tous ? Même s’il reste révisable et perfectible afin de préserver la diversité des hommes.

La liberté de pensée et l’esprit critique, seuls principes qui vaillent, s’opposent aux métaphysiques de dieux irréels et au recours à des maîtres abusifs éloignés de la recherche du bien général. Quant au « grand livre de la vie » évoqué en introduction, n’est-il pas dans la nature elle-même qui recèle l’ordre qui la sous-tend à la manière progressive qu’Epicure, Galilée, Bacon et Spinoza l’ont proposé ? A nous de continuer à essayer de le dévoiler.

Pour nous finalement, ne serait-ce pas seule la démarche rationnelle philosophico-scientifique et matérialiste qui autoriserait à dévoiler progressivement des parties significatives du réel, permettant de progresser plutôt que de régresser ? Pour autant, faut-il encore que nous en ayons, ensemble, la volonté. Ce qui n’est vraiment pas donné parce que cela demande en continu efforts et exigence, envers soi et en commun.

 En fait, seule la nature de nos actes de chaque instant peut en être le garant. C’est une dure réalité à laquelle se confronter : une réalité éloignée de l’habituel abandon de « l’être en devenir » pour un « faire » déterminé par « la mauvaise foi » (Sartre).


                  Blog du café philo  http://philopistes.blogspot.fr/

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